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Publié le 21 Septembre 2011

Entretien avec le porte-parole du Ministère des Affaires Etrangères, Ygal Palmor, sur la question de l’entrée de la Palestine à l’ONU

Alors que l’OLP doit déposer la semaine prochaine une demande d’adhésion de la Palestine à l’ONU, Israël fustige cette initiative considérée comme contre-productive. Les explications d’Ygal Palmor, porte-parole des Affaires étrangères.




Les enchères montent à l’approche du dépôt à New York de la demande d’adhésion palestinienne à l’Organisation des Nations Unies (ONU). Le vice-ministre israélien des Affaires étrangères Danny Ayalon a prévenu jeudi qu’une telle demande marquerait la fin de tous les accords conclus avec les Palestiniens.



«Si les Palestiniens prennent une telle décision unilatérale, cela signifiera l’annulation de tous les accords, libérera Israël de tous ses engagements et les Palestiniens en porteront l’entière responsabilité», a menacé Danny Ayalon à la radio publique israélienne.



Porte-parole du ministère israélien des affaires étrangères, Ygal Palmor explique les craintes du gouvernement le plus à droite de l’histoire d’Israël.



swissinfo.ch: Quel vote espérez-vous d’un pays comme la Suisse, l’abstention?



Ygal Palmor: Nous attendons de la Suisse comme de tous les pays qui sont impliqués dans le processus de paix ou qui veulent y contribuer qu’ils expliquent aux Palestiniens que pour obtenir un Etat indépendant et reconnu en bonne et due forme, on ne peut faire l’économie d’une négociation directe. Un Etat ne peut émerger que d’une négociation directe et d’un accord bilatéral.



Une démarche unilatérale à l’ONU n’apportera strictement rien aux Palestiniens. Même s’ils obtenaient une majorité de vote à l’Assemblée générale, une résolution ne changera rien sur le terrain et rendra extrêmement difficile une reprise des pourparlers de paix.



Cela dit, chaque pays fait ses calculs au sein d’une Organisation des Nations Unies qui a sa propre logique. Les choses s’y passent, comme si rien d’autre n’existait au-delà de ses enceintes, comme si le monde réel n’existait pas. Allez donc savoir comment les pays vont voter et en fonction de quels calculs.



Côté palestinien, on justifie l’initiative à l’ONU par les blocages israéliens dans les précédentes négociations et la poursuite de la colonisation de la Cisjordanie.



Chacun a des griefs à reprocher à l’autre qui peuvent être discutés autour d’une table de négociations. Evoquer un problème ne justifie pas de refuser de négocier.



Une reconnaissance comme Etat non membre serait-il considéré comme acceptable par Israël ?



Un Etat reste un Etat. Cette option poserait les mêmes problèmes qu’une reconnaissance comme Etat membre. Une résolution si elle voit le jour rendrait pratiquement impossible le retour des Palestiniens à la table des négociations.



Pourquoi?



Principalement pour deux raisons dont on voit déjà les prémisses dans la politique palestinienne. Les voix palestiniennes qui s’opposent au principe même d’une négociation de paix avec Israël s’en trouveront renforcées. Ils pourront dire: «Pourquoi entrer en négociation, ce qui implique une réconciliation et des concessions mutuelles, alors que l’on peut tout obtenir par l’ONU, sans rien concéder».



Encore minoritaire il y a peu de temps, cette vision des choses souvent issue du Hamas est actuellement de plus en plus répandue. En cas de succès de l’initiative palestinienne à l’ONU, ces voix-là seraient donc en position de force.



De plus, si une résolution est adoptée, tout son contenu deviendrait non-négociable pour les Palestiniens. La flexibilité et la marge de manœuvre nécessaire à une négociation s’en trouverait donc terriblement restreinte.



Mais les grandes lignes d’un accord (paramètres Clinton, initiative de Genève) sont connues de tous.



Les grandes lignes auxquelles vous faites allusion sont peut-être connues et acceptées par un très grand nombre. Mais elles ne sont pas applicables comme telles sans négociation.



De plus, la situation a connu un changement fondamental depuis que les paramètres Clinton ont été rédigé en 2000. Le Hamas a pris le contrôle de la bande de Gaza et il l’a transformé en territoire sécessionniste par rapport au gouvernement palestinien.



Ce qui pose un gros problème de gouvernabilité du territoire palestinien. Le gouvernement palestinien qui doit négocier d’une manière ou d’une autre avec Israël n’exerce aucun contrôle sur la Bande de Gaza. Comment un éventuel accord de paix israélo-palestinien pourra dès lors être appliqué sur la totalité du territoire palestinien?



Israël perd ses alliés dans une région en pleine mutation, le soutien des Occidentaux faiblit. Le temps ne joue-t-il contre Israël?



On peut dire de la même manière que le temps joue contre un certain nombre de régimes dans la région. En fait, le temps ne joue pour personne, puisque nous sommes en train de vivre une gigantesque mutation dont personne ne connait l’issue, les gagnants et les perdants. Il faut savoir gérer la tempête et tenir le cap.



Mais le risque avec les changements en cours dans la région n’est-il pas pour Israël de devoir faire toujours plus de concessions, à mesure que le temps passe?



Pas vraiment. Les mutations en cours dans les pays arabes, en Iran et en Turquie incitent à la prudence. Il faut se garder de toute précipitation dans un contexte régional aussi volatile. Ce qui ne veut pas dire immobilisme. Il faut au contraire négocier immédiatement et sans préalable. Ce que le gouvernement israélien n’arrête pas de réclamer. Notre message aux Palestiniens est simple: parlez-nous et mettez nous à l’épreuve.



(Propos recueillis par Frédéric Burnand, swissinfo.ch)



Photo (Ygal Palmor): D.R.



Source : swissinfo.ch