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Publié le 21 Janvier 2011

Michèle Alliot-Marie, ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères et européennes : «Palestiniens et Israéliens doivent aborder toutes les questions du statut final»

Face à l’impasse du processus de pais au Moyen-Orient, un mouvement vigoureux se dessine en Amérique latine de reconnaitre un Etat palestinien avant la signature de la paix. Est-ce que ce mouvement a des possibilités d’atteindre l’Europe aussi. Les solutions souhaitables pour résoudre le problème israélo-palestinien sont connues – avez-vous des idées applicables et réalisables pour remettre le processus de paix en marche ?




Chacun reconnait aujourd’hui la nécessité d’établir aux côtés d’Israël un Etat palestinien vivant en paix et en sécurité. C’est la meilleure garantie de sécurité pour Israël. C’est la perspective tracée par le Premier Ministre israélien, M. Netanyahu dans son discours de Bar Ilan, que nous avons salué. Comment y parvenir? La priorité doit aller à la négociation entre Israéliens et Palestiniens. Il nous faut trouver au sein du Quartet, avec les Etats-Unis, les moyens de relancer ces contacts, aujourd’hui dans l’impasse. Nous sommes prêts à accompagner les Israéliens et les Palestiniens sur ce chemin, dont je ne sous-estime pas les obstacles et les difficultés pour les deux parties. Nous sommes prêts à réfléchir aux garanties de sécurité que nous pourrions apporter pour soutenir cet accord de paix.



Vous parlez du discours de Netanyahu à Bar Ilan, mais selon la presse israélienne ses relations avec le Président Sarkozy sont devenues récemment extrêmement tendues, notamment sur le sujet du gel des implantations. Seriez-vous donc en mesure de suivre le mouvement des pays d'Amérique Latine concernant la reconnaissance d'un Etat Palestinien indépendant ? Sinon, avez-vous des idées spécifiques, des garanties concrètes que vous seriez prêts à apporter pour relancer le processus de paix?



Le Président de la République est un ami du Premier ministre israélien. Entre amis, on peut se parler franchement et ouvertement. Nous avons des désaccords sur le sujet de la colonisation, les Israéliens connaissent notre position sur ce sujet. Pour créer un Etat palestinien notre priorité reste la négociation entre Israéliens et Palestiniens sur toutes les questions du statut final. Les Européens qui connaissent bien cette région du monde, qui nous est très proche géographiquement bien sûr, mais aussi culturellement peuvent apporter garanties de sécurité, et offrir un accompagnement régional.



Concernant le soldat Shalit enlevé par le Hamas à Gaza en Israël on ne comprend pas comment cela se fait que c’est uniquement les Allemands qui font des efforts ininterrompus pour le ramener en Israël, alors que la France ne joue dans cette affaire qu’un rôle secondaire, bien que Shalit soit un citoyen français et non pas un Allemand. (on pense notamment aux énormes efforts que la France a faits pour Ingrid Bettancourt en Colombie).



Gilad Shalit est un citoyen français. Il est otage depuis plus de quatre ans. Je vais rencontrer ses parents, Noam et Aviva, qui sont en contact étroits avec le président de la République. Sa situation d’isolement total, d’absence de tout contact, sans accès du CICR, sans échanges avec sa famille, sans même un signe de vie depuis très longtemps est profondément inhumaine. Nous demandons sa libération immédiate. Israël et le Hamas ont décidé de recourir à ce médiateur allemand parce qu’il a eu dans le passé de très bons résultats avec le Hezbollah. Nous soutenons pleinement ses efforts, et nous répondons de manière très active à toutes les sollicitations de la médiation allemande.



Vous avez des liens privilégiés avec les pays Arabes. Vous êtes aussi le seul pays à avoir un Ambassadeur responsable des droits de l'homme. Comment se fait-il donc qu'ils ne servent pas à résoudre le cas Shalit?
Nous profitons de tous nos contacts dans la région pour faire passer des messages de nature à faire progresser les négociations. Nous soutenons activement par tous les canaux dont nous disposons la médiation allemande. Mais sur un dossier aussi sensible, vous comprendrez qu’il soit nécessaire de faire preuve de discrétion.



