Actualités
|
Publié le 28 Mai 2007

Moïse Rahmani, le militant de l’espérance

Juif égyptien, Moïse Rahmani, qui descend d’une famille de Rhodes et qui, après avoir vécu au Congo belge s’est installé à Bruxelles, est né au Caire. Ce militant infatigable, auteur de nombreux ouvrages, est également le directeur de la revue Los Muestros qui maintient vivace la langue et la tradition judéo-espagnoles. Moïse Rahmani, qui sera l’un des intervenants du débat « Juifs d’Égypte. Le second Exode » qui se déroulera le 14 juin prochain à 20h30 au Centre Rachi, répond aux questions de la Newsletter du CRIF.


Pour vous, c’est quoi l’Égypte ?
L’Égypte, ma terre natale, est chère à mon cœur. Je ne peux oublier les moments heureux de mon enfance, heureux car je fus choyé et protégé par mes parents.
Et pourtant, ce pays qui était nôtre, que nous croyions nôtre, m'a chassé par deux fois : en 1956, nous avons été contraints à l'exil et, bien plus tard, en 2001, lors de mon dernier voyage, un jeune homme barbu à souhait, calotte blanche vissée sur le crâne, vêtu d'une djellabah immaculée, distribuant aux passants des versets coraniques a dit à la cantonade en me regardant : « Va-t-en d'ici, étranger, ce n'est pas ton pays ! » Il l'a dit en arabe mais je comprends cette langue, ce qu'il ignorait.
Deux fois chassés ! Mais je continue à chérir ce pays, non ce mode de vie qui fut notre jadis et qui n'est plus. J'aime l'Égypte, mais elle me rejette.
Peut-on considérer qu’en grande partie les Juifs égyptiens aujourd’hui disséminés à travers le monde, ont été, à un moment donné de leur existence, des exilés, des réfugiés ?
Lorsqu’un pays qui est vôtre vous force au départ, non pour ce que vous avez fait, mais pour ce que vous êtes, comment peut-on se situer ? Certes, nous sommes des réfugiés. Nous avons tout abandonné derrière nous, sans espoir de retour, même nos morts sur les tombes desquels - s'il en reste encore des traces - il nous est interdit d'aller déposer cette petite pierre, signe d'amour et de souvenir.
Pourquoi, pour qui, faut-il garder le souvenir d’un temps, hélas révolu ?
Nous gardons le souvenir de l'Égypte par fidélité et, comme le dit un de mes amis alexandrin, parce que "nous avions les yeux teintés de rose".
Ce temps nous rappelle nos familles aujourd'hui éclatées, nos amis maintenant dispersés et nos morts abandonnés contre notre gré. Peut-on l'oublier? A-t-on le droit de l'oublier ?
Mais nos histoires commencent comme un conte:" Il était une fois un pays où il faisait bon vivre..."
Propos recueillis par Jean-Pierre Allali