Tribune
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Publié le 24 Décembre 2012

Une candidature républicaine controversée au Pentagone

La mobilisation du lobby pro-israélien a contraint Barack Obama à repousser la nomination de Chuck Hagel.

 

Le président Obama est parti à Hawaï pour des vacances familiales de Noël bien méritées, mais il a emporté dans ses bagages moult soucis politiques qui pourraient obscurcir et écourter son repos. Outre les négociations sur le précipice budgétaire, le chef de l'État américain a dû différer la présentation de sa nouvelle équipe de sécurité nationale. Vendredi, Barack Obama a bien confirmé la nomination du sénateur démocrate John Kerry en remplacement de Hillary Clinton comme secrétaire d'État - «une mission pour laquelle John s'est préparé toute sa vie», a-t-il noté. Mais il a dû reporter le choix de son secrétaire à la Défense après la violente controverse qui a éclaté autour de Chuck Hagel, ancien sénateur républicain du Nebraska pressenti par la Maison-Blanche pour diriger le Pentagone.

Obama semble penser qu'il serait habile de nommer à la tête du ministère de la Défense un républicain ouvert aux compromis bipartisans, sur le modèle de ce qu'il avait déjà fait avec Robert Gates pendant son premier mandat. Avoir un républicain dans sa manche pour arracher des compromis sur la colline du Capitole concernant une éventuelle réduction du budget militaire ou une nouvelle avancée sur la réduction des armes nucléaires stratégiques serait un atout dont le président connaît la valeur, vu le gouffre qui sépare les deux ailes du Congrès. Mais une avalanche de critiques venant pour l'essentiel du lobby pro-israélien de l'Aipac s'est abattue sur l'ancien sénateur républicain, dans le but de «tuer» sa candidature. Cer­taines déclarations passées de Hagel, suggérant que le «lobby juif» américain a tendance à intimider les élus à Washington, ont été ressorties du placard pour l'accuser d'être un adversaire des intérêts d'Israël, voire un antisé­mite. Des accusations «fausses», a commenté l'expert du Moyen-Orient Aaron David Miller, qui avait mené l'entretien incriminé avec le sénateur. «Hagel croit à une relation spéciale avec Israël, pas à une relation exclusive», a-t-il noté.

 

Les adversaires de Hagel soulignent sa volonté de couper dans les dépenses du Pentagone et son peu d'enthousiasme pour une solution militaire au problème iranien. «Ses positions sur les dépenses militaires et sur l'Iran se situent loin sur la gauche de celles poursuivies par Obama pendant son premier mandat et le placent aux franges extrêmes du Sénat», a carrément asséné le Washington Post, se joignant au chœur des critiques. Casse-tête additionnel, Chuck Hagel a été pris à partie par les organisations gays, qui ont ressorti du placard de vieilles déclarations jugées «inacceptables». En 1998, Hagel avait déclaré qu'il n'était pas favorable à la candidature de James Hormel comme ambassadeur parce que ce dernier était «ouvertement et agressivement homosexuel». Ces derniers jours, il s'est fendu de plates excuses, assurant la communauté gay et les­bienne de son intention de mettre en œuvre la liberté d'afficher son orientation sexuelle dans l'armée. Les organisations gays et lesbiennes ont déclaré être satisfaites. Mais il n'est pas sûr que le lobby pro-Israël soit aussi accommodant.

Un républicain de la vieille école

 

Les partisans de Hagel parlent de cet ancien combattant du Vietnam comme d'un réaliste républicain de la vieille école, capable de tenir tête aux généraux, espèce en voie d'extinction prise en étau entre les néoconservateurs et les faucons libéraux démocrates, deux forces qui ont défini le consensus ultra-interventionniste de la politique étrangère américaine depuis quinze ans.

 

Ils soulignent à quel point il est nocif pour les intérêts d'Israël de s'interdire tout droit de critiquer la politique de Nétanyahou. Mais ils semblent peiner à éteindre l'incendie… «Je respecte Chuck Hagel, mais son approche de l'Iran pose des questions», a dit ce dimanche sur CNN le sénateur sortant Joe Lieberman, un pilier du Comité des forces armées. Il prévoit un «processus de confirmation très dur» si Obama persiste dans son choix.