Vous avez probablement entendu parler du fait que la chanteuse Vanessa Paradis vient d'annuler un concert à Tel Aviv à cause des pressions lances contre elle par des groupes favorisant le boycott d'Israël. Qu'en pensez-vous?
Les organisateurs de la tournée de Vanessa Paradis ont affirmé qu’elle a annulé son concert pour des raisons professionnelles et il n’y a aucune raison de ne pas les croire. S’agissant des appels au boycott, je les condamne fermement. Quand j’étais ministre de la Justice, j’ai donné des instructions très claires demandant aux procureurs d’identifier et de signaler tous les actes de provocation à la discrimination, notamment les appels au boycott des produits israéliens. Ces appels sont illégaux au regard de la loi française. Quant à Vanessa Paradis, j’espère qu’elle pourra rapidement venir chanter en Israël.



Votre prédécesseur M. Kouchner, ainsi bien que le Président Sarkozy n’excluait pas l'option militaire en Iran- est-ce que votre politique a changé ? D'ailleurs comment comprenez vous le fait que la révolte des Iraniens contre leur régime a échoue la ou elle a réussie en Tunisie ?



La France est convaincue qu’un règlement négocié à la crise nucléaire iranienne est possible et elle est déterminée à y parvenir. Notre objectif est d’éviter d’être un jour confronté à une alternative, que le Président de la République a qualifiée de ''catastrophique '', entre la ''bombe de l'Iran'' et ''le bombardement de l'Iran''.



Le meilleur moyen d'éviter cette alternative est de persuader les Iraniens de se conformer à leurs obligations internationales, telles qu’énoncées par le Conseil des gouverneurs de l'AIEA et le Conseil de sécurité. Tous nos efforts vont dans ce sens.



Pour parvenir à ce résultat, nous restons fidèles à la double approche, qui allie dialogue et fermeté, la fermeté signifiant le renforcement de la pression internationale au travers de sanctions, à l’image de ce qui a été fait ces derniers mois.



Une première rencontre avec les Iraniens s’est tenue en décembre dernier ; une nouvelle réunion se tiendra à Istanbul en fin de semaine. Nous espérons que ces réunions marquent les premières étapes d’un processus diplomatique de résolution de la question nucléaire iranienne.



Il ne me paraît pas possible de faire un parallèle entre la contestation qui a suivi l’élection présidentielle du 12 juin 2009 en Iran et la Tunisie, car ces situations ne sont pas comparables.



D’aucuns pensent que les sanctions contre l’Iran commencent à peser sérieusement. Pensez-vous que l’on peut se contenter de ces sanctions, éventuellement les durcir et écarter définitivement l’option militaire ?



L’acquisition de l’arme nucléaire par l’Iran constitue une menace majeure pour la communauté internationale. Notre détermination à l’empêcher et à faire respecter les résolutions du conseil de sécurité et de l’AIEA est totale.



La porte du dialogue, de la négociation reste bien sûr ouverte : L’Iran sait ce qu’il doit faire pour entamer une négociation sérieuse. Mais il doit aussi comprendre que l’accroissement de la pression internationale est inexorable s’il ne change pas d’attitude.



L’Union Européenne a déjà pris des sanctions. Elles s’ajoutent à celles du Conseil de Sécurité. Nous n’hésiterons pas à les durcir si l’Iran ne répond pas, concrètement, aux préoccupations de la communauté internationale et aux obligations qu’il a contractées à son égard.



Est-il réaliste de penser que la Tunisie devienne le premier pays Arabe a introduire une vraie démocratie libérale- Le monde Musulman et la démocratie occidentale- sont-ils compatibles selon vous?



Mohammed Ghannouchi, le Premier Ministre sortant et reconduit, a souhaité témoigner d’une certaine ouverture dans la composition du nouveau gouvernement. Les titulaires des grands ministères régaliens du gouvernement précédent ont cependant été reconduits dans leurs fonctions. Cette situation présentée comme nécessaire pour assurer la continuité du service public a suscité de vives protestations de la part d’un peuple qui aspire à une franche rupture. Elle a conduit certains ministres d’ouverture à la démission.



