Chronique du dialogue Judéo-chrétien - Qu'est-ce que l’Amitié Judéo Chrétienne de France ?

Un bref historique

L’Amitié Judéo-chrétienne de France est avant tout une aventure, un pari né d’une solitude. Celle de l’historien français Jules Isaac. Juif, il est empêché dès 1940 de pratiquer sa profession d’inspecteur général ; Juifs, sa fille son gendre sa femme et son fils sont déportés à Auschwitz en 1943.

Dès lors, Jules Isaac va continuer de se consacrer aux causes de l’antisémitisme, sujet sur lequel il s’était déjà impliqué notamment à travers son amitié avec Charles Peguy. 

Dans son ouvrage publié en 1947 « Jésus et Israël » il dénonce l’enseignement du mépris pour inviter à un enseignement de l’estime.  Les 18 propositions qu’il émit furent reprises en 1947 à Seelisberg en Suisse, lors d’une conférence internationale et sur laquelle nous reviendrons dans une prochaine chronique 

Au lendemain de la Shoah, il était fondamental de s’interroger sur les conséquences de cet enseignement pluri millénaire de l’Eglise du juif perfide et décide.  Durant l’année 1948, il crée avec son ami Edmond Fleg l’Amitié Judéo-chrétienne de France dans la perspective de pointer ce qui dans le christianisme empêche quasiment toute relation avec les Juifs. Ils sont entourés dans cette entreprise par le Grand Rabbin Jacob Kaplan, Henri-Irénée Marrou et Jacques Madaule (catholiques), Fadiey Lovsky et Jacques Maritain (protestants).

Nous retrouvons dans l’Article 2 de ses statuts de l’AJCF la ligne de conduite fixée et sur laquelle repose la pérennité de l’association. Cet article fondamental souligne l’importance d’une rencontre dans le respect et la connaissance de l’identité de l’autre et rejette de manière catégorique toute forme de syncrétisme :  

Cette Fédération a pour tâche essentielle de faire en sorte qu'entre Judaïsme et Christianisme, la connaissance, la compréhension, le respect et l'amitié se substituent aux malentendus séculaires et aux traditions d'hostilité. Elle œuvre non seulement pour que soit éradiqué l'antijudaïsme ancestral, mais aussi pour que Juifs et Chrétiens aident, par une présence civique et spirituelle, la société moderne à s'orienter. § 2 - Elle veut, en particulier, par un dialogue fraternel et par une coopération active et amicale, travailler à réparer les iniquités dont les Juifs et le Judaïsme sont victimes depuis des siècles et à en éviter le retour. Elle combat l'antisémitisme, le racisme et toute haine des autres cultures et religions. § 3 - Elle exclut de son activité toute tendance au syncrétisme et toute espèce de prosélytisme. Elle ne vise aucunement à une fusion des religions et des Églises. Elle ne réclame de personne aucune abdication ou renoncement à ses croyances ; elle n'exige ni n'exclut aucune appartenance religieuse ou idéologique. Mais elle attend de chacun, dans la conscience de ce qui distingue et de ce qui unit Juifs et Chrétiens, et dans un total respect réciproque, une entière bonne volonté, une totale loyauté d'esprit dans la recherche, l'étude des textes et traditions respectifs, en même temps qu'un rigoureux effort de vérité.

L’AJCF aujourd’hui 

L’actuel et 9ème Président de l’Amitié Judéo-chrétienne de France, Jean-Dominique Durand est un universitaire, historien, chercheur, en histoire religieuse, qui a été aussi d’enseignant, dans le secondaire puis à l’Université. Il est aussi fort d’une expérience diplomatique comme conseiller culturel de l’Ambassade de France près le Saint-Siège et directeur d’un centre culturel français à l’étranger.

Elu le 22 novembre dernier il s’inscrit totalement dans la lignée de ces prédécesseurs. Dans son discours de prise de fonction il a souligné notamment le rôle éminent à jouer pour l’AJCF « dans la lutte contre la haine et l’antisémitisme, à travers le dialogue et la connaissance mutuelle dans le respect réciproque, mais en en portant les fruits aussi en dehors de l’association, afin de toucher celles et ceux qui en sont éloignés. » et l’importance  « des relations avec les organisations juives, confessionnelles ou laïques, avec les Églises chrétiennes et sur le plan international, mais aussi avec les pouvoirs publics et avec les associations porteuses de dialogue interreligieux »

Pour cela il peut s’appuyer son comité directeur fort de 24 membres, Juifs et chrétiens (catholiques, protestants et orthodoxes) et des 40 groupes locaux qui maillent le territoire.

L’AJCF c’est aussi une revue, la revue SENS qui est la référence en matière de publication régulière sur le dialogue entre Juifs et Chrétiens. Dirigée par l’excellent Yves Chevalier, SENS est une mine de ressources et de connaissance. Publiée tous les deux mois elle propose réflexions, discours, recensions d’ouvrage. SENS est un outil indispensable qui s’adresse tant à un public averti que novice. La lecture de SENS peut être une excellente entrée en matière pour s’investir dans le dialogue entre Chrétiens et Juifs.

Vous trouverez sur le site de l’AJCF tous les éléments pour vous abonner à la revue et bien sûr retrouver toutes les informations nécessaires pour rejoindre cette aventure extraordinaire en rejoignant un des 40 groupes locaux. 

Il n’est nul besoin d’être théologien, encore moins exégète ni même croyant ! Nos traditions et nos identités sont différentes mais nous avons une croyance commune : nulle autre voie que celle du dialogue.

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Stéphanie Dassa, Directrice de projets

En charge des activités de la commission du Crif des relations avec les Chrétiens

Membre du Comité directeur de l’AJCF