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Publié le 21 Juin 2011

Cheminement vers la Résistance

Pierre Morel, président du Comité d’action de la Résistance, s’est engagé très tôt dans les Forces Françaises Libres et a été très actif au sein du réseau SOE crée par Winston Churchill. Le 8 mars 2011 dernier, il est intervenu lors du colloque organisé par le CRIF, l’OSE, l’ARJF et le CAR à l’école Militaire, sur le thème « Mémoires résistantes ». Nous reproduisons ci-dessous son texte « Cheminement vers la Résistance »




Plusieurs questions peuvent se poser :
Comment est-on devenu résistant ?
Avec qui ?
Pour quoi faire ?
Avant de répondre, il faut rappeler l’état de la France au mois de juin 1940.



Le 17 juin 1940, le Maréchal Pétain, Président du conseil du gouvernement replié à Bordeaux, lance un appel à « cesser le combat » et à demander les conditions d’armistice. L’armistice est signé, à Rethondes, le 22 juin 1940. Les Français, sous le choc de la débâcle, du déferlement des réfugiés fuyant devant l’avancée des armées allemandes, sous les attaques de leur aviation et parfois de celle des Italiens, ont accueilli dans leur ensemble, avec soulagement cet armistice.



En fait, très peu de Français entendirent l’appel du 18 juin du Général de Gaulle qui allait devenir le chef de la France Libre et qui, à l’époque, était peu connu de nos compatriotes.



Les réactions au désastre furent dans l’immédiat, peu nombreuses. Elles allaient se manifester différemment suivant la localisation géographique, car la France, par les conditions d’armistice, avait été divisée en deux zones.



Au Nord et à l’Ouest, de part et d’autre d’une ligne de démarcation, une zone occupée où la présence de l’armée allemande, malgré, au début, ses efforts pour se rendre « sympathique », allait entraîner plus rapidement des actions de Résistance.



Au Sud de cette ligne, une zone dite libre, sans troupes allemandes, hormis les commissions d’armistice peu apparentes, avec le gouvernement de l’état de Vichy.



Il est évident que, fin 1940, les actions ne pouvaient être que limitées et à l’éclat relatif, malgré, par exemple, l’appel du Général Cochet et la naissance de certains groupements à effectifs réduits qui donnèrent, par la suite, les mouvements de la zone sud.



A cette époque, ces Résistants, très peu nombreux, qui sont-ils ? D’où sortent-ils ?
Quelques-uns influencés par le milieu (père ancien combattant de 1914-1918, la grande guerre), par l’école, se retrouvant à l’intérieur de lycée, du collège, parfois avec des « profs », d’autres dans le milieu sportif, dans le milieu professionnel.
Et maintenant quelle action ?



L’appel du 18 juin, ayant été entendu, ou plus exactement connu, les émissions en français de la B.B.C. (British Broadcasting Corporation) amèneront tout naturellement la Résistance à la propagande gaulliste, à la lutte contre Vichy, son gouvernement, sa police, avec inscription de Croix de Lorraine, de V (signe de la victoire), recherche d’amis partageant les mêmes sentiments. Puis, petit à petit, la recherche du contact avec Londres va s’imposer.



Il est bon de savoir que le problème de la Résistance, de son utilisation n’avait pas échappé aux autorités britanniques et au Général de Gaulle.



Le 16 juillet 1940, Winston Churchill créait le SOE. (Special Operations Executive) avec pour mission : « Now, set Europe ablaze » (“Et maintenant mettez l’Europe à feu et à sang’’).



La section F (France), en septembre 1941, sous les ordres du colonel Buckmaster, sera amenée à former les réseaux « Action Buck », spécialisés en instruction militaire, armements, explosifs, sabotages, parachutages, évasions par air et par mer (vedettes) etc.



Ces réseaux, sous l’autorité d’un chef, d’un adjoint, d’un radio, tous officiers, Britanniques (parlant parfaitement notre langue) ou Français, entraînés dans des écoles spéciales en Ecosse, avec stages de parachutiste à Ringway, près de Manchester.



Quatre vingt quinze missions furent à l’origine des réseaux « BUCK ». En juin 1944-45, ces réseaux sont en contact avec Londres.



Pendant les années d’occupation, 366 officiers ont été parachutés, 3733 parachutages réussis.



Parallèlement au SOE, l’Etat-major des Forces Françaises Libres, avait décidé, dès 1940, la création du BCRA (Bureau Central de Renseignement et d’action Militaire), sous les ordres du colonel Passy, pour l’organisation de la Résistance.



Le BCRA allait être à l’origine de renseignements et d’actions (sabotage, maquis, etc.) d’évasion (par mer, par air, par l’Espagne) sous l’autorité d’officiers parachutés ou infiltrés (par opérations maritimes ou terrestres à travers les Pyrénées). Ces officiers avaient subi un entraînement spécifique correspondant à l’activité de leur mission.



Comme le SOE, le BCRA a permis, au cours de ces missions, des opérations de sabotages, l’encadrement et l’instruction des maquis, ainsi que l’évasion de nombreux aviateurs alliés.



Quelques organisations dépendant des services américains de l’OSS (Office of Strategic Services) vinrent s’ajouter aux missions du SOE et du BCRAM.



En dehors de ces réseaux, à partir de petits groupes formés au hasard, répondant à une réaction de révoltes, se sont crées, notamment en zone dite libre, des mouvements qui ont évolué au cours des années d’occupation, en raison de la découverte, pour certains, de ce que représentait le régime de Vichy.



Ainsi sont nés : Combat, Libération Nord, Libération Sud, Franc-tireur, OCM (organisation civile et militaire). Certains d’entres eux ont diffusé une presse clandestine dont l’impact a été très important pour la propagande anti-vichyste et la propagande gaulliste.



Ce contact si recherché, tant attendu, fera que le Résistant participera peut-être :
Une nuit de pleine lune, à un parachutage d’armes, de munitions, d’explosifs, à la suite d’un message passé à la BBC tel que : « Cette nuit tous les chats sont gris »,
À un sabotage d’usines ou de voies ferrées,
À la recherche d’un terrain de parachutage ou d’atterrissage,
À l’accompagnement d’un aviateur allié à un lieu d’hébergement,
À la diffusion d’un journal clandestin,
Etc.



Toutes ces actions relevaient de réseaux, de missions dont les noms pouvaient être, par exemple :



Oscar Parson,
Jean-Marie Doukeyman,
Sylvester Farmer pour le SOE
Mithridate pour le BCRAM renseignement
Brutus pour le BCRAM action
Pernod pour le BCRAM évasion
Défense de la France et Résistance pour la diffusion des journaux clandestins.



Le Résistant ne connaît souvent pas le réseau ou le mouvement pour lequel il travaille.
Il l’apprendra à la libération, à son retour de déportation ou, hélas, jamais pour certains.



Photo (Pierre Morel, président du Comité d’action de la Résistance) : D.R.