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Publié le 10 Janvier 2012

Chiites-sunnites : une coexistence qui vole en éclats

De Kaboul à Beyrouth en passant par Bagdad, les signes se multiplient depuis quelques mois d'un réchauffement de la guerre froide entre sunnites et chiites.



En Afghanistan, une décennie de relations enfin apaisées entre les Hazaras - qui constituent l'essentiel de la minorité chiite - et les autres groupes ethniques a volé en éclats le 6 décembre, lorsque trois attentats visant des chiites, au terme des célébrations sacrées de l'Achoura, ont fait 63 morts. D'autant que les attaques ont été revendiquées par un groupe djihadiste sunnite lié au Pakistan et à Al-Qaïda.



Dans le Golfe, Riyad, qui voit l'influence de Téhéran derrière les revendications inspirées par les révoltes de Tunis et du Caire, a envoyé son armée au secours de la monarchie sunnite de Bahreïn dont les sujets, en majorité chiites, réclamaient des réformes démocratiques. Bastion du sunnisme wahhabite, l'Arabie saoudite, qui a brutalement réprimé les émeutes dans sa province de Hassia, largement peuplée de chiites, s'inquiète des ambitions nucléaires de l'Iran et accuse Téhéran d'avoir voulu assassiner son ambassadeur à Washington.



En Irak, la coexistence entre le Premier ministre chiite Nouri Kamal al-Maliki, proche de l'Iran, et les élus de la minorité sunnite n'a pas survécu au départ des derniers soldats américains et à l'autoritarisme du chef du gouvernement qui entend marginaliser sunnites, kurdes et laïques. Deuxième groupe parlementaire du pays, Iraqiya, où coexistent sunnites et laïques, a décidé de boycotter le gouvernement et le Parlement.



Au nord du Yémen, c'est l'aviation de Riyad qui a contenu la révolte des zaïdites, branche locale du chiisme.



Au Liban, chambre d'écho de la crise syrienne après trente ans de tutelle de Damas, les dirigeants des deux communautés, hantés par le souvenir de la guerre civile, appellent à l'unité nationale. Dominé par les chiites du Hezbollah, alliés de la Syrie et de l'Iran, le gouvernement affirme sa volonté de "ne pas s'ingérer" dans les affaires du voisin. La communauté sunnite, elle, est divisée entre partisans du gouvernement et fidèles de la dynastie Hariri, proches de l'Arabie saoudite, donc hostiles au régime syrien. Un défi redoutable pour le précaire équilibre politique libanais. Les tensions dans l'"arc chiite" montrent que l'Iran, dans le chantage stratégique régional qui s'amorce, dispose de plusieurs cartes.



Photo: D.R.



Source : le Nouvel Observateur