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Publié le 9 Février 2016

Commémoration de la Rafle de la rue Sainte Catherine

"Résistons tous, dans la dignité, afin que les barbares de ce nouveau totalitarisme ne deviennent qu’une ligne dans nos manuels d’histoire"

Discours de Nicole Bornstein, Président du CRIF Auvergne - Rhône-Alpes
Dimanche 7 février 2016
(En illustration, Nicole Bornstein, le Maire de Lyon, Gérard Collomb et les lycéens qui ont participé à la cérémonie)
 
"Ce début d’année 2016 a clôturé toutes les cérémonies qui devaient marquer après 70 ans, la fin de la dernière guerre et l’apaisement entre les belligérants dont l’aboutissement a été une volonté commune de construction de l’Europe.
 
Chacun, à sa place, en France, en Allemagne, en Pologne et ailleurs, s’est investi dans des cérémonies qui célébraient ce tournant de l’histoire.
 
Ici même, l’an dernier, en ces lieux, le moment d’émotion fut porté à son paroxysme avec la prise de parole exceptionnelle de Robert Badinter.
 
 Robert Badinter dont la vie, ce 9/02/43, allait être à jamais amputée par la rafle et la disparition d’un père – cicatrice indélébile – Robert Badinter qui s’était promis de garder le silence chaque fois qu’il venait se recueillir ici mais qui, après la terrible semaine de janvier 2015, a considéré qu’il en allait de son devoir de témoigner
Cette rafle n’est qu’une rafle parmi tant d’autres qui, en France et en Europe, de 1939 à 1945, ont abouti à l’extermination de 6 millions de juifs.
 
Quand les nazis ont conçu leur projet criminel d’éliminer tous les juifs d’Europe, ils se sont, dans le même temps, attaqués à toutes les valeurs constitutives de nos démocraties, la tolérance, la fraternité, l’égalité des droits et donc bien sûr à tous ceux qui portaient et défendaient ces valeurs.
 
Juifs et non juifs, tous ont été victimes par millions, victimes du projet nazi d’imposer sa Chappe à l’Europe.
 
-Si l’usage des gaz a été réservé à l’élimination des juifs et des tziganes, ce sont des balles de même facture qui ont fauché les juifs lors de la shoah par balles, et qui ont abattu des résistants de France et d’ailleurs.
 
-Ce sont les fils barbelés sortis des mêmes usines, qu’ils encerclent les camps de concentration, ou qu’ils enferment les camps d’extermination.
 
Détestation des juifs et détestation de la démocratie par le totalitarisme nazi ont participé d’un même élan.
 
Lors des commémorations, qu’elles soient locales – et elles sont nombreuses dans notre Métropole car Lyon a payé d’un lourd tribu son titre de capitale de la résistance, - ou qu’elles soient nationales, l’usage est d’honorer les morts avec, dans le même temps, la tentative d’en tirer des leçons pour le présent !
 
Tour à tour, on y entend des avertissements vibrants, des cris d’alarme…comme des «  plus jamais ça… » Ou des «  prenons garde au risque fasciste »…, risque bien illustré dans les années 70-80 par l’apparition sur la scène politique de l’extrême droite et par l’émergence des théories négationnistes, théories encore malheureusement bien présentes à en juger par les tags répétitifs de dénies portés sur cette plaque et que les services de la mairie s’évertuent à effacer, ce dont nous les remercions. 
 
Pendant des années s’était ainsi installé un certain rituel, une sorte de consensus confortable désignant un ennemi, bien sûr justifié, mais un ennemi qu’on aimait bien avoir comme ennemi !
 
Rappelons-nous la condamnation unanime de l’attentat de la rue Copernic en 1980, attentat dont on soupçonnait d’abord que l’origine était l’extrême droite, jusqu’à ce que l’on découvre que les assassins venaient du proche orient !
 
De même, après la profanation du cimetière de Carpentras où tous partis confondus, main dans la main, manifestaient contre un même ennemi commun, l’extrême droite !
 
Pendant ce temps, alors que le totalitarisme communiste post stalinien se fissurait, puis s’effondrait, un totalitarisme d’un nouveau genre prenait peu à peu son essor après la révolution iranienne.
De même que l’Europe du 20 iè siècle avait enfanté ses monstres totalitaires, au 21 iè siècle, les dérives de l’islam enfantaient leur propre monstre, dénommé par les uns djihadisme, ou par les autres islamisme radical, ou encore islamo-fascisme. 
 
Alors aujourd’hui, rassemblés devant cette plaque de la rue Ste Catherine, plaque qui témoigne du totalitarisme nazi, quel message délivrer à notre jeunesse, à ces collégiens ?
 
D’abord, je souhaite cette année encore les remercier de leur présence, du travail qu’ils ont mené sur ce sujet difficile avec leur professeur, et bien sûr remercier le proviseur et toute l’équipe enseignante du Lycée Ampère pour leur investissement et la fidélité qui nous lie.
 
Au début, venaient se recueillir chaque 9 février au n° 13 de la rue Ste Catherine resté longtemps anonyme pour nombre de nos concitoyens, les survivants, puis les survivants et leurs enfants, puis leurs enfants et petits-enfants, leurs épaules chargées de ce lourd patrimoine…
 
Mais ces dernières années, confrontés à la disparition progressive des témoins de cette histoire, face au négationnisme rampant  et face à l’insidieuse montée de tous bords du racisme et de l’antisémitisme, des voix se sont élevées, des volontés se sont manifestées et l’éducation nationale s’est engagée pour contribuer à la lutte contre ces fléaux.
 
De commémoration en commémoration, de mémorial en mémorial ont été réunis des enfants, des jeunes de France et d’ailleurs, tous invités à partager ce lourd fardeau.
 
