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Publié le 17 Janvier 2011

Malaise dans le monde arabe après la chute de Ben Ali

En Egypte, en Jordanie, la rue salue bruyamment la fuite de l'ex-président tunisien, chassé par la pression de la rue. Les gouvernements arabes, sachant que leur population a souvent des préoccupations très similaires à celles des Tunisiens, réagissent avec une extrême prudence.




La déchéance de Ben Ali est un avertissement pour les régimes autoritaires qui dominent le monde arabe, face à des populations en proie à des problèmes souvent proches de ceux des Tunisiens. Il est le premier dirigeant d'un pays arabe à quitter le pouvoir sous la pression de la rue, au terme d'un mois de manifestations populaires et d'une répression qui a fait plusieurs dizaines de morts. Et pour l'heure, les gouvernements arabes réagissent avec prudence à cette chute, alors que la rue arabe et les islamistes ont salué quant à eux le soulèvement du peuple de Tunisie.



De son siège au Caire, la Ligue des Etats arabes a appelé à un "consensus national pour sortir de la crise" et demandé "à toutes les forces politiques, ainsi qu'aux représentants de la société tunisienne et aux officiels, d'être unis pour le bien du peuple et pour instaurer la paix civile". L'Arabie saoudite s'est cantonnée à confirmer officiellement avoir donné refuge à Ben Ali par "considération pour les circonstances exceptionnelles que traverse le peuple tunisien". Une autre monarchie du Golfe, le Qatar, a dit respecter "la volonté et le choix du peuple tunisien", et son voisin, Bahreïn, "a affirmé la nécessité d'oeuvrer pour un retour à la stabilité en respectant la Constitution, les institutions de l'Etat et la volonté du peuple tunisien".



L'hommage de Kadhafi au président déchu



L'Egypte, où le président Hosni Moubarak fait l'objet de critiques pour ne pas avoir levé l'état d'urgence depuis son arrivée au pouvoir il y a 29 ans, a affirmé "son respect des choix du peuple tunisien", se disant "confiante que la sagesse des frères tunisiens (...) empêchera le pays de plonger dans le chaos". Mais dans la rue au Caire, des dizaines d'Egyptiens ont partagé l'enthousiasme d'un groupe de Tunisiens qui célébraient devant leur ambassade le départ de Ben Ali, aux cris de "Ecoutez les Tunisiens, c'est votre tour les Egyptiens". En Jordanie, où la grogne monte contre l'inflation et le chômage, une cinquantaine de syndicalistes ont organisé un sit-in devant l'ambassade de Tunisie à Amman et appelé à la propagation de "la révolution tunisienne". Le gouvernement jordanien a affirmé "respecter les choix du peuple tunisien", tout en appelant "toutes les forces nationales à s'unir" pour éviter que la Tunisie ne "plonge dans le chaos". L'Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas a affirmé qu'elle maintiendrait les "meilleures relations" avec la Tunisie, alors que des groupes palestiniens, notamment les islamistes du Hamas et du Jihad islamique, ont apporté leur soutien au soulèvement du peuple tunisien.



Le numéro un libyen, Mouammar Kadhafi, qui entretenait des relations privilégiées avec le président tunisien déchu, a été le seul à regretter ouvertement samedi soir la chute de Ben Ali, estimant que celui-ci était "toujours le président légal de la Tunisie". "Vous avez subi une grande perte (...) Il n'y a pas mieux que Zine (El Abidine Ben Ali) pour gouverner la Tunisie", a déclaré le colonel Kadhafi dans un discours à l'adresse du peuple tunisien diffusé par les médias d'Etat.



Un millier d'étudiants yéménites ont manifesté dimanche à Sanaa, appelant les peuples arabes à se soulever contre leurs dirigeants à l'instar des Tunisiens. A Bagdad, un député sunnite irakien modéré, Talal Zobaie, a souligné que ces événements constituaient "un avertissement très clair à tous les dictateurs et régimes totalitaires de la région, qui négligent leurs peuples et ignorent leurs droits démocratiques fondamentaux". Le puissant mouvement chiite libanais du Hezbollah a appelé les dirigeants arabes à "tirer les leçons de ce qui s'est passé en Tunisie". Au Koweït, seuls les députés de l'opposition islamiste ont réagi, saluant "le courage du peuple tunisien" qui a "montré l'exemple".



Article publié dimanche 16 janvier 2011, sur tf1.fr.



Photo : D.R.