"Niemand will sie !", littéralement "Personne n’en veut !", titrait ironiquement en parlant des Juifs, le Völkischer Beobachter, hebdomadaire allemand au service de la propagande hitlérienne. Il se gargarisait alors de l’échec cuisant de la Conférence d’Evian, décidée en 1938, en vue de statuer sur le sort des émigrés juifs.
Réunis à l’instigation du président Roosevelt, les 32 pays convoqués - parmi lesquels figuraient les présumés porte-paroles des valeurs démocratiques (France, Royaume-Uni et Etats-Unis) - se réfugièrent tous derrière un discours politiquement correct qui se traduisit dans les faits par des mesures protectionnistes et nationalistes.
Curieusement, seule la République Dominicaine répondit favorablement à l’appel lancé et promit d’accueillir au moins 100 000 juifs. Curieusement en effet, car le dictateur Trujillo à la tête du pays depuis huit ans est davantage connu pour ses exactions que pour ses élans philanthropiques. Cette décision était avant tout motivée par des intérêts géopolitiques et économiques : restaurer son image sur la scène internationale, largement ternie par le massacre de milliers de Haïtiens en 1937, et participer à l’essor du pays par l’apport d’un capital humain qualifié. Les accords politiques passés entre les responsables dominicains et américains conduisirent à l’élaboration du plan DORSA (Dominican Republic Settlement Association), qui eut en charge l’installation des réfugiés dans la ville de Sosúa au nord de l’île.
C’est donc au travers d’un support original, celui du web-documentaire, qu’Emmanuel Clemenceau et Adrien Walter, ont traité l’histoire de ces populations déracinées. Ainsi que le confie Adrien Walter, l’attention a été davantage portée sur la rencontre entre les Juifs et les Dominicains que sur l’arrière-plan socio-historique de cet évènement. Si les images insistent sur la réussite humaine de cette opération – intégration, mariages mixtes, etc. – la partition géographique actuelle de la ville de Sosúa, entre le quartier juif El Batey et le quartier dominicain Los Charimicos, questionne sur l’héritage et l’avenir de ces liens noués au milieu du siècle dernier.
(Article de Christine Pignarre, paru dans le Monde des religions le 7 juillet 2011)
Photo : D.R.