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Publié le 12 Juillet 2004

Jean-Luc Medina, Président du CRIF Grenoble-Isère : « Imaginez qu’en 11 ans, plus personne ne conteste l’existence d’un peuple palestinien, la nécessité d’un Etat palestinien vivant au coté d’un Etat Juif et beaucoup de pays arabes acceptent l’existence d

Question : Jean-Luc Medina, vous êtes le Président du CRIF Grenoble-Isère. Existe-t-il dans votre département une grande communauté juive ?



Réponse : La communauté juive de Grenoble comprend à peu près mille familles juives. Elle a une réputation de dynamisme avec ses trois synagogues, un centre culturel, un centre d ‘étude juive, des commerces, deux écoles juives et une vingtaine d’associations actives membres du CRIF Grenoble Isère. Le CRIF national est d’ailleurs né dans notre région en 1943 .Mais notre communauté est vieillissante et n’a pas su à un certain moment renouveler et rajeunir ses cadres.

Question : Que ressentent les membres de votre communauté en ce moment ? Comment perçoivent-ils les agressions qui sont perpétrées contre les Juifs ?

Réponse :
La communauté juive de Grenoble est inquiète et quelques membres de la communauté se posent sérieusement la question de savoir s’ils vont rester en France. Pourtant, nous n’avons pas connu ici d’actions violentes (antisémites), mais nous avons vécu un certain nombres de brimades ou d’attitudes suspectes. Nous avons sans doute la chance d’avoir la quasi intégralité de nos bâtiments en centre ville ce qui pose moins de problème en terme de sécurité.

Question : Quel dialogue instaurez-vous dans votre département et comment considérez-vous ce dialogue ?

Réponse :
Nous avons créé avec l’association AMAL (une association laïque rassemblant des membres qui sont originaires du Maghreb) une association commune avec le CRIF qui se nomme Grenoble Espérance. Nous avons organisé ou parrainé des conférences, des spectacles et signé des communiqués communs dans certaines affaires d’antisémitisme, notamment le jour ou dans une manifestation à Grenoble des slogans antisémites avaient été proférés.

Question : Vous pensez que le dialogue entre Juifs et Musulmans est essentiel ?

Réponse :
Je dirai qu’il est vital si nous voulons vivre ensemble en tant que citoyen de ce pays. S’il y a des incompréhensions, il faut les traiter par le dialogue et avoir des canaux permanents d’échanges. Les choses ne devraient pas être en principe compliqués puisqu’un certain nombre de membres de notre communauté sont originaires des pays du Maghreb. Il y a donc une sensibilité commune. Nous avons des sujets communs de discussion comme le concept de laïcité. Il faut travailler ensemble surtout dans la perspective du centenaire de la loi séparant l’Eglise et l’Etat (la loi de 1905) et des derniers changements législatifs sur le port de signes religieux à l’école.

Question : Que faudrait-il faire selon vous pour que le calme revienne ?

Réponse :
Il faut éduquer et faire de la pédagogie. Expliquer le conflit israélo-palestinien sans tomber dans la propagande, ce qui est difficile en ce moment. Il faut également expliquer ce qu’est l’antisémitisme, notamment en renforçant l’enseignement de la shoah et nous pensons que les voyages à Auschwitz peuvent être utiles. Les professeurs ont une importance considérable à cet égard puisque souvent les parents sont défaillants. Nous avons de très grandes ambitions à ce sujet pour Grenoble pour l’année 2005.

Question : On se demande quelquefois où se trouve la solidarité citoyenne lorsque les agressions antijuives ont lieu. Certains parlent d’apathie de la population. Qu’en pensez-vous ?

Réponse :
Je pense qu’une partie de nos compatriotes sont hélas apathiques et indifférents alors qu’ils sont alertés désormais par les médias et les pouvoirs publics. Cette indifférence n’est plus aujourd’hui excusable de mon point de vue. De plus, il faut reconnaître que le conflit israélo-palestinien rajoute à la problématique. Je regrette que les médias traitent de ces questions sans aucune perspective historique, comme si tout avait commencé au mieux en 1967 voire 1973. Vu sous cet angle, il n’y a qu’un peuple sans Etat : les Palestiniens. Le reste est secondaire et inaudible. Et puis j’ai l’impression que nos compatriotes ne font pas la différence entre juif et israélien, comme si la distinction était trop compliquée. Pour beaucoup, les actes antisémites sont le résultat d’un conflit compliqué entre arabes et juifs, dont finalement on ne sait pas trop qui a raison qui a tort mais comme le palestinien n’a pas d’Etat alors que les juifs ont en un, il n’est pas anormal que les Juifs se fassent agresser. Je ne crois pas que l’opinion publique aille malheureusement plus loin dans son analyse.

Question : D’autres pensent que les Juifs se plaignent trop et auraient une fâcheuse tendance à se focaliser sur les agressions antijuives en ignorant ce qui pourrait affecter d’autres communautés. Qu’en pensez-vous ?

Réponse :
Je pense que lorsqu’on connaît l’histoire récente de la France, on se doit d’être intraitable sur les questions d’antisémitisme. N’oublions jamais que 75 000 Juifs ont péri durant la seconde guerre mondiale en France et que la responsabilité de l’Etat français n’a été reconnue qu’en 1995. Le travail de mémoire vient juste de commencer véritablement. Les agressions qui visent des Juifs parce qu’ils sont Juifs sont souvent le signe d’une maladie grave dans notre société.

Question : Votre avis sur la situation en Israël ?

Réponse :
Je reste optimiste. Les mentalités sur place évoluent plus vite que les nôtres. Imaginez qu’en 11 ans, plus personne ne conteste l’existence d’un peuple palestinien, la nécessité d’un Etat palestinien vivant au coté d’un Etat Juif et beaucoup de pays arabes acceptent l’existence d’Israël. Toutes les choses vont très vite au Moyen Orient et je pense que la paix finira par intervenir.

Propos recueillis par Marc Knobel