Il y a quelques semaines, on s'interrogeait sur l'orientation politique d'Internet. En arrière-plan, cette question : le web est-il de gauche ? Si l'on se veut synthétique, la réponse est clairement positive. Une idée confirmée mi-mai par une étude TNS-Sofres. Mais apparaît alors un paradoxe, aisément visible pour tout travailleur d'Internet. D'un côté, une grande partie de l'information diffusée sur la Toile recouvre des airs progressistes. Rien de surprenant dans la mesure où ce média est privilégié par la jeune génération. De l'autre, pourtant, on s'aperçoit que le web sert aussi de déversoir aux idées les plus nauséabondes, xénophobes, antisémites ou révisionnistes. Le merveilleux espace de liberté offert par Internet prend des allures de foire au racisme où de nombreux internautes déversent leur haine de l'autre sur la toile. On parlera ici de confiture donnée aux cochons.
Anonymat relatif
Cette réalité, connue de tous les travailleurs d'Internet, a été confirmée par Marc Knobel, chercheur au Conseil représentatif des institutions juives (Crif) et qui travaille, entre autre, pour la Commission nationale consultative des Droits de l'Homme (CNCDH). « Internet est la porte ouverte à tous les racismes » dénonce-t-il.
L'explication ? L'anonymat que confère Internet. Il est en effet facile de distiller, à l'abri derrière son écran d'ordinateur, des phrases bien senties bien cachées dans la réalité. Rien que sur FranceSoir.fr, lorsque l'actualité traite de sujets graves, les commentaires xénophobes pullulent. Un fait-divers et quelques internautes s'interrogent sur l'origine des délinquants. On parle de l'interdiction de la burqa et certains ressortent les clichés anti-Islam. On évoque le conflit israélo-palestinien et la discussion s'achève dans la stérilité, d'un côté les mots antisémites, de l'autre les propos anti-arabes. Déjà, Marc Knobel craignait « un nouveau déchaînement » après le raid mené par l'armée israélienne sur la flottille de militants pro-palestiniens... Les débats politiques excitent aussi les extrémistes. Le débat sur l'identité national a, de ce point de vue, attiré un grand nombre de remarques racistes.
L'anonymat est pourtant relatif. Quiconque dépose un commentaire sur un site Internet laisse aussi une adresse I.P, autrement dit la signature du réseau d'où est parti le message. Or, qui dit réseau dit personne physique. Il est donc facile de retrouver le petit malin qui, se croyant caché, déverse sa bile raciste. A moins que celui-ci n'utilise un décentralisé de routeurs... ce qui ne concerne heureusement qu'une infime partie des internautes. Vue sous cet angle, la proposition du sénateur divers-droite Jean-Louis Masson de mettre un terme à l'anonymat des blogueurs revêt une toute autre dimension.
Que dit la loi ?
La loi française est également on ne peut plus claire à ce sujet : la loi modifiée du 29 juillet 1881 réprime « la provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence, la diffamation et l'injure à raison de l'origine ou de l'appartenance raciale, ethnique, nationale ou religieuse, l'apologie et la contestation des crimes contre l'humanité. » Des mesures judiciaires sont possibles mais encore rares. Internet apparaît donc encore comme une zone de non-droit. Mais, comme les autorités poursuivent les auteurs d'actes pédopornographiques sur Internet, elles peuvent et doivent condamner les tisonniers du feu haineux.
Photo : D.R.
Source : France-Soir