- l’attentat du 29 mars 1982 à Ambazac dans le train « Le Capitole », assurant la liaison Paris-Toulouse tuant 5 personnes (Jean-Pierre Calin, Jacques Combret, Marie-Claire Fourcade, Marie-Louise Nallet, Bernard Novelle,) et blessant 28 autres,
- l’attentat commis le 27 avril 1982, rue Marbeuf à Paris (75008) devant le siège de l’hebdomadaire « Al Watan Al Arabi » tuant 1 personne (Nelly Guillerme) et blessant 34 autres,
- l’attentat du 31 décembre 1983 assurant la liaison Marseille-Paris, dans un TGV à proximité de Tain-l’Hermitage, tuant 3 personnes (Jeanne Bourgeois, Michèle Johannes, Bernard Vérité) et blessant 20 autres,
- l’attentat du 31 décembre 1983 dans la salle des consignes de la gare Saint-Charles de Marseille, tuant 2 personnes (Makhlouf Maouche, Marak Skwirut) et blessant 34 autres.
Nous faisons le point avec Françoise Rudetzki.
Françoise Rudetzki, vous étiez présidente fondatrice (1986-1998) puis déléguée générale (1998-2008) de l'association SOS Attentats qui aidait les victimes civiles d'attentats terroristes. Vous êtes aujourd’hui déléguée au terrorisme au sein de l'association SOS Catastrophes et Terrorisme. Pourquoi l’association SOS Attentats n’existe-t-elle plus ? A-t-elle remplie toutes les fonctions qui étaient les siennes ? Et que pourriez-vous nous dire de cette toute nouvelle association dont vous êtes la déléguée ?
SOS Attentats effectivement a disparu en 2008 en raison d’un manque de soutien des pouvoirs publics qui estimaient que le dernier attentat contre les populations civiles sur le territoire Français remontait au 3 décembre 1996 (Port Royal). Les pouvoirs publics oubliaient le terrorisme basque, corse et les attentats commis contre les Français à l’étranger ; faisant également l’impasse sur les procédures judiciaires en cours, telles que celles concernant, le groupe Carlos, l’attentat du Drugstore Saint-Germain, le détournement d’un Airbus le 24 décembre 1994, etc. L’association la FENVAC qui s’occupe depuis 1994, de tous les accidents collectifs et catastrophes, a été sollicitée par les pouvoirs publics cet été afin d’étendre son champ d’application au terrorisme et afin de remplir le vide qu’avait laissé la disparition de SOS attentats. De mon côté, j’étais soumise à de nombreuses pressions de la part des victimes afin de continuer le combat que j’avais mené pendant 25 ans.
Le 23 décembre 1983, un attentat est commis au restaurant le Grand Véfour à Paris où vous dîniez avec votre mari pour fêter vos dix ans de mariage. Il y eut 12 blessés, dont vous-mêmes. Dans Triple peine (Calmann-Lévy) que vous aviez publié en 2004, on trouve un récit minutieux et pesant des circonstances de l'attentat et des premiers mois d'hôpital. Progressivement s'impose l'image d'une femme qui, de classe moyenne, après des études de droit et tenant une boutique de vêtements rue Caumartin, affronte un destin et sort alors de « l'ordinaire ». Choquée par l'absence de considération envers les victimes des attentats et l'absence de structure pour ces dernières, vous créez fin 1985 l'association SOS Attentats. Comment expliquez-vous que ce soit vous justement qui prit cette initiative ?
Les victimes du Drugstore Saint-Germain en 1974 prirent un avocat, mais elles se heurtèrent à un mur d’incompréhension du gouvernement de l’époque. Les victimes étaient alors totalement oubliées, seuls les dommages matériels étaient pris en compte. Et le mot terrorisme ne figurait pas dans notre droit français.
Venons-en maintenant aux attentats qui ont été perpétrés par Carlos, de son vrai nom Ilich Ramírez Sánchez. Ce militant marxiste et pro palestinien a été l’une des figures de proue de la lutte armée prônée par l’extrême gauche dans les années soixante-dix et quatre-vingt, comme Andreas Baader en Allemagne, ou Jean-Marc Rouillan en France, le Sud-Américain a pris par exemple en otage les responsables de l’OPEP à Vienne.
