Avez-vous profité de rencontrer les parlementaires iraniens?
(Sourire amusé.) Nous étions pratiquement assis côte à côte! Dans l’ordre alphabétique, «Israël» vient juste après «Iran». Mais les organisateurs ont finalement placé les Italiens entre nous… Plus sérieusement, non, nous n’avons pas eu de rencontre avec les Iraniens.
Et avec le représentant de la Turquie, fâchée avec Israël depuis le raid contre le bateau turc Mavi Marmara?
Pas de rencontre, mais j’ai entendu son discours, qui m’a surpris. Il était très modéré. D’habitude ces conférences internationales donnent lieu à des critiques acerbes contre Israël. Les Arabes, par exemple, se doivent d’afficher leur soutien inconditionnel aux Palestiniens. Même ceux qui ont signé des accords avec mon pays. C’est obligatoire, pour qui veut être membre de leur club. Même si c’est parfois très hypocrite, comme quand tout le monde écoute poliment les Soudanais dénoncer les souffrances infligées aux Palestiniens. Sans jamais mentionner le Darfour, bien sûr. C’est comme ça. Dans ces forums, on fait semblant que tous les parlementaires ont été élus démocratiquement.
Parlons de Gaza. Dans la prochaine flottille, il y aura des Suisses qui veulent la fin du blocus. Qu’avez-vous à leur dire?
Ce n’est pas une question humanitaire. Le Hamas est opposé à l’existence d’Israël, il ne veut pas deux Etats sur cette terre. Nous sommes prêts à travailler avec nos vrais amis pour trouver un moyen de contrôler qu’aucune arme ne leur soit livrée. Nous sommes prêts à changer. D’ailleurs, les paramètres du blocus viennent d’être revus.
Oui, mais seulement après que le raid sanglant contre la flottille a fait un tollé dans le monde! Avant cela, bien des produits alimentaires étaient interdits!
C’est vrai. Mais à présent, on ne recherche que ce qui peut servir à armer le Hamas. Alors à quoi serviront les prochaines flottilles? Pour obtenir la levée du blocus, le Hamas sait très bien ce qu’il doit faire: permettre enfin à la Croix-Rouge de visiter notre soldat Gilad Shalit et accepter les accords signés entre Israël et les Palestiniens.
A cause du Hamas, trouvez-vous normal d’enfermer 1,5 million de Palestiniens, pour la plupart des civils? N’est-ce pas une «punition collective» qui viole le droit humanitaire?
Ecoutez, cette population a voté pour le Hamas. Pourquoi ne tient-on jamais les Palestiniens pour responsables de leur situation? Pourquoi, après le retrait israélien, n’ont-ils pas saisi l’opportunité de construire quelque chose de bon pour eux-mêmes? Nous en avons plus qu’assez d’être tenus pour responsable de tous les malheurs des Palestiniens. Chez nous, une idée fait son chemin: une coupure totale entre Israël et la bande de Gaza. On ferme les frontières, on ouvre la mer et qu’ils se débrouillent! Finies, les livraisons d’eau, d’électricité, le commerce! Cela deviendrait un pays ennemi, point barre. Puis nous négocierions uniquement un accord pour la Cisjordanie. C’est soit ça, soit on continue à vérifier que des armes ne sont pas fournies au Hamas…
En Cisjordanie, justement, comment expliquer que la colonisation juive continue? Est-ce comme ça qu’on favorise la solution des deux Etats?
Personnellement, je suis d’accord avec vous. Parmi les députés travaillistes, nous ne défendons pas l’idée de colonisation. Et c’est vrai que certaines colonies deviendront une partie du territoire israélien. Mais en cas d’accord, d’autres seront démantelées. Nous en sommes tout à fait capables. Nous l’avons déjà prouvé dans le Sinaï, puis dans la bande de Gaza.
Mais tant que la colonisation se poursuit, comment voulez-vous que le président palestinien justifie, devant son peuple, de négocier avec Israël?
Actuellement, il y a un moratoire de dix mois sur la colonisation (ndlr: jusqu’à fin septembre, mais seulement hors Jérusalem-Est). Jamais aucun gouvernement israélien n’avait fait ça. Or, c’est un premier ministre de droite qui l’a décrété. S’il y a des négociations, la gauche ne s’y opposera pas. C’est un moment idéal! La question est de savoir si les Palestiniens veulent saisir cette opportunité ou la laisser échapper. Pour l’instant, c’est plutôt un échec.
Est-ce aussi simple que ça? Jérusalem n’est-il pas un enjeu aussi crucial pour les Palestiniens que pour les Israéliens?
Il y a toujours quelque chose qui manque! La question n’est pas de savoir si c’est juste ou non. Aucun des deux camps ne veut faire de concessions. Les compromis, on les fait à la table des négociations, pas avant. Mais je comprends le dilemme des Palestiniens. Négocier, c’est légitimer Israël. Or, ils ont toujours l’espoir qu’un jour les équilibres changeront et qu’ils pourront peut-être remporter un conflit armé. En attendant, une guerre d’image est en cours pour tenter d’isoler mon pays. On rediscute, dans le monde, le droit des juifs à s’établir sur l’unique endroit sur terre où ils ont une référence historique. Négocier avec Israël risque d’anéantir ces efforts, car à chaque fois qu’il y a des pourparlers de paix, mon pays est mieux accepté par la communauté internationale.
De quelle manière cela affecte-t-il la société israélienne?
C’est devenu plus difficile d’être de gauche. Au début des années 1990, je pensais qu’il fallait conclure la paix rapidement, pour que la population juive reste installée en Israël. Mais ensuite, il y a eu l’échec de Camp David. Puis des bombes dans nos rues! Les gens ont commencé à se demander si les Palestiniens voulaient un Etat ou s’ils cherchaient seulement à nous détruire. Maintenant, tout le monde est sceptique. Mais on constate qu’en 130 ans de sionisme, on a réussi à créer un Etat moderne, démocratique, avec une économie dynamique et de pointe. Quant à la paix, on attendra le temps qu’il faudra. Dans l’Histoire, la plupart des conflits dans le monde ont duré très longtemps. Les Irlandais, je crois, ont même dû attendre 800 ans!
(Article publié dans la Tribune de Genève du 21 juillet 2010)
Photo : D.R.