L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a publié mardi 8 novembre 2011 un rapport très critique faisant état d'informations crédibles indiquant que l'Iran a travaillé à la mise au point de l'arme atomique, malgré ses dénégations. Bruno Tertrais est maître de recherches à la Fondation pour la recherche stratégique. Il explique à 20Minutes pourquoi la communauté internationale aurait pu faire preuve de plus de sévérité dès le début de l'affaire.
Avez-vous été surpris par le contenu du rapport publié par l’AIEA et faisant état d’informations crédibles démontrant que l’Iran a travaillé à la mise au point de l’arme atomique?
J’ai été impressionné par l’ampleur et le niveau de détail du rapport. C’est un rapport très détaillé, sans doute le plus détaillé qui ait jamais été publié sur un pays membre du Traité de non prolifération nucléaire (TNP).
Les pressions de certains pays tels que la Russie et la Chine sur l’AIEA pour infléchir le rapport vers moins de sévérité n’ont donc pas été efficaces…
Elles ont même été contreproductives, puisqu’en réaction l’AIEA a avancé de 24 heures la publication du rapport. L’Egypte aussi a tenté d’infléchir à la baisse le contenu du rapport. Je note d’ailleurs une étrange connivence entre l’Egypte et l’Iran sur ces questions…
Israël est-elle, comme croyait le savoir la presse la semaine dernière, sur le point d’attaquer certaines installations iraniennes?
Il faut distinguer deux choses: d’un côté, les rumeurs autour de débats qui auraient cours au sein du gouvernement israélien, et, de l’autre, les déclarations du Président Shimon Peres ce week-end, visant à mettre une pression maximum sur la communauté internationale pour régler cette crise. Israël se réserve sans aucun doute la possibilité d’intervenir, mais rien n’indique qu’on est à la veille d’une telle opération.
On va donc vers un nouveau régime de sanctions contre l’Iran, qui est déjà sous le coup de six résolutions des Nations unies, dont quatre assorties de sanctions économiques et financières?
Oui, des sanctions accrues qui s’inscrivent dans un processus de longue durée. C’est le seul moyen efficace pour ralentir les recherches nucléaires de l’Iran. Sur le long terme, c’est aussi le seul moyen pour discréditer, aux yeux de sa population, le régime en place.
Pensez-vous que la communauté internationale aurait dû réagir plus tôt et plus fermement?
Sans doute. Les premières sanctions, décidées en décembre 2006, auraient pu faire preuve de plus de sévérité. Je crois que dans cette affaire, la Russie et la Chine ont fait preuve d’obstruction plus que de construction. Si on avait pris les décisions qu’il fallait dès 2003, on n’en serait sans doute pas là aujourd’hui parce que le programme en est à un tel point de maturité qu’il devient très difficile de l’arrêter.
Pourtant, aux Etats-Unis, certains croient savoir que l’Iran n’a pas la volonté d’aller jusqu’au bout?
Personne n’en sait rien. Et personnellement je doute fort que l’Iran s’arrêtera au seuil de l’arme nucléaire. Pourquoi? Parce que lorsque l’on est si près du but, il est trop tentant d’aller au bout.
Vous pensez qu’Obama a fait preuve de naïveté au début de son mandat avec sa politique de main tendue à l’adresse de l’Iran?
Oui je crois qu’il a péché par excès de naïveté, et cela a permis à Téhéran de gagner du temps.
Propos recueillis par Armelle Le Goff.
Photo (Bruno Tertrais) : D.R.
Source : 20 minutes