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Publié le 17 Décembre 2018

Crif en régions - Le Crif Auvergne Rhône-Alpes a reçu Frédéric Potier

Rencontre-déjeuner du Crif Auvergne Rhône-Alpes avec Monsieur Frédéric Potier (Délégué Interministériel à la Lutte contre le Racisme et l’Antisémitisme et la Haine anti-LGBT)

Mardi 27 novembre 2018, le Crif Auvergne-Rhône Alpes recevait Frédéric Potier, préfet en mission de service public et Délégué Interministériel à la Lutte contre le Racisme, l’Antisémitisme et la Haine anti-LGBT (DILCRAH), pour un déjeuner-débat à l’Espace Hillel.

En présence d’une cinquantaine d’invités, Nicole Bornstein a accueilli chaleureusement M. Frédéric Potier et introduit cet échange en posant les problématiques de l’antisémitisme croissant dans le monde et plus particulièrement en France. Les actes antisémites sont en très forte hausse, plus 69%, sur les neuf premiers mois de l’année 2018.

Triste constat que Frédéric Potier a repris en informant de la volonté, au plus haut sommet de l’État, de ne pas mettre un voile sur cette réalité inquiétante, délivrée le 9 novembre 2018, pénible « jour anniversaire », des 80 ans de la nuit de Cristal. De surcroît, cette forte poussée d’antisémitisme, commune à d’autres pays comme l’Allemagne, la Hongrie ou les Etats-Unis, frappés récemment par l’attentat de Pittsburg, contraste avec la stabilité des actes racistes.

Pour « lutter contre la haine », expression que le préfet a faite sienne, et combattre le fléau  de l’antisémitisme d’extrême droite, d’extrême gauche et de l’islamisme radical, Frédéric Potier a décliné sa politique d’action, présentée en mars 2018, dans le cadre du second plan piloté par la DILCRAH. Elle mobilise l’ensemble des ministères afin de mener quatre combats prioritaires : lutter contre la haine sur internet ; éduquer contre les préjugés et les stéréotypes ; mieux accompagner les victimes ; investir de nouveaux champs de mobilisation (gouvernement.gouv). Dans cette optique, sans langue de bois, Frédéric Potier a décliné le triptyque:

orientations- moyens - perspectives , en cours de réalisation.

Tout d’abord, c’est avec patience et persévérance, qu’il faut répondre à l’océan de haine diffusé sur Internet en instaurant des outils juridiques qui contrôlent ou interdisent certains sites comme le fait l’Allemagne. Le site « Démocratie participative » connu pour être un site antisémite, raciste, homophobe fait actuellement l’objet d’une procédure judiciaire. Malgré une coopération difficile avec les Usa qui hébergent le site, le procureur de Paris va essayer de bloquer l’accès a ce site.

La DILCRAH sensibilise également les plates-formes, Facebook, Twitter, You tube etc., au danger d’une liberté totale de diffusion. Pour Frédéric Potier, le volet Internet est certes un champ d’action vaste mais qui ne nous condamne pas à l’impuissance. La loi, la régulation et les sanctions sont opérationnelles à l’échelle nationale ; la co-régulation et les modérations sont à approfondir à l’international. « Mais le travail ne fait que commencer et le chemin de longue haleine sera chaotique » conclut le préfet.

Ensuite, au cœur de la lutte contre l’obscurantisme et la haine, l’École fait d’une attention toute particulière. Une équipe nationale, copilotée par l’Éducation nationale et la DILCRAH s’est donnée pour mission d’agir aux cas de harcèlement en intervenant dans les établissements scolaires. Cette équipe composée de spécialistes (historiens, sociologues, juristes etc.) tente d’apporter des réponses pédagogiques personnalisées à des situations, qui dépassent les enseignants. Un dispositif qui se veut opérationnel dans les plus brefs délais mais qui n’empêche pas encore la désertification de l’École laïque par les élèves juifs qui font quotidiennement l’objet de menaces ou de violences!  Face aux difficultés d’enseigner la Shoah la DILCRAH préconise, sur les conseils du Mémorial de la Shoah, d’utiliser le levier de l’histoire des génocides ce qui permet d’élargir le spectre historique et de dire qu’a chaque fois ce sont des hommes, des mécanismes sociaux et culturels qui sont à l’œuvre, avec des logiques différentes, sans enlever la spécificité de la Shoah.

Autre mesure éducative en direction des jeunes, le prix « Ilan Halimi » , initialement décerné dans le département de l’Essonne, pour lutter contre les préjugés racistes et antisémites, va devenir un prix national remis par le Premier ministre en février 2019 (date anniversaire de l’assassinat ( en accord avec la famille).

Enfin, dans l’enseignement supérieur avec la progression d’expressions et incidents antisémites inquiétants, la Ministre Frédérique Vidal s’est montrée intraitable. La DILCRAH en partenariat avec l’UEJF intervient devant les étudiants.

Le public d’adultes, dans la sphère du travail, notamment dans la fonction publique est aussi une priorité. Il bénéficie de formations continues afin de palier la méconnaissance du judaïsme qui est un des facteurs aggravants de l’antisémitisme.

L’urgence de la mise en place de ces mesures nécessite des partenariats avec les collectivités territoriales afin de tisser des réseaux d’action efficaces. Au niveau départemental, c’est le cas du comité opérationnel de lutte contre le racisme et l’antisémitisme (CORA). Présidée par le préfet, cette instance permet des débats entre les acteurs associatifs, institutionnels, la Police, la Justice, l‘Éducation nationale, parfois même les Cultes, afin d’aboutir à des propositions d’actions concrètes.

Pour mener ces projets, la DILCRAH a fait le choix de la proximité en permettant aux préfets, qui disposent d’une enveloppe de 2 millions d’euros, d’identifier et de financer les actions les plus pertinentes. Les énergies locales, nombreuses et vivaces, sont ainsi soutenues par l’État.

Dans une convivialité partagée, les questions posées au préfet ont abordé tous les axes du plan gouvernemental de lutte contre le racisme et l’antisémitisme. Elles ont soulignées les mutations géographiques et la paupérisation des Juifs qui n’ont d’autres choix que de quitter certains quartiers, elles ont pointé du doigt le sort de Georges Bensoussan, le cas d’enseignants qui tiennent des propos négationnistes ou des maires qui accrochent le drapeau palestinien sur les murs de la mairie ou font citoyens d’honneur de leur ville, des condamnés palestiniens en Israël pour crime de sang etc.

Frédéric Potier a tenté d’apporter des réponses appropriées à chaque question, en rappelant que l’Etat fait ce qu’il faut, et que sa mission est d’apporter des outils de base, des moyens concrets pour lutter contre  ce racisme et cet antisémitisme

C’est sur une note positive que Frédéric Potier a conclu son propos en citant Christiane Taubira : « sachons reconnaître nos victoires et sachons s’en délecter », afin de mesurer le chemin qu’il reste à faire et de se mobiliser sans baisser les bras. Si l’inquiétude est réelle face à la « tenaille identitaire » (Gilles Clavreul) qui ne cesse de se resserrer menaçant la concorde républicaine, tous les acteurs locaux qui agissent pour faire front à la haine doivent persévérer. Le CRIF ARA a confirmé sa ferme volonté de travailler étroitement avec la DILCRAH.