Dans cette situation très tendue et très difficile, l’enjeu est de parvenir à constituer un gouvernement capable de convaincre le peuple tunisien de sa crédibilité pour préparer des élections libres et démocratiques.



Il n’y a pas d’incompatibilité entre monde musulman, démocratie et droits de l’Homme. On ne peut pas réduire les sociétés à une identité religieuse, même si cette identité pèse sur les traditions historiques et culturelles. Nos sociétés reposent sur un socle commun de principes universels, librement consentis et auxquels la plupart des Etats ont souscrit, de manière volontaire. Y figurent au premier rang les droits de l’Homme et le droit international humanitaire. L’enjeu demeure à la fois l’adhésion des sociétés civiles à ces principes et leur mise en œuvre effective par les Etats. Toutes les traditions et les cultures doivent pouvoir s’exprimer librement dans ce cadre, échanger et ainsi contribuer à construire un monde fondé sur la justice, la solidarité la tolérance et le respect d’autrui.
Concernant le Liban- qu'est-ce qui est plus important- le respect du tribunal et du droit international ou la stabilité de ce pays si complique? Comment allez-vous réagir si le rapport du tribunal international constate que les instigateurs de l'assassinat de Hariri ne sont non seulement le Hezbollah mais la Syrie aussi? Comment réagiriez-vous si le Hezbollah se sert de ce rapport pour envahir le Liban tout entier?



Nous sommes convaincus, comme nous l'avons rappelé avec mes collègues européens dans les conclusions du Conseil des Affaires étrangères du 22 novembre, que les efforts qui visent à assurer la justice internationale et ceux qui visent à préserver la stabilité au Liban sont complémentaires.



Conformément au règlement de procédure du Tribunal spécial pour le Liban, le Procureur du Tribunal spécial a transmis le 17 janvier un acte d’accusation au juge de la mise en état, qui est chargé de la confirmation de ces actes. Nous ne connaissons pas l'identité des individus qui pourraient être visés, comme l'exige le principe du secret de l’instruction.
En tout état de cause, le Tribunal se fonde sur le respect scrupuleux des droits de la défense, pour lesquels le bureau de la Défense dispose de moyens conséquents. Ses mises en accusation ne sont pas des verdicts.



Nous avons fait preuve d'un engagement constant en faveur de la justice internationale et de la lutte contre l’impunité. Nous appelons chacun, au Liban et dans la région, à respecter l'indépendance du Tribunal et à refuser toute instrumentalisation politique de ses travaux.
Nous travaillons actuellement, en concertation avec les principaux acteurs régionaux, pour contribuer à résoudre la crise libanaise et pour conjurer les risques de dérapage sur le terrain.
Le Liban semble déraper en direction d’une domination du Hezbollah. Avez-vous encore des ambitions à l’égard de ce pays. Qu’allez-vous faire ?
Le Président Nicolas Sarkozy l’a dit, il faut qu’une concertation internationale contribue à aider les libanais à surmonter cette phase délicate, dans le plein respect des institutions démocratiques libanaises.



La France est, tout particulièrement, en raison de l’amitié traditionnelle qui la lie depuis très longtemps au Liban, attachée à sa stabilité, sa sécurité et sa souveraineté. Notre engagement constant en faveur de la FINUL le démontre. C’est aussi bien évidemment l’intérêt d’Israël.



Pensez-vous que la Syrie, autrefois considérée comme élément destructif au Liban, pourrait servir aujourd’hui d’élément constructif. D’ailleurs où en êtes-vous dans vos relations avec la Syrie : à l’époque de Chirac exécrables et depuis plutôt équilibrées. Pensez-vous pouvoir servir de médiateurs entre la Syrie et Israël ?



La Syrie est un acteur régional très important. Elle peut et doit jouer un rôle constructif pour la paix et la stabilité dans la région. Nous croyons au volet syrien du processus de paix. Il est essentiel qu’un accord de paix puisse être trouvé avec la Syrie ; le Président Sarkozy a nommé un émissaire, l’ambassadeur Cousseran, pour créer les conditions d’une reprise des contacts entre Israël et la Syrie. Il ne s’agit pas de jouer un rôle de médiateur, mais de favoriser avec tous ceux qui y sont intéressés, la recherche d’un accord.



