Cette austérité affichée pourrait être le terreau d'une extrême-droite revigorée. C'est en tous cas l'idée qui ressort d'une étude publiée lundi 7 novembre par le centre de réflexion britannique Demos. « Alors que de nombreux pays européens ont les yeux fixés sur l'état de leur économie, une autre crise de confiance se prépare, prédit l'auteur du rapport, Jamie Bartlett. Dans toute l'Europe, des jeunes gens se sentent abandonnés par les partis traditionnels et leurs représentants et affichent de la sympathie pour les groupes populistes. »
L'étude relève plusieurs facteurs de ce soit-disant attrait de l'extrême. Outre la montée de l'islamisme, elle souligne notamment les effets de la mondialisation et une « perte de foi » dans les gouvernements et les institutions. Ainsi donc, la crise et la rigueur favoriseraient bien les partis de droite populistes et xénophobes.
"Atteinte au patrimoine financier et culturel"
Jean-Yves Camus, politologue spécialiste de l'extrême droite et auteur, entre autre de Extrémismes en France : faut-il en avoir peur ? (éd. Milan), considère pour sa part que ce phénomène n'est pas nouveau. L'attrait des jeunes pour l'extrême droite aurait notamment été visible en Scandinavie dès les années 70. « Les gros partis de cette famille politique ont un électorat issus des classes populaires et moyennes, souligne-t-il. Ils réussissent depuis longtemps à capter les moins de 30 ans, soit des gens qui sont encore étudiants et craignent pour leur insertion professionnelle, soit ceux qui vivent déjà une insertion difficile. »
Le politologue met surtout en avant le sentiment de certains Européens, et donc de certains Français, considérant qu'il y a « une atteinte à leur patrimoine financier mais également culturel ». L'attirance pour l'extrême droite serait donc moins liée à la conjoncture actuelle qu'il n'y paraît. Certains pays, moins frappée par la crise, connaissent une forte poussée de la droite populiste et xénophobe. C'est le cas notamment de la Suisse ou de la Norvège. D'autres en revanche, à l'image de l'Irlande, pourtant fortement touchée, sont épargnés.
Rigueur "injuste"
Ainsi, la rigueur ne profiterait à l'extrême droite que si elle est considérée comme « injuste », précise Jean-Yves Camus. « Il y a un syndrome du Fouquet's, analyse-t-il. Qui cette rigueur touche-t-elle en premier ? Qui épargne-t-elle ? Si jamais les gens considèrent que la rigueur n'est pas équitable, cela profitera à l'extrême-droite. C'est d'ailleurs comme ça que se positionne Marine Le Pen. ». De fait, la présidente du Front national n'a pas tardé à dénoncer les mesures annoncées lundi par François Fillon pour réduire le déficit français. « Le gouvernement Sarkozy vient de porter un nouveau coup très violent contre le pouvoir d'achat des Français : hausse de la TVA, quasi gel des allocations sociales, coupes dans les dépenses de santé, écrit-elle dans un communiqué. Après la hausse des mutuelles et de la CSG, une nouvelle fois c'est le peuple qui paie : salariés, classes moyennes et populaires, retraités. »
En France, le FN pourra bien surfer sur la vague rigoureuse. Mais il ne sera pas le seul. Si, en France, Marine Le Pen tire des bénéfices de la crise, c'est surtout parce qu' « il y a chez elle, comme chez son père, une capacité à entraîner, un charisme », conclut Jean-Yves Camus. Des qualités dont peut également se prévaloir Jean-Luc Mélenchon. Lui aussi a dénoncé le nouveau plan de rigueur de François Fillon, le qualifiant de « contresens total », une « agression de plus contre les gens du commun ».
Photo : D.R.
Source : France Soir, édition du 7 novembre 2011