Richard Prasquier

Ancien Président du CRIF

Le Billet de Richard Prasquier - L’assassinat de Sarah Halimi et la question de la responsabilité

22 June 2023 | 209 vue(s)
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Opinion

"Le terrorisme et l'antisémitisme ont marqué cette année passée"

Je me suis exprimé sur les enjeux de l'élection présidentielle pour la communauté juive française.

Stéphanie Dassa's picture
Documentaire Sauver Auschwitz
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23 January 2017
Catégorie : Opinion

"Sauver Auschwitz ?" un documentaire diffusé le 24 janvier à 22h40 sur Arte 

Le boycott des produits israéliens (nous) glace le sang.

Le racisme qui frappe la communauté asiatique est insupportable.
 

Vouloir profiter de l'actuelle polémique pour assimiler les arrêtés anti-burkini à la Saint-Barthélemy et à la Shoah, c'est tomber dans l'indigne et le nauséabond 

A l'occasion de l'assemblée générale du Crif réunie le 29 mai 2016, j'ai prononcé mon discours de candidature.

Depuis des années, l’historien Marc Knobel a de salutaires obsessions et une puissante détermination. L’une de ses salutaires obsessions, sur laquelle il a beaucoup travaillé et mené de profondes recherches, est cette diffusion sans frontières, sans retenues et sans toujours grandes oppositions, des haines multi-formes qui s’entretiennent.

Pour comprendre cet accord entre l’Iran et les grandes puissances sous la direction stratégique des USA, il faut essayer de comprendre la nouvelle politique internationale de l’administration américaine

Eté 2014. Pendant 1 mois et 18 jours, Israël a vécu au rythme des alertes et d’une guerre qui ne dit pas son nom. Un an plus tard. Juillet 2015 : Que reste-t-il de ces jours d’angoisse ?

Le 23 juin dernier, l’Union des étudiants juifs de France a célébré son 70e anniversaire à l’Hôtel de Ville de Paris. Magie des réseaux sociaux, j’ai vécu à distance cette soirée avec enthousiasme et frustration. L’occasion pour moi de replonger dans mes années Uejf.

Comme chaque été, de nombreux juifs ont décidé de quitter la France pour s’installer en Israël. On parle de 8000 à 10 000 pour l’ensemble de l’année 2015. J’ai moi-même fait ce choix en 2013  et pourtant j’ai, plus que jamais, envie de parler de ceux qui restent. 

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C’est une histoire horrible. C’est une histoire qui passe d’autant moins qu’elle est beaucoup passée sous le radar des médias et que dans leurs protestations, les Français juifs se sont souvent sentis assez seuls.

Un livre, L’invisible de la rue Vaucouleurs, un film, celui de François Margolin et Noémie Halioua qui sera diffusé sur RMC Story le 2 juillet 2023 et la lecture du rapport et des débats de la Commission parlementaire présidée avec énergie par Meyer Habib, et notamment les considérations qu’il a signées avec François Pupponi qui sont jointes au rapport qu’ils ont tous deux refusé d’approuver, permettent d’appréhender un fiasco qui est aussi bien policier que judiciaire, et sur lequel la lumière complète reste à faire. Sans compter le comportement particulièrement odieux et négligent, mais parfaitement légal de la juge d’instruction Madame Anne Ihuellou.

La justice a tranché et il n’y aura pas de révision, mais les interrogations persistent. Je voudrais m’attarder ici sur la notion de responsabilité et ses ambiguïtés.

Dans la nuit du 3 au 4 avril 2017, rue Vaucouleurs à Paris une femme de 66 ans, médecin puis directrice de crèche, est sauvagement frappée pendant plus de vingt minutes par un homme qui, avant de la jeter du troisième étage, alors que les voisins sont réveillés par les hurlements de la malheureuse, lance à la cantonade un mensonge perfide et sophistiqué : « Attention, une femme va se suicider ! ». 

Quatre ans plus tard, le 14 avril 2021, la Cour de Cassation, confirmant l’arrêt de la Chambre d’accusation, déclare Kabili Traoré irresponsable au titre du premier alinéa de l’article 122 du Code pénal qui dispose que « n’est pas responsable la personne atteinte au moment des faits d’un trouble psychique ayant aboli son discernement ». Deux collèges de trois psychiatres avaient abouti à cette conclusion, alors que le premier expert, le Docteur Zagury, avait conclu à une simple altération du jugement, ce qui aurait rendu le justiciable punissable. 

