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Publié le 6 Décembre 2011

Henry Bulawko : le dernier des Mohicains par Roger Cukierman.

Nous venons de perdre avec Henry Bulawko le dernier des Mohicans. Les Mohicans c’était une espèce rare d’hommes d’exception, comme Kelman, comme Topiol, comme Orfus et comme Bulawko. Ils avaient quitté l’Europe de l’Est dans les années trente fuyant l’antisémitisme et la misère. Ils se sont parfaitement intégrés dans la société française tout en gardant une totale fidélité au judaïsme. Après le drame de la Shoah, qui pour Henry Bulawko se résume par le mot Auschwitz, ils se sont mobilisés pour reconstruire la communauté juive de France et en faire ce qu’elle est aujourd’hui : une communauté juive ardente, plus forte et plus respectée que ce qu’elle était avant guerre.



J’ai en mémoire les images vues à la télévision d’une conférence de presse donnée par le dernier maître suprême de l’URSS, Gorbatchev. On a vu se soulever tout au fond d’une salle comble remplie de journalistes un petit homme, Henry Bulawko, qui a eu l’audace d’interpeler le maître de l’immense empire soviétique et lui a dit à peu près : « Je garde une éternelle reconnaissance à l’armée rouge qui m’a libéré en libérant Auschwitz. C’est au nom de la haute idée que je me fais des valeurs que vous défendez que je vous demande de laisser partir enfin de votre pays les centaines de milliers de Juifs qui le souhaitent. »
Henry Bulawko était un ami de mon père. Ils partageaient le même amour du sionisme et de la langue Yiddish. Mon père s’occupait du journal Unser Wort. Aussi Henry Bulawko a-t-il accepté immédiatement l’offre que nous lui avons faite, mon frère et moi, voici 25 ans, de présider le jury du prix Max Cukierman destiné à promouvoir la langue Yiddish. Sa présence a permis que, parmi les membres du jury, des personnalités aussi éminentes qu’Ady Steg, Sam Pisar, et Elie Wiesel se joignent à ce jury. Les séances de discussion de ce jury étaient des moments exaltants. Pour Henry Bulawko le domaine du Yiddish c’était bien sûr la langue, mais aussi la culture, la musique et la chanson Yiddish.
J’ai encore eu l’occasion de côtoyer Henry Bulawko au CRIF pendant les six années de ma présidence. Il était vice président du CRIF et participait aux réunions hebdomadaires de notre bureau exécutif. Nous avons ainsi bénéficié de son exigence, de son intelligence, de sa sagesse, de sa tolérance, et d’une qualité particulièrement développée chez lui : le sens de l’humour.
C’est la raison pour laquelle, au-delà de la peine que nous cause sa disparition, nous garderons dans nos mémoires le souvenir de son sourire radieux.



Roger Cukierman



Photo: D.R.
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