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Publié le 11 Décembre 2019

Crif - Au lendemain des élections, cet antisémitisme qui a gravement entaché le Labor en Angleterre

Il ne se passe pas une journée, sans que les accusations d’antisémitisme au sein du Labour ne viennent entacher de honte ce parti politique, en Grande-Bretagne. Pire, ces accusations sont si nombreuses, si récurrentes, si montrées et démontrées, qu’elles empoisonnent (et pour cause) le Parti travailliste depuis de nombreuses années.

Cet article a initialement été publié dans la newsletter du 11 décembre 2019 (quelques jours avant le scrutin).

Par Marc Knobel, Historien, Directeur des Etudes au Crif

C’est ainsi que près d’un millier de plaintes pour antisémitisme ont été déposées par des militants au sein du département chargé des plaintes et des conflits au Labor. Elles s’accumulaient au printemps 2019. Mais, sur ce millier de plaintes, seulement quinze personnes ont été exclues du parti. D’autres ont choisi de quitter le labour de leur plein gré. Pire encore, ceux et celles qui ont été victimes d’insultes antisémites et qui critiquent le parti, continuent de recevoir des insultes.

Les dénégations prudentes et timorées de Jeremy Corbyn ne font rien et n’y feront rien, sûrement. Il ne suffit pas platement/timidement/maladroitement de condamner l’antisémitisme, pour être crédible. Il ne suffit pas de déclarer que l’on voudrait le combattre, que ce n’est pas bien, que c’est mal, qu’il ne faut pas, qu’il faudrait… on ne sait quoi, d’ailleurs.

Il importe que ce parti et son dirigeant (en premier lieu) se livrent à un VRAI examen de conscience et qu’ils posent les justes questions.

Disons-le ouvertement, la gauche du Labor a décrété qu’Israël pourrait être l’ennemi du genre humain, les « sionistes » sont érigés en figure de l’ennemi absolu. Ces simplifications abusives et monomaniaques et cette hystérisation folle sont teintées d’antisémitisme. Précision utile cependant, ce n’est pas la critique d’une politique que nous pointons ici du doigt, étant ordinairement du registre du débat démocratique, bien évidemment. Tout le monde peut avoir un avis sur le conflit et l'exprimer. Non, ce que nous visons ici c'est l’hystérisation.

D’ailleurs, comment et pourquoi au nom d’un propalestinisme aveuglé et combattant, les militants de la gauche du Labor sont-ils arrivés ainsi à tant détester Israël ? 

Le philosophe Pierre-André Taguieff l’explique fort bien. Que dit-il à ce sujet ? « La « cause palestinienne », ainsi absolutisée, est devenue la cause commune de tous les extrémismes. Une cause mythique, fantasmée comme celle du « peuple-martyr » par excellence (1). » C'est ainsi que nous pensons que cette cause est érigée (par cette gauche-là) en absolu du vrai, du juste, du bien. Elle devient une croyance (religieuse?). Inversement, Israël possèderait tous les attributs négatifs, toutes les références hostiles, caricaturales à l’excès, abusives, démoniaques. Au palestinisme qui représenterait ainsi la « sainte » vertu, on opposerait -dans cette gauche-là- Israël et l’impérialisme américano-palestinien, qui seraient/constitueraient de facto, l’incarnation du mal absolu, de la déshumanisation. 

Cette vision absurde -d’un conflit par ailleurs compliqué- se caractérise par sa bêtise, ses incantations idiotes, ses raccourcis simplistes, ses accusations paranoïaques. S’ajoute à cela le fait que certains mettent l’accent sur une sorte de dénonciation du « pouvoir juif » dans les sociétés libérales. Le stéréotype antisémite n’est pas loin, il est même évident. Ressurgissent également dans les accusations, les théories du complot.

En août, Jeremy Corbyn avait reconnu que le Labor connaissait un « réel problème » d'antisémitisme, en publiant une tribune dans The Guardian (2). Mais, le parti serait-il quelque part à son image ? Car, celui qui en est à sa tête, s'est montré hostile à de nombreuses reprises. 

En 2014, Jeremy Corbyn se recueillait dans un cimetière de Tunis, une gerbe de fleurs à la main. Ce qui, à première vue, ne posait aucun problème. Sauf que, le leader du parti travailliste était alors en train de se recueillir sur la tombe des membres de Septembre noir, le groupe terroriste palestinien qui avait pris en otage des athlètes israéliens aux Jeux olympiques de Munich, en 1972. Et, le député Corbyn, au cimetière, se trouvait à côté de Maher al-Taher, membre du Front populaire de libération de la Palestine, à l'occasion de la même cérémonie dans ce cimetière. C'était un mois avant que le FPLP ne revendique l'assassinat de quatre rabbins dans une synagogue de Jérusalem (3).

En 2015, le leader politique parraine la Palestine Solidarity Campaign, un collectif qui prône entre autres le boycott des produits israéliens.

En 2016, Jeremy Corbyn avait tardé à exclure du parti l’ancien maire de Londres, Ken Livingstone, qui avait affirmé à la radio qu’Hitler « soutenait le sionisme. » A la même époque, on apprenait que Corbyn apportait son soutien à une artiste de rue dont l’œuvre comportait des symboles antisémites, dans une ancienne de ses publications sur Facebook, en 2012.

A ce niveau-là de médiocrité, ce ne sont plus des excuses que le Labor doit présenter. Il doit balayer devant sa porte.

 

Notes :

1. Pierre-André Taguieff, « L'émergence d'une judéophobie planétaire : islamisme, anti-impérialisme, antisionisme », Outre-Terre, 2003/2, n° 3, pp. 189 à 286.

2. https://www.dailymail.co.uk/news/article-6065261/Corbyn-shared-platform-Palestinian-group-murdered-British-rabbi.html

3. https://www.theguardian.com/commentisfree/2018/aug/03/jeremy-corbyn-antisemitism-labour-party

 

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