Outre ces raisons liées au passé, l'Irak se méfie d'un possible démembrement de son voisin en cas d'aggravation de la situation, et Bagdad ne tient pas, non plus, à défier l'Iran sur cette question.
Pourtant, le gouvernement de Bagdad n'a pas répondu aux demandes syriennes de développer les échanges commerciaux entre les deux pays. Plusieurs ministres syriens se sont rendus en Irak afin de réclamer que Bagdad leur achète certains produits manufacturés, mais l'Irak a répondu avoir nullement besoin de vêtements et autres produits de cet type proposés par Damas.
En Israël, c'est également le « Wait and See » qui domine dans les milieux politiques et sécuritaires. L'Etat hébreu ne souhaite pas voir des islamistes succéder au laïc Bachar el-Assad. « Nous avons déjà suffisamment d'inquiétudes avec les islamistes vainqueurs des élections législatives tunisiennes, confie un diplomate israélien. Nous aurons probablement d'autres islamistes en bonne position pour gouverner en Egypte, sans compter le désordre en Libye, et sur notre flanc est, la Jordanie est potentiellement instable, sans parler du Hezbollah au Liban».
Outre le fait que, depuis trente ans, la famille Assad a su garantir le calme sur la frontière avec Israël, l'autre motif d'inquiétude pour l'Etat hébreu concerne l'avenir des armes sensibles que détient le régime syrien, en particulier les missiles sol-air M-600 d'une portée de 250 kms, fabriqués grâce à la technologie iranienne. Avec Bachar el-Assad, les Israéliens savent que cet arsenal n'ira pas entre n'importe quelles mains. Mais après ? Les services israéliens redoutent par-dessus tout l'inconnu.
Depuis le début de la révolte en Syrie, il y a huit mois, Israël a varié de position : l'Etat hébreu s'est d'abord opposé au renversement d'Assad, avant de se rapprocher des pays européens et des Etats-Unis quand ils ont réclamé le départ du clan Assad, puis d'adopter, plus récemment, un attentisme prudent.
En Jordanie, le pouvoir est partagé entre son désir de se débarrasser d'un encombrant voisin et la crainte que celui-ci exerce des représailles dans le royaume hachémite, au cas où la guerre civile éclaterait en Syrie. Amman redoute l'instabilité à sa frontière nord, où, là encore, les mêmes tribus sont dispersées de part et d'autre de la frontière. Prudente, la Jordanie pourrait adapter sa posture sur celle de la Turquie. « En cas d'intervention turque en territoire syrien, nous n'aurions pas d'autre choix que d'en faire autant au sud de la Syrie », confiait récemment un responsable militaire jordanien à un de ses homologues français. Pour éviter d'être lâché au sud, Bachar el-Assad a clairement mis en garde la Jordanie contre toute initiative qui nuirait aux intérêts syriens. Amman n'ignore rien de la capacité de nuisance syrienne sur son territoire. Ces dernières années, les relations entre les deux pays se sont améliorées, après une période de tensions consécutive à l'invasion américaine de l'Irak et du « double jeu » pratiqué alors par la Jordanie, selon Damas.
(Article de Georges Malbrunot publié dans le Figaro du 10 novembre 2011)
Photo : D.R.