« En France, on ne juge pas les fous », suivant la formule consacrée…

Précisément, Kabili Traoré n’est pas fou. Son comportement après le meurtre avait fait poser le diagnostic de bouffée délirante aiguë. Une telle bouffée peut être un mode d’entrée dans la schizophrénie, c’est ce que pensait, à tort, le deuxième collège d’experts, ou n’être qu’un coup de tonnerre unique, comme le pensait le troisième groupe de psychiatres qui l’attribuaient à la simple prise de cannabis. 

Croire que Traoré a piégé les professionnels à l’époque des faits en simulant un comportement de dément, c’est lui attribuer une habileté peu vraisemblable. Ce qui pose problème n’est pas le diagnostic de bouffée délirante aiguë, c’est l’assimilation automatique de ce diagnostic à une abolition du discernement. Cela implique une rupture complète du comportement par rapport au passé. Mais pour connaître le comportement passé une ou deux consultations psychiatriques à distance des faits ne suffisent pas. Il faut aussi une enquête judiciaire. C’est cette enquête que la juge d’instruction a complètement négligée. C’est impardonnable.

Il n’y a pas de raison médicale de garder Traoré en hôpital psychiatrique fermé. De fait, il semble qu’il y continue le trafic de drogue, pour lequel il avait écopé d’une vingtaine de condamnations, dont l’efficacité reste pour le moins à démontrer. Et il revient parfois rue Vaucouleurs où lui et ses « potes », que la justice n’a même pas interrogés pendant l’instruction, sont les caïds du quartier, et expriment une haine des Juifs qu’on a ressentie lors de la marche silencieuse en mémoire de Sarah Halimi, laquelle d’ailleurs n’avait pas caché la peur que lui inspirait Traoré. 

Celui-ci a déclaré à la juge d’instruction que la vue d’une Torah et d’un chandelier chez Madame Halimi avait excité sa colère. C’est matériellement faux, mais il n’importe : quelle belle continuité antisémite entre le Traoré « normal » et le Traoré en bouffée délirante !

Il garde d’ailleurs un excellent sens de l’organisation temporelle et spatiale : il sait que ses cousins Diarra sont mitoyens de Sarah Halimi. Il déboule chez eux à 4 heures du matin, fait ses prières et ses ablutions, met des sous-vêtements neufs et va faire de l’acrobatie nocturne vers le balcon difficile d’accès de Madame Halimi...

C’est la juge d’instruction qui a commandité une seconde expertise, ce qui est exceptionnel, et laisse penser que la conclusion du Docteur Zagury ne lui convenait pas.

La Cour de Cassation a souligné, à la stupéfaction de beaucoup, que la prise de toxiques ne changeait pas les critères de responsabilité tant qu’il n’était pas prouvé que ces toxiques avaient été pris dans le but de commettre le crime. Personne n’a évidemment pu démontrer que Traoré, dont on sait qu’il avait cherché à se défoncer ce soir-là, l’avait fait en prévision du crime qu’il allait commettre, mais personne ne peut démontrer l’inverse.

Les juges, sous le parapluie des experts psychiatres, ont respecté le droit et ont délaissé la justice

La préméditation, la continuité dans l’antisémitisme, l’organisation temporo-spatiale parfaite, est-ce que tout cela ne montre pas qu’une partie au moins du discernement était préservée et que la rupture avec le passé n’était pas totale ?

Le mot totem de discernement mériterait d’être défini. Est-ce la capacité à juger d’une situation avec clarté ou la capacité à distinguer le bien et le mal dans une situation donnée ? L’histoire du mot s’étend insidieusement du premier sens vers le second, mais ceux-ci ne se recouvrent pas. 

Si c’est le deuxième sens, il ne faut pas jouer à l’autruche. Il peut y avoir des différences essentielles entre ce qui est considéré comme le bien et le mal suivant l’environnement culturel ou religieux dans lequel on baigne. Lorsque Traoré prie et fait ses ablutions avant d’assassiner Madame Halimi, ce n’est pas être islamophobe que de dire qu’il exprime sa vision personnelle du bien et du mal. 

Évacuer ces différences sous prétexte d’irresponsabilité lorsqu’elles deviennent paroxystiques et homicides est une autre manifestation de ce déni qui nous pousse à ne pas les combattre. 

 

Richard Prasquier, Président d'honneur du Crif 

 

 

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