Car ce sont ces jeunes, vous, qui êtes notre priorité.
 
-Parce que parmi les 6 millions de juifs exterminés pendant la shoah, il y avait 90% des enfants juifs d’Europe qui ont disparu et qu’aujourd’hui, les criminels mus par l’idéologie de l’islam djihadiste ont visé des enfants ou des jeunes tout juste sortis de l’enfance.
 
Souvenons-nous d’Ilan Halimi, il y a juste 10 ans, les enfants de l’école juive de Toulouse et combien de jeunes parmi les victimes du 13 novembre 2015 attablés aux terrasses de cafés et écoutant un concert de rock !
 
-Je m’adresse à vous lycéens,  car hier les juifs pris dans la nasse du 13 de la rue Ste Catherine étaient précisément venus chercher à «  l’union des israélites de France » l’UGIF, des refuges pour leurs enfants et qu’aujourd’hui, des centaines d’enfants meurent noyés, car fuyant la Syrie avec leur famille et fuyant la barbarie de l’état islamique.
 
-Je m’adresse à vous lycéens parce qu’hier, parmi les nervis de la milice, auxiliaires zélés de la gestapo, il y avait des adolescents embrigadés, adolescents séduits par une idéologie  éradicatrice. Jouant de manière perverse avec leurs frustrations et leur ressentiment, en faisant, par ailleurs, valoir l’ordre, la puissance, la revanche.
 
Or aujourd’hui, l’idéologie perverse de l’islamisme radical joue des mêmes ressorts, recrute parmi les enfants, parmi nos enfants pour, sans état d’âme, les employer pour les basses besognes, en particulier les filles, pour les dresser en enfants terroristes porteurs de Kalachnikov, de couteaux, de ceintures explosives…
 
-Je m’adresse à vous lycéens, futurs électeurs.
Hier Le nazisme a mis le pied dans la démocratie par le biais des urnes en tenant un discours populiste désignant comme cause des problèmes sociétaux de l’Allemagne des boucs émissaires faciles
Aujourd’hui, n’écoutez pas les sirènes trompeuses de l’extrême droite susurrant la même mélodie.
 
Malheureusement, nous venons de voir lors de ces dernières élections, trop de jeunes électeurs y succombaient ! Extrême droite, premier parti des moins de 30 ans…
 
-Hier trop de nos responsables politiques ont laissé grossir le monstre du nazisme 
 
-Ils n’ont rien fait quand Hitler a occupé la Rhénanie
 
-Ils n’ont rien fait quand Hitler s’est réarmé
 
-Ils n’ont rien fait quand il a occupé la Tchécoslovaquie
 
-Ils n’ont rien fait pour aider la république espagnole en proie au fascisme de Franco soutenu par Hitler
 
-Ils n’ont rien fait lors de l’Anschluss avec l’Autriche
Quand Hitler a envahi la Pologne, c’était trop tard…
 
Il ne s’est écoulé que 6 ans entre la prise de pouvoir légale par les nazis et leur déferlement sur l’Europe !
 
Alors notre message aujourd’hui est que tout doit être fait pour endiguer le monstre qui nous veut du mal, avant qu’il ne soit trop tard.
 
Trop de victimes sont déjà à son palmarès : Juifs, chrétiens, musulmans, athées, nous sommes tous sur le même bateau !
 
Dans les années trente, les antimilitaristes semaient la confusion en désignant l’armée comme ennemi, alors qu’en face se profilait la menace hitlérienne.
 
Certains d’entre eux devinrent sous Vichy de grands collaborationnistes !
 
Aujourd’hui, il en est qui veulent faire passer les dispositions exceptionnelles assurant notre sécurité pour des lois de même nature que celles de Vichy.
 
A ces écologistes de salon, à ces générateurs de confusion on pourrait suggérer que le régime de Vichy était un grand parti écologiste puisqu’il prônait le retour à la terre.
 
Pendant ces années noires où les assassins régnaient en maîtres, certains résistaient au péril de leur vie.
 
Aujourd’hui, le péril n’est heureusement pas le même car nous avons toute la puissance d’un pays démocratique et de toutes ses composantes républicaines qui font front devant la menace.
 
C’est pourquoi c’est à vous jeunes que nous adressons nos discours pour que, gardiens de notre mémoire, vous saisissiez à votre tour le flambeau de la résistance face aux nouveaux dangers.
 
-Résister aux attraits mensongers des réseaux sociaux qui font la promotion des idéologies barbares
 
-Résister aux théories du complot
 
-Résister aux prédicateurs qui, sous couvert de religion, sont des recruteurs prédateurs
 
-Résister aux idéologues beaux parleurs, invités des plateaux télévisés pour faire du buzz et de l’audimat 
 
-Résister aux pseudos humoristes provocateurs de rires gras à l’évocation de crimes contre l’humanité
 
-Résister à ceux qui se délectent à exacerber les défauts de notre démocratie, jusqu’à la faire détester !
 
Il y a 73 ans une part d’un crime contre l’humanité s’est produit ici.
Un an et demi plus tard, Lyon vivra sa libération avec l’aide de la résistance.
 
Les démocraties finissent toujours par gagner et pour reprendre la formule de Lucie Aubrac, grande figure de la résistance Lyonnaise, : « le mot résister doit toujours se conjuguer au présent ».
 
Alors résistons tous, dans la dignité, afin que les barbares de ce nouveau totalitarisme et leurs supporters, ceux qui veulent mettre à genoux notre démocratie, ne deviennent qu’une ligne dans nos manuels d’histoire et que nous puissions travailler, penser, prier, lire, dessiner, aimer, se distraire en toute liberté, enfin vivre tout simplement…"