Dans aucune des crises qui embrasent le monde, les USA ne manifestent une direction efficace. Quand au conflit israélo-palestinien, les négociations sont au point mort et personne ne sait où les Américains veulent en venir. Avez-vous toujours confiance en la médiation américaine ?
Nous apportons notre plein appui aux efforts américains. Pour autant, il nous semble indispensable que la communauté internationale et en particulier l’Europe, le Quartet, soient davantage associés au processus.



Nous avons besoin du concours de chacun. Les Européens qui ont une bonne connaissance de la région, une proximité culturelle et géographique très utile, déploient des troupes à vos frontières (FINUL, FNUOD), accordent une aide financière essentielle à l’Autorité palestinienne, comme des Etats comme l’Egypte et la Jordanie, qui sont directement concernés.



Les medias en France prétendent que votre parti est inquiet de la montée de Marine Le Pen qui grignoterait vos électeurs. Est-ce que la gauche vous inquiète aussi, éventuellement avec une candidature de Dominique Strauss-Kahn? Dans ce contexte, la communauté juive nous a exprime son soucis de voir les électeurs Juifs, déçu par la politique Israélienne du Président Sarkozy tourner le dos a l'UMP. Qu'est ce que vous pouvez leur en dire?



Dans une élection, on ne choisit pas ses concurrents. Les candidats à l'élection présidentielle doivent exposer et essayer de faire partager aux Français leur vision de l'avenir de la France. Ce qui compte c'est la crédibilité dans l'analyse des enjeux du monde, la capacité à montrer les atouts de notre pays, la façon de valoriser ces atouts. Le front national ne propose qu’une vision étriquée de la France, un repli sur soi. Sa principale proposition est d’ailleurs la sortie de l’euro puis de l’Union européenne. Chacun voit bien les conséquences économiques et sociales désastreuses qui en découleraient pour la France !



Le parti socialiste lui n’a toujours pas présenté de projet pour la France et pour les Français. Ses dirigeants n’ont toujours pas réussi à se décider entre une vision moderne du socialisme comme il en existe partout ailleurs en Europe ou un retour aux vielles lunes du socialo communisme. Il est vrai que le parti socialiste est surtout occupé à se déchirer sur des questions de choix du candidat.



Au contraire, les réformes courageuses et essentielles initiées par Nicolas Sarkozy pour moderniser notre pays sont le socle qui permettra de valoriser les atouts de la France et de les exploiter au bénéfice des français dans un monde concurrentiel.



Les Français d’origine ou de confession juive connaissent bien la position de la France à l’égard d’Israël et la détermination de notre pays en faveur du processus de paix.



La France est l’amie d’Israël. Comme toute amitié, celle entre nos deux pays impose la sincérité c’est pourquoi nous parlons avec franchise à Israël de notre absolue détermination à parvenir au double objectif de création d’un Etat palestinien viable et de garantie de la sécurité d’Israël.
On sait aujourd'hui que Marine le Pen se présentera en 2012 comme candidate a la Présidence de la République- faut-il la craindre? Est-ce qu'il se peut qu'elle trouve en face d'elle une autre candidate - qui porte le nom de Michèle Alliot-Marie?
Si vous cherchez des femmes, il y a nombre de candidates potentielles dans l’opposition! S’agissant de la majorité, son candidat naturel est le Président Nicolas Sarkozy s’il souhaite se représenter.



Quant à la candidature de Mme Le Pen, je vous dirais qu’en politique il ne faut pas craindre ses adversaires mais les combattre sur le terrain des idées et des valeurs. Les Français devront se prononcer en 2012 sur une vision de la France. Nous connaissons tous les idées du Front National exprimées hier par Jean-Marie Le Pen, aujourd’hui par Marine Le Pen : elles n’ont rien à voir avec celles de la majorité à laquelle j’appartiens.



Article publié dans Haaretz du 20janvier 2011



Photo : D.R.
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