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Publié le 23 Mai 2011

Les juifs d’Arménie

Organisé par les associations COL (Communauté On Line présidée par Simon Midal, par ailleurs membre du Comité Directeur du CRIF) et Sassoun (Amitié du peuple arménien avec le peuple juif présidée par Paul Kieusseian) un voyage exceptionnel aura lieu en Arménie du 30 mai au 3 juin 2011. Au cours de ce voyage, des entretiens avec des responsables politiques arméniens sont prévus tout comme une rencontre avec la communauté juive d’Erevan. Jean-Pierre Allali, membre du Bureau Exécutif du CRIF, qui participera à ce voyage dont il nous donnera par la suite une relation, nous propose, en attendant, une petite étude sur le judaïsme arménien à travers l’Histoire.




Le peuple juif et le peuple arménien ont, par bien des côtés, connu des destinées parallèles. Issue d’une très vieille civilisation indo-européenne, l’Arménie s’est formée, en tant qu’État, autour du lac de Van, aujourd’hui en Turquie, plusieurs siècles avant l’ère chrétienne. Elle a perdu et reconquis son indépendance à travers l’Histoire et, pour ce qui est de la période contemporaine, l’Arménie, indépendante en 1918, a été conquise et intégrée à l’URSS peu après. Il faudra attendre 1991 pour la voir à nouveau disposer librement de son destin. En 1915, près de trente ans avant la Shoah, l’Arménie a été victime d’un génocide qui a fait 1 500 000 victimes. Les Juifs, comme les Arméniens, ont vécu sous l’autorité de l’Assyrie, de Babylone, de la Perse, des Séleucides, de Rome, de Byzance et de l’islam. Selon certains historiens, deux des dynasties royales de l’ancienne Arménie, proclamèrent, en leur temps, leur appartenance à la maison d’Israël. Cette similitude avec le peuple d’Israël, qui, après trois mille ans d’attente, a recouvré, lui, son indépendance en 1948, amène à se poser la question : y-a-t-il eu et y-a-t-il encore des Juifs en Arménie ? La réponse est positive, mais mérite un développement.



L’histoire des Juifs d’Arménie prend corps il y a quelque 2800 ans avec la déportation des Juifs d’Eretz Israël vers le Kurdistan par le roi assyrien Salmanassar III qui régna de 858 à 824 avant JC. Plus tard lorsque le roi arménien Tigrane II (95-55 avant JC) (1) envahit la Syrie, il ramène avec lui de nombreux captifs juifs. La seconde vague ancienne d’immigration juive en Arménie a lieu quelques siècles après. Là aussi, ce sont des captifs ramenés de guerres livrées en Judée qui forment la population juive nouvellement installée. En 1996, de nombreuses stèles funéraires avec des inscriptions en hébreu et en araméen datant du 13ème siècle, ont été découvertes à Siwnik. En 1999, un évêque, Abraham Mkrtchyan a découvert dans le village d’Eghedis les restes d’un cimetière comportant 64 tombes, la plus ancienne datant de 1266 et la plus récente de 1346.



Dès 1840, il existait, comme souvent en Europe orientale, deux communautés juives en Arménie, les Ashkénazes venus notamment de Pologne et les Séfarades, venus de Perse. Plusieurs centaines de milliers d’âmes au Moyen Âge, les Juifs d’Arménie avaient pratiquement disparu vers 1930. C’est alors que des Juifs d’URSS commencèrent à fuir en direction de l’Arménie. Le phénomène se reproduira dans les années 1970 puis en 1992-1993. Toutefois, souvent, ce n’était qu’un tremplin avant une installation définitive en Israël. En 1980 a été créée l’association culturelle judéo-arménienne Arev et, en 1991, la Communauté Juive d’Arménie co-présidée par Gershon Burstein et Igor Ulanovsky. Il y a aujourd’hui un millier de Juifs en Arménie essentiellement à Erevan, la capitale, à Vanadzor, à Gumri et à Sevan. Toutefois, la plupart des familles sont mixtes, père arménien, mère juive.



Le 26 octobre 2006, un monument dédié aux victimes de la Shoah, formé de deux dalles de basalte unies par une flamme de bronze symbolisant la tragédie des Juifs et celle des Arméniens, a été inauguré dans le parc d’Aragast, à Erevan, la capitale du pays. Deux ans plus tard, hélas, il a été profané. Interrogé à l’époque, le rabbin Gershon Burstein avait déclaré : « C’est terrible, car il y a d’excellentes relations entre les Juifs et les Arméniens ».



De nombreux écrivains juifs se sont intéressés à l’Arménie, tel Iossip Mandelstam avec son Voyage en Arménie, écrit dans les années 30 et Vassili Grossman avec La paix soit avec vous.



À l’instar de ce qui est dit par certains pour l’Afghanistan, à savoir que l’ensemble de la population de ce pays est d’origine juive, il ne manque pas d’historiens, tels Avraham Galante, pour considérer que les Arméniens des villes de Kemaliye, Darende, Divrik et Anapkir sont tous d’origine juive. Il aurait d’ailleurs existé jusqu’à la première moitié du 20ème siècle, une secte judéo-arménienne, des sortes de marranes, appelés pacradounis.



En France, le CRIF entretient d’excellentes relations avec la communauté arménienne, notamment par le biais du CCAF, le Conseil de Coordination des Organisations Arméniennes de France.



C’est ainsi, par exemple que chaque année, le 24 avril, une délégation du CRIF participe au cérémonies de commémoration du génocide des Arméniens



Jean-Pierre Allali



(1) Deux rois d’Arménie apparaissent sur l’arbre généalogique de la dynastie juive hérodienne : Tigrane, fils d’Alexandre, petit-fils de Mariamme l’Hasmonéenne, fille d’Hérode le Grand et Tigrane, fils d’Alexandre et neveu du précédent. Voir, à ce sujet, Rome, la Judée et les Juifs de Mireille Hadas-Lebel, Éditions Picard, mai 2009.



Photo : D.R.