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Publié le 11 Octobre 2007

Gérard Israël, Président de la Commission chargé des relations avec l’Eglise Catholique : Je n’hésite pas à dire que l’Eglise catholique est aujourd’hui, la meilleure amie, presque l’alliée, d’Israël

Question : Richard Prasquier, Président du CRIF, vous a demandé de présider une commission chargée des relations avec l’Eglise catholique, en raison du souci que vous avez toujours manifesté s’agissant des relations inter religieuses. Comment percevez-vous votre rôle et quelle sera la mission de cette nouvelle commission ?


Réponse : Il s’agit pour la nouvelle commission de maintenir l’acquis dont l’importance, depuis Vatican II, a modifié en profondeur nos relations avec l’Eglise catholique. Une véritable mutation de l’enseignement chrétien (j’inclus les protestants) est intervenue. L’Eglise de France en particulier a joué un rôle d’avant-garde dans cette évolution qui ne concerne pas seulement les relations fraternelles mais qui reconsidère, pour l’essentiel, les principes premiers de la tradition juive, de sa morale, de sa pratique, voire de sa théologie. On peut aujourd’hui considérer que l’antijudaïsme du christianisme primitif est en voie d’être totalement effacé. Les rabbins, les intellectuels, les communautés juives en général ne peuvent, pour leur part, rester indifférents devant le phénomène représenté par l’émergence, le développement et le succès de la religion de Jésus. Vous faîtes aimablement allusion à ce que j’ai pu écrire à ce sujet : « La Question chrétienne. Une pensée juive du christianisme » m’a donné l’occasion, au cours des nombreuses conférences que j’ai faites partout en France, de rencontrer des chrétiens littéralement passionnés par la langue hébraïque, par les célébrations religieuses du judaïsme et surtout par le passage de la Bible au Talmud, à la Cabale et à toute la littérature rabbinique. La commission s’efforcera de renforcer les liens nés de cette curiosité chrétienne pour le savoir traditionnel des juifs. Nous entretiendrons un dialogue personnel et de tous les instants avec le peuple chrétien, avec ses clercs et ses laïques, ainsi qu’avec la hiérarchie. La compréhension mutuelle de ce que confessent les deux religions sur leur propre logique religieuse et spirituelle sera la règle d’or des travaux de notre groupe de travail.
Question : Quelle seront les réflexions que vous voudrez mener ?
Réponse : La survenue de la grande Catastrophe qui a frappé le judaïsme européen a été le facteur déclenchant d’un nouvel enseignement chrétien. La mémoire de la Choah ne concerne pas seulement les juifs. Les prises de position des chrétiens, aujourd’hui en la matière, sont éminentes. Il est vrai que le phénomène est général et qu’il touche le monde intellectuel, celui de l’écriture, celui de la création littéraire, celui des historiens, celui de la création cinématographique ou télévisuelle. Mais les chrétiens se sentent une responsabilité particulière. Ainsi, nul ne saurait reprocher aux créateurs juifs et au monde juif tout entier, disons le avec prudence, le caractère obsessionnel de la mémoire de ce qui s’est passé. Mais le danger serait de générer, au sein de l’humanité, un sentiment de culpabilité généralisée. C’est vous dire que la Choah, « événement le plus important du XX° siècle », pour reprendre une expression du document pontifical intitulé « Souvenons nous », devrait pouvoir être évoqué dans le respect des sensibilités respectives.
Question : Comptez-vous organiser des activités publiques ? Si oui, quels seront vos partenaires éventuels ?
Réponse : La commission ne fonctionnera pas comme un club. Le souci d’efficacité doit nous habiter. Nous proposerons donc au CRIF l’organisation de manifestations publiques en relation avec l’Amitié judéo-chrétienne de France. Ces manifestations concerneront l’actualité, mais aussi permettront des réflexions en commun sur les difficultés qui peuvent toujours exister entre deux religions dont l’une est issue de l’autre.
Question : La commission s’interdira-t-elle de parler de la centralité d’Israël dans le Judaïsme ?
Réponse : Je n’hésite pas à dire que l’Eglise catholique est aujourd’hui, la meilleure amie, presque l’alliée, d’Israël. Que le Saint Siège ait reconnu l’existence d’un Etat juif en terre sainte, qu’il ait accepté l’idée que cet Etat exerce légitimement son autorité sur une terre que Jésus a foulé de ses pieds, où il a vécu, mener sa prédication et où il trouvé la mort, avant, selon l’Evangile, de ressusciter, constitue un phénomène extraordinaire. Israël, Jérusalem en particulier, peuvent être le berceau d’une relation interreligieuse exceptionnelle. Israël, comme c’est sa vocation, peut être une terre de réconciliation.
Question : Dernière question, vous venez de publier Jésus est-il Dieu ? (Payot, 2007). Vous vous interrogez sur le dogme majeur des Chrétiens ? Ne pensez-vous pas que ce titre risquerait de choquer certains de vos lecteurs ?
Réponse : Au contraire. S’interroger sur ce que disent les chrétiens de l’incarnation et sur l’identification de Jésus à Dieu, consiste à comprendre ou à tenter de comprendre, ce que l’Eglise entend enseigner de fondamental. Cette volonté de compréhension représente un grand pas de la part des juifs qui ont toujours pensé à un Dieu transcendant, absolu, innommable et infigurable. Fallait-il que Jésus fût présenté comme Dieu pour pouvoir annoncer le monde futur, le monde la résurrection générale de l’humanité, le monde d’après la vie ? La Bible hébraïque, les trois premiers évangiles, ne mentionnent guère la possibilité d’un Dieu fait homme. L’évangile de Jean a associé Jésus et le Verbe en précisant « Et le Verbe était Dieu. » Dans ce livre j’essaye de comprendre. Je le fais à la lumière de la tradition judaïque quant aux relations entre la divinité et l’humanité. Vous verrez, je l’espère, que je n’écris rien qui soit de nature à ralentir l’élan qui vient des deux cotés, et que nous connaissons aujourd’hui. La commission travaillera dans la bienveillance, le respect dû aux croyances chrétiennes et dans la sympathie naturelle qu’inspire tous ceux qui attendent quelque chose de l’En Haut.
Propos recueillis par Marc Knobel
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