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Publié le 16 Mai 2011

Extraits de l'entretien accordé par Alain Juppé a Al-Hayat le 14 mai 2011

Monsieur le Ministre, vous allez bientôt en Palestine et Israël. On parle beaucoup de cette conférence sur la Palestine que vous voulez organiser. Simplement, on ne sait pas très bien qui sera à cette conférence. C’est-à-dire, est-ce que ce sont les E3 ? Est-ce que les Américains vont accepter ? Visiblement le président Sarkozy veut une conférence qui soit politique, c’est-à-dire une relance du processus de paix dans cette conférence.




Nous partons d’une conviction, c’est que, comme nous l’avons dit à la fois à Mahmoud Abbas et à Benyamin Netanyahu, le statu quo n’est pas tenable, pour personne et en particulier pas pour Israël. Le contexte régional s’est modifié, l’Egypte a changé, la Syrie est en train de changer donc il faut absolument tenir compte de ce contexte. Nous souhaitons tout faire pour qu’un processus de négociations s’engage à nouveau. Pas un processus visant à des dispositions intérimaires, un processus qui aboutisse à des décisions de fond en vertu des paramètres bien connus à savoir les frontières de 1967 avec la possibilité d’échanges mutuellement agréés, avec Jérusalem capitale des deux Etats et avec bien sûr des garanties de sécurité et d’intégration régionale pour l’État d’Israël. Voilà ce que nous souhaitons. Voilà ce que nous disons. Il nous semble que le processus de réconciliation inter-palestinien qui est en cours donne une opportunité pour aller dans cette direction. J’ai eu l’occasion de le dire, cela n’a pas toujours été peut-être très bien compris en Israël, encore que le président de la République ait évoqué lui aussi cette question avec M. Netanyahou. Plutôt que de considérer que cet accord est nul et non avenu, essayons de voir quelles sont les potentialités qu’il porte en lui. Est-ce que le Hamas en particulier est prêt à évoluer dans la direction que nous demandons à savoir la reconnaissance de l’État d’Israël, la renonciation au terrorisme et la reconnaissance des accords déjà passés. Voilà, c’est une question qu’il faut aujourd’hui poser, explorer et sur laquelle on a peut-être une chance d’avancer. C’est ce que nous essayons de faire de façon à ne pas nous retrouver au mois de septembre à l’Assemblée générale des Nations unies devant la question de savoir si nous reconnaissons ou pas l’État palestinien sans qu’il ne se soit rien passé dans l’intervalle. Nous voulons qu’il se passe des choses dans l’intervalle pour que l’on se donne le maximum de possibilités de relancer le dialogue. C’est cela que nous allons essayer de faire. Si cela ne marche pas, nous en tirerons les conséquences au mois de septembre.



Oui mais si vous tirez les conséquences au mois de septembre, le problème est que vos partenaires qui sont contre la déclaration de l’Etat palestinien comme l’Allemagne par exemple...



Chacun prendra ses responsabilités à ce moment-là. J’espère que nous arriverons à une position commune européenne et la France prendra ses responsabilités et on n’est pas en septembre. On est aujourd’hui en mai donc voila ce que nous essayons de faire sur le mois de mai.



En juin, la conférence...



En juin avec la conférence et nous souhaitons comme vous l’avez dit que cette conférence des donateurs puisse s’élargir à un véritable agenda politique sur la relance d’un processus de négociation dans l’esprit que je viens de dire. Et c’est cela que nous essayons de faire. Alors est-ce que nous allons y arriver ? Rendez-vous fin juin.



Monsieur le Premier ministre, on remarque une chose sur le processus de paix. La France essaie depuis des années de jouer un rôle très important sur ce processus. Les Américains n’ont jamais voulu vous laisser jouer ce rôle. Pourquoi aujourd’hui vous pensez qu’ils vont vous laisser faire cette conférence.



Parce qu’ils n’y arriveront pas tout seuls. C’est clair, la démonstration a été faite que la paix ne se fera pas simplement entre les Etats-Unis d’Amérique, Israël et l’Autorité palestinienne puisque ce processus a échoué l’an dernier. Je pense donc que d’autres acteurs comme la France et comme l’Union européenne peuvent être tout à fait utiles pour débloquer les choses.



Mais si les Israéliens continuent à refuser ?



Ce n’est pas ce que j’ai ressenti de l’entretien de M. Netanyahou et du président de la République.



Vous avez senti qu’il était prêt à participer à cet...



Il pense que la France et l’Union européenne peuvent avoir un rôle à jouer, oui.



À part le rôle économique ?



Oui



Ils veulent bien un rôle...



Y compris sur le plan politique, oui.



Donc vous êtes optimiste ?



Optimiste c’est beaucoup dire. Nous sommes volontaristes, à défaut d’être optimistes.



Monsieur le Premier ministre, pourquoi aujourd’hui tout le monde fait des pressions sur les régimes arabes et on ne fait jamais de pression sur Israël ?



C’est tout à fait inexact. C’est tout à fait inexact.



Donnez-moi un exemple de sanction sur Israël. Il n’y a jamais eu de sanction.



Non, on n’a pas sanctionné les pays arabes parce qu’ils n’étaient pas revenus à la table des négociations. On sanctionne des pays arabes parce qu’ils tirent au canon sur leur population, c’est tout à fait différent. Il ne faut pas tout mélanger.



Mais ils tirent sur les Palestiniens les Israéliens.



Nous demandons l’application des résolutions du Conseil de sécurité. La France a été très claire là-dessus. Et nous faisons des pressions sur Israël pour qu’Israël revienne à la table des négociations avec les paramètres que je vous ai indiqués, ce sont des pressions.



Et vous pensez que cela suffit ? Cela fait trente ans que l’on n’est dans le même...



Je vous ai dit que je n’étais pas optimiste, que j’étais volontariste. Je ne peux pas vous dire si cela suffit.



Photo : D.R.
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