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Publié le 20 Septembre 2011

François Zimeray, Ambassadeur de France pour les droits de l’Homme : La France n’assistera pas à Durban III.

Question : la réunion de haut niveau de l’Assemblée générale célébrant le dixième anniversaire de l’adoption de la Déclaration et du Programme d’action de Durban se tiendra le jeudi 22 septembre 2011. Rappelons que la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance s’était ouverte à Durban, en Afrique du Sud, du 31 août au 4 septembre 2001. Durban 1 devait être un moment de réflexion : l’occasion d’un retour sur l’Histoire, les traumatismes du passé (colonialisme et esclavagisme), et la persistance du racisme.



Seulement, les buts de la Conférence ont été détournés par une armée d’ONG: des pressions énormes ont mises en place afin d’exclure les organisations israéliennes et juives. Durant la Conférence, des banderoles ont hissées avec les inscriptions : « Si Hitler avait vécu, il n’y aurait pas eu d’Etat d’Israël ». Par ailleurs, des jeunes et des étudiants juifs ont été agressés. Enfin des recueils de caricatures antisémites ont été distribués, sous le logo de la Conférence mondiale contre le Racisme. Lors des débats (forum des ONG), Israël a été accusé de « génocide » visant les Palestiniens, d’« ethnocide », de « nettoyage ethnique ». Outre la controverse suscitée par le conflit israélo-palestinien, un certain nombre de pays africains, avec à leur tête le Nigeria et le Zimbabwe, accompagnée d'ONG afro-américaines, ont exigé des excuses individuelles de la part de chaque État s'étant engagé dans l'esclavage, ainsi que la reconnaissance de celui-ci en tant que crime contre l'humanité, accompagné de réparations. Les États européens s’opposent à cette requête, se rangeant à l'avis du Royaume-Uni. Dans le même temps, aucun Caucus, aucune Commission, aucun atelier, aucune affiche, ni slogan n’a mentionné le drame insupportable des femmes afghanes, les massacres de femmes algériennes, le déni des droits culturels des femmes kabyles, la vente en esclavage des femmes soudanaises noires du sud, animistes ou chrétiennes. Bref Durban 1 fut un échec retentissant. Dans ces conditions, que faut-il et pourquoi faut-il commémorer Durban 1 ? Par ailleurs, cet événement a-t-il été souhaité par la France ?



François Zimeray : C’est vrai que les dérapages, les outrances et pour tout dire les actes inqualifiables d'antisémitisme qui ont accompagné la Conférence de Durban en 2001 ont laissé un souvenir amer aux diplomates qui y ont assisté, et la France n'a aucune intention de laisser le combat contre le racisme et les discriminations dévoyer par de telles dérives. Nous ne sommes d'ailleurs pas à l'origine de cette commémoration, et nous n'y participerons pas.



De fait, quelle sera la décision de la France ?



Nous avons décidé, nous aussi, de ne pas participer à cet évènement pour les raisons que je viens de vous indiquer. Pour autant, nous ne pratiquons pas la chaise vide lorsqu'il s'agit de défendre des principes, de travailler concrètement à l'adoption de textes, de résolutions. A Genève, souvenez-vous, nous avons exprimé fortement notre attachement à la liberté d'expression, aux lignes rouges définies après le discours prononcé par le Président de la République au dîner du CRIF.



Mais alors, quel message, la France voudra-t-elle transmettre ?



Ce que nous voulons, c'est donner de l'audience aux principes que nous défendons, l'universalité des droits de l'Homme, la liberté de conscience, l'équanimité des Nations-unies.




La France tient-elle à prévenir d’éventuelles provocations, lors des commémorations ? Que fera-t-elle en cas de provocations ?



Nous nous faisons une grande idée de ce que l'on appelle le multilatéralisme, c'est-à-dire, dans le jargon diplomatique les enceintes et institutions qui accueillent le dialogue entre les nations et permettent, lorsque cela est possible, de s'accorder sur des principes. C'est ainsi que progressent les droits de l'Homme: que seraient par exemple la Convention sur les droits de l'enfant, contre la torture, ou encore la justice internationale sans les Nations-Unies? C'est vous dire que, même si nous sommes parfaitement conscients de leurs faiblesses, nous demeurons attachés à la crédibilité de ces institutions, qui serait évidemment affectée par de telles provocations. Les instructions d'Alain Juppé sont claires: si tel était le cas, nous prendrions nos responsabilités.



Parlons de la séance plénière de clôture Le texte (final) de la déclaration qui sera présenté sera-t-il court et devrait-il être très général ?




Oui, à priori ce sera un texte court et, comme ce fut le cas à Genève, nous serons très vigilants sur les lignes rouges, en particulier la "diffamation des religions", c'est-à -dire la tentative d'inscrire le blasphème dans l'ordre juridique international et, bien sûr, la non-stigmatisation d'Israël.



Propos recueillis par Marc Knobel



Photo : D.R.