Or, Carlos ne regrette rien. Il ne renie pas son passé: il semble plutôt avoir intégré par strates successives des apports variés. Il se réclame aujourd'hui à la fois des enseignements "de la raison et de la foi" écrit-il: "l'islam et le marxisme-léninisme sont les deux écoles dans lesquelles j'ai puisé le meilleur de mes analyses", dit-il. Sa conversion à l'islam, en 1975, a d'abord été une simple démarche de solidarité à l'égard de ceux avec lesquels il combattait et pouvait à tout moment trouver la mort, une conversion de fraternité d'armes faite "un peu à la légère" (p. 24), reconnaît-il, mais il explique dans L’Islam révolutionnaire (2004) comment elle se serait transformée par la suite en adhésion plus réfléchie, ce qui lui fait placer maintenant ses espoirs dans justement dans ce qu’il appelle "l'Islam révolutionnaire." Contrairement à beaucoup de terroristes qui préfèrent éviter le terme ou le rejettent, Carlos l'assume sans hésitation, mais il le retourne: à ses yeux, le terroriste est un combattant comme un autre. "La qualification de terroriste et la réprobation morale qui s'y attache sont bien sûr uniquement réservées à ceux qui font le sacrifice de leur vie pour une cause qu'ils estiment juste et presque toujours avec des moyens rudimentaires, voire artisanaux" (p. 123). "Pourquoi les bombes de B52, les projectiles à l'uranium appauvri, les missiles antipersonnel, les roquettes air-sol, seraient-ils plus licites et moins terroristes que la ceinture d'explosifs de celui qui s'offre en sacrifice?" (p. 144).
Pour vous Carlos est-il un monstre ? Un tueur froid ? Un fou furieux ?
Carlos est un tueur, un criminel ! Il n’est pas un combattant, ni un résistant, mais plutôt un lâche et un mercenaire, s’attaquant aux populations civiles, non impliquées dans les actions dont il fait état dans le livre que vous citez. Il a abattu froidement des policiers désarmés et il va être jugé pour des actions ou son groupe aurait été impliqué. A l’instar de Bruno Dreguet et Mme kopp (son ex épouse et mère de son enfant), il manipulait des explosifs et des armes. J’ajoute qu’il avait en 82, menaçait la France afin d’obtenir la libération de ses deux compagnons (arrêtés par hasard sur les Champs-Élysées) après avoir tenté de tuer un vigile, dans un parking et qui avait été jugé le 22 avril 1982, jour de l’attentat de la rue Marbeuf.
Condamné par la justice française à la réclusion criminelle à perpétuité pour meurtres, initialement détenu à la maison d’arrêt de la Santé à Paris, il est toujours incarcéré. Aujourd’hui, le terroriste est jugé pour la première fois devant la Cour d’assises spéciale de Paris pour des attentats commis en France. Qu’attendez-vous de ce procès ? Quelle est la position de votre association ?
C’est la première fois que Carlos est jugé pour des actes de terrorisme contre des voyageurs, des passants, dans la rue, dans une gare. Je rappelle que la Cour d’assises de Paris est spécialement composée de magistrats professionnels, en raison des menaces exercées contre les jurés populaires lors d’un procès en 1986. Elle se prononcera donc sur la culpabilité éventuelle non seulement de Carlos mais aussi de ses compagnons.
S’il est condamné, ce sera votre dernier combat ? Ou bien, préparez-vous de nouvelles actions militantes, judiciaires ou médiatiques ?
En aucun cas, le combat contre Carlos et ses complices ne sera mon dernier combat. L’association est et sera partie civile dans toutes les procédures judiciaires en cours et à venir. Nous travaillerons à encore améliorer la prise en charge des victimes au moment des attentats, nous mènerons un combat judiciaire pour la vérité et la justice, les seules armes des démocraties pour affronter le terrorisme.
Pensez-vous ou craignez-vous que la France puisse être visée à l’avenir par des terroristes ?
Toutes les populations civiles, quelque soit le pays, peuvent être menacées par des actions terroristes et c’est pour cela que je me battrai pour abolir d’abord dans l’Union européenne, les frontières judiciaires qui datent du moyen-âge. Je pense que des crimes transfrontaliers qui ont été commis ou préparés sur le territoire d’un Etat de l’Union devront être instruits par un parquet européen et ils devront être jugés dans un pays membre de l’Union et là, les extraditions devraient être automatiques. On n’extrade pas un criminel entre Paris et Lyon, pourquoi ne pas permettre l’extradition d’un terroriste entre Paris et Berlin ?
Et dernier point, au plan international, je pense que la Cour pénale internationale et des tribunaux ad hoc devraient permettre de juger ceux qui financent, soutiennent et fournissent la logistique, ainsi que ceux qui commettent des actes de terrorisme, afin d’éviter les exécutions extrajudiciaires telles que celles de Ben Laden et de Kadhafi. Je suis fondamentalement hostile à la peine de mort, quelque soit la gravité du crime commis.
Propos recueillis par Marc Knobel
Photo (Françoise Rudetzki) : D.R.