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Publié le 21 Septembre 2006

Bernard Kanovitch, Président de la Commission du CRIF, chargé des Relations avec les Musulmans : « Dialoguer, c’est se parler de ce qui nous rapproche, mais aussi de ce qui nous divise. »

Question : En novembre dernier, Jacques Chirac avait lancé l’idée d’un “atelier culture” afin de rapprocher les deux rives de la méditerranée pour débattre du dialogue des civilisations. Le Président de la République a donc pris l’initiative de réunir le 13 septembre à l’Élysée, des intellectuels de la Méditerranée et du Golfe. Vous avez été convié à assister à l’inauguration de l’atelier culturel Europe-Méditerranée - Golfe. Comment avez-vous ressenti cette invitation et comment comprenez-vous et estimez-vous ce projet ?


Réponse : L’atelier culturel Europe-Méditerranée-Golfe, “dialogue des peuples et des cultures”, est la concrétisation d’une initiative que le Président de la République a présentée à Barcelone à l’occasion du sommet du partenariat euro méditerranéen en novembre dernier. Ce partenariat appelé “Processus de Barcelone” a débuté en réalité en 1995 et il a traité de nombreux sujets d’intérêts politiques, économiques, sociaux, etc... Ce processus se complète aujourd'hui par un atelier culturel. Cette initiative vise à approfondir le dialogue de façon à répondre aux interrogations, aux peurs et aux crispations identitaires que l’on constate aujourd’hui au nord comme au sud de la Méditerranée. La conférence de Paris est le lancement d’un cycle de réflexions se poursuivra à Séville en Février 2007 puis à Alexandrie à l’automne 2007. Les grands thèmes que nous avons en commun mais qui aussi divisent, seront abordés “mémoire et histoire”, “image et écrit”, “religions et société”, “modernisation sociale et culturelle”, “éducation, identité et valeurs”. On comprendra que je trouve à titre personnel mon invitation à participer à ces travaux et en compagnie de personnalités de France, du Maghreb, du Machrek et du Golfe, de Turquie et d’Israël tout à fait honorable. Cependant, le plus important est que ce projet se réalise plus tard et qu’il se développe à travers d’autres manifestations à venir. Plusieurs ateliers se tiendront : « fractures culturelles, mémoires, histoire et préservation des patrimoines » ; un atelier sur les « images et écrits », et un dernier atelier sur les « faits religieux et société ». L’atelier culturel porte plus précisément sur les relations qu’entretiennent aujourd’hui juifs, musulmans et chrétiens. Cet atelier devrait mettre en valeur la pluralité et la complexité de ces rapports. L’atelier porte aussi sur les minorités chrétiennes en Orient et musulmanes en Europe. D’autre part, les participants à cet atelier essayeront d’établir un bilan critique des dialogues interreligieux, régionaux et internationaux, les valeurs partagées et les valeurs communes entre les pays et les peuples. Il s’agit de mettre en exergue la diversité culturelle, les minorités, le développement, la démocratisation comme valeur commune, la tolérance incluant la lutte contre le racisme, l’antisémitisme, la laïcité et les droits de l’homme. Et j’espère que nous obtiendrons une déclaration commune qui engage les pays européens, le Maghreb, le Machrek, les pays du Golfe et Israël. Cette déclaration porterait alors sur les valeurs et l’éthique.
Question: Qu’a dit le Président de la République ? Et comment avez-vous perçu son allocution ?
Réponse : Le Président Jacques Chirac s’est montré inquiet de voir se profiler un danger majeur, celui du “divorce entre deux mondes, Orient contre Occident, Islam contre Chrétienté, riches contre pauvres”. Le Président s’est donc déclaré prêt à agir pour que les risques d’affrontement s’atténuent. Il souhaite donner d’avantage la parole aux historiens, aux chercheurs, aux responsables religieux, aux éducateurs, aux opérateurs des médias, aux intellectuels de façon à permettre un échange et le développement d’une “pensée des deux rives”. Je pense que cette allocution a marquée les participants par son ton volontariste. Il est à noter que le panel comportait d’autres prises de parole, Abdullah Gûl, Ministre des Affaires Étrangères de Turquie, Mme Boubarak – la présidente de la Bibliothèque d’Alexandrie, le Prince Moulaï Rachid du Maroc. On notera également l’intervention du Grand Rabbin René Samuel SIRAT qui a insisté sur l’importance “d’aimer son prochain”.
Question : Vous avez déjà eu l’occasion de participer notamment en mai 2006, par la faculté de droit et des études islamiques de l’université du Qatar, et elle était consacrée au “rôle des relations dans l’édification de l’homme”. Croyez-vous que ces rencontres soient importantes ? En d’autres termes, croyez-vous aux vertus du dialogue ?
Réponse : J’ai déjà participé notamment en mai 2006 (à la faculté de droit et des études islamiques de l’université du Qatar) à une conférence consacrée au “rôle des religions dans l’édification de l’homme”. Ces rencontres sont-elles importantes ? Peut-on simplement dire qu’il vaut mieux qu’elles existent plutôt qu’il n’y ait pas de dialogue ? Deuxièmement, la conférence du Qatar était la première dans un pays arabe ou un représentant du judaïsme a pu s’exprimer. Cette conférence a reçu l’appui des plus hautes autorités de l’état et la session d’ouverture s’est déroulée en présence de son altesse, l’Émir du Qatar, du Premier ministre et du gouvernement ainsi que du corps diplomatique représenté à Doha. Il est encore difficile dans une situation si complexe, d’en observer les retombées positives, néanmoins, si les vertus d’un dialogue sont de s’opposer à la violence par une meilleure connaissance des autres et de soi-même, alors il faut lui prêter attention.
Question : Les participants devront élaborer des projets susceptibles d’être mis en place par les institutions étatiques ou la société civile. Au nom du CRIF, pensez-vous proposer un projet qui puisse être mené à bien ?
Réponse : L’expérience conduite par le CRIF depuis des années à travers la Commission de Relations avec les Musulmans, d’une part et d’autre part, le dialogue avec les autorités catholiques et plus récemment, avec les protestants, doit être développée à travers une meilleure connaissance interpersonnelle des représentants des différents cultes. Nous espérons que ces échanges déboucheront sur un dialogue institutionnel, ce qui est le cas depuis quelques années. Il convient de comprendre ce que les autres pensent et d’affirmer nos positions de façon non équivoque. Pour reprendre les paroles du Président Jacques Chirac dans la situation du “choc des ignorances” l’aboutissement du dialogue n’est pas le syncrétisme mais l’affirmation de sa position et une meilleure compréhension de celle des autres. Le rôle du CRIF sera ainsi de prolonger ce dialogue, en développant par exemple un enseignement de l’estime. C’est ainsi que le dialogue tel qu’il est mis sur pied dans ce projet, pourrait aboutir à une situation harmonieuse du “vivre ensemble”.
Propos recueillis par Marc Knobel
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