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Publié le 26 Juin 2009

Michel Taubmann, journaliste, rédacteur en chef du Meilleur du Monde : «Nous sommes tous des démocrates iraniens !»

La revue Le Meilleur des mondes et la Confédération étudiante organisent le lundi 29 juin à 18 heures (mairie du 13ème arrondissement de Paris - 1, place d'Italie) un grand colloque : « Iran, le choix démocratique », avec le soutien du CRIF, parmi de nombreuses autres organisations et personnalités, et avec la présence d’Akbar Atri, leader du mouvement étudiant en 1999 et 2003, fondateur de l’organisation étudiante pour la démocratie et les droits de l’homme ; Ladan Boroumand, directrice de la Fondation pour la promotion des droits de l’homme et de la démocratie en Iran ; Chahla Chafiq, sociologue et féministe ; Chahdortt Djavan, écrivain et féministe ; Setâre Enayatzadeh, universitaire ; Prince Reza Pahlavi ; Mohsen Sazegara, fondateur des Gardiens de la Révolution, puis animateur du mouvement réformateur jusqu’en 2003 (1). Qu’attendez-vous de ce colloque ?
Réponse : Je crois qu’il est très important que pour la première fois depuis la révolution islamique, les anciens adversaires ou leurs enfants, je pense notamment à Mohsen Sazegara qui, en 1979, jeune étudiant révolutionnaire, était au côté de Khomeiny, à Neauphle-le-Château et à Reza Pahlavi, fils du Shah d’Iran, chassé du pouvoir par la Révolution islamique. Mohsen Sazegara a été l’un des fondateurs des Gardiens de la Révolution, terrible organisation politico-militaire, qui est encore aujourd’hui, l’un des derniers soutiens du régime.
Reza Pahlavi, lui, se consacre depuis trente ans, seul et sans moyen, car il est abandonné de tous, à instaurer la démocratie dans son pays. Chacun de son côté, Mohsen Sazegara et Reza Pahlavi, ont fait un bout du chemin, ont connu des remises en question et des souffrances. Mohsen Sazegara après avoir occupé de hautes fonctions dans la République Islamique est devenu un leader du mouvement réformateur. Il l’a payé de plusieurs mois de prison, et de tortures physiques et morales. Ces deux hommes se retrouvent aujourd’hui pour soutenir la révolte du peuple iranien et ils sont tous les deux à la fois pour la démocratie et la laïcité. On peut en dire autant de tous les Iraniens qui seront à la tribune. Je pense notamment aux femmes comme Chahdortt Djavan, Chahla Chafiq et Ladan Boroumand, qui, en tant que femmes, furent les premières victimes de l’obscurantisme religieux.

La situation en Iran est grave. Que traduit la crise actuelle ? Peut-on parler de situation prérévolutionnaire ?
Réponse : Cette situation n’est absolument pas surprenante pour ceux qui, comme moi, suivent les événements en Iran, depuis plusieurs années. Nous avons tous relevé un décalage croissant entre une société civile aspirant à la démocratie et l’assouplissement à la disparition des contraintes religieuses imposées par le système.
Je vous rappelle que le livre d’entretiens que j’ai publié avec Reza Pahlavi s’appelle « L’heure du choix », (Ed. Denoël, février 2009, 17 euros), ce qui signifiait clairement que pour lui, la question de la démocratie se posait à court terme pour l’Iran. Ce titre a suscité beaucoup de sarcasmes à l’époque. Il y a encore quelques semaines, des observateurs vantaient la solidité du régime iranien et louaient ses capacités à organiser des élections démocratiques. Ce qui est clair, c’est que nous sommes confrontés à deux crises. La première oppose une grande partie de la société iranienne au pouvoir en place et la deuxième est interne au pouvoir. La jonction entre une partie de l’appareil religieux, politique et militaire et les protestataires entrainera à terme une crise qui débouchera non pas sur une réforme mais sur un dépassement de la République islamique. Il est très significatif d’ailleurs de constater qu’un homme comme Moussavi, ancien Premier ministre de Khamenei et de Khomeiny (entre 1981 et 89) dans la période la plus répressive du régime se trouve aujourd’hui emporté bien loin de ses intentions initiales dans un affrontement avec le régime dont il est issu.

La jeune Neda, qui a été tuée d’une balle en pleine poitrine et dont le film de sa mort fait le tour du monde sur le web, est-elle devenue le symbole même de la résistance en Iran ?
Réponse : Les images terribles de ce carnage, de cet acharnement brutal et inhumain sur cette jeune fille symbolise la réalité de la République islamique. Dans le livre que je publie très bientôt chez Denoël (« Histoire secrète de la révolution iranienne »), avec mon ami l’intellectuel iranien Ramin Parhan, nous montrons avec des documents inédits que dès le premier jour, la révolution islamique s’est distinguée par sa brutalité, sa cruauté, et la haine de tous ceux qui était différent et notamment les femmes. Ce fut une révolution contre les femmes et il est assez malheureusement logique que cette révolution qui a commencé contre les femmes se termine par le massacre d’une jeune femme sans défense. Toutefois, le symbole de la nouvelle révolution démocratique dont nous voyons les prémices actuellement, ce sont ces beaux visages de femmes iraniennes, qui enlèvent leur voile et droit dans les yeux défient les Ayatollahs obscurantistes et leurs miliciens barbares. Ce sont ces visages de femmes dévoilées iraniennes qui sont aujourd’hui non seulement l’espoir de l’Iran mais l’espoir de toux ceux qui pensent -à l’encontre des partisans de la guerre des civilisations- que les valeurs de la déclaration de 1948 des Droits de l’Homme, que l’égalité des hommes et des femmes, que la séparation du politique et du religieux, ne sont pas les produits de l’impérialisme occidental, mais sont les valeurs de l’Humanité toute entière.

Propos recueillis par Marc Knobel

Photo (Michel Taubmann) : D.R.

Note :
1) Pour des raisons de place et de sécurité: Inscription obligatoire à cette adresse email avant le 26 juin: m.taubmann@free.fr

Michel Taubmann est également l’auteur de « La bombe et le Coran, une bibliographie de Mahmoud Ahmadinejad », Ed. du moment, 2008, 19 euros 95.



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