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Par Marc Knobel
Photo : Des migrants emmenés dans un centre de détention en Libye © MAHMUD TURKIA / AFP/ MAHMUD TURKIA
L’esclavage moderne touchait près de 45 millions de personnes dans le monde en 2016, selon une étude de l’ONG australienne Walk Free fondation menée en collaboration avec l’Organisation mondiale du travail (OIT) (1). Par ailleurs, un reportage met tristement en lumière ce qui se passe en Libye.
Avant ?
Sur la peau de l’Homme asservi, de par sa couleur de peau, pour le simple fait qu’ils fussent noirs et que l’Homme soit devenu ainsi comme un bétail dont les sales négriers pouvaient avoir droit de vie et de mort… Les esclaves étaient entassés justement comme du bétail, ils étaient inspectés comme on inspecterait des animaux dans une foire, minutieusement. Ils pouvaient être marqués au fer rouge, comme on marquerait des bêtes. Puis, ils étaient enchaînés, deux à deux, alignés pour en caser le plus possible et c’est ainsi qu’ils effectuaient la longue traversée, le voyage sans fin. Ils étaient nus dans les cales et dans le froid pour éviter la vermine et réduire le taux de mortalité, probablement dû au scorbut. Malgré le temps, nous pouvons imaginer la peur de ces gens, la souffrance, les visages qui pleuraient.
Aujourd’hui ?
Dernièrement, des reporters de la chaîne américaine CNN ont été témoins d’une scène dramatique non loin de la capitale, Tripoli : une vente aux enchères d'êtres humains réduits au rang d’esclaves. « Une douzaine de personnes défilent pour être vendues en l'espace de quelques minutes", détaille le communiqué de CNN (2). Que voit-on ? Plusieurs africains, ils sont debout, les uns à côté des autres. On aperçoit à l’écran, un bras et des doigts qui désignent ces hommes. On entend distinctement la voix d’un homme qui parle en langue arabe : « 400 dollars ? » « Qui a besoin d’un mineur ? C'est un mineur, un grand homme fort, il va creuser », dit un vendeur habillé en tenue de camouflage, devant de jeunes hommes au regard hagard. L’enchère -car il s’agit bien d’une enchère- monte, elle prend. L’esclavagiste augmente son prix: « 700 ? 800 dinars libyens ? ». Même scène ailleurs, devant une maison, la nuit. La vente s’affole ; « 450 ? 500 ? 550 ? 600 ? 700 dinars libyens ? » Les enchères montent jusqu’à 1 200 dinars libyens, d’après CNN, soit plus de 700 euros pour deux migrants.
«Ils les surnommaient la marchandise», rapporte Nima Elbagir, la soudanaise, correspondante de CNN, qui a réalisé ce reportage (3). On vend ici des Hommes. Ils viennent/proviennent du Nigéria Niger, Ghana, Mali ou d’ailleurs. Des réfugiés qui ont fui la misère et se sont retrouvés à un moment en Libye pour tenter d’embarquer dans des rafiots de misère. Là encore, d’autres esclavagistes vendent les places. Tout se paye. Derrière tout cela ? « Des révolutionnaires d'hier qui se sont reconvertis, pourra-t-on dire, en grands trafiquants internationaux ; trafic de drogue, trafic d'armes, et bien évidemment, organisation de traversées clandestines vers l'Italie (4). »
Un peu plus loin, une sorte de prison/d’enclos à ciel ouvert. Les hommes noirs sont entassés comme des bêtes, dans l’attente d’être vendus comme des bêtes. 1 500 personnes sont regroupées dans l’enclos. Leurs ravisseurs font régner la terreur dans le camp, tuant les déserteurs et affamant les prisonniers. Cela donne lieu à des scènes effroyables. « On était affamés depuis trois jours et j'ai vu des gars, dont je ne vais pas citer la nationalité, qui ont découpé les cuisses de l'un des morts. Ils l'ont mangé devant mes yeux (5)»
Que faire ?
Une réunion en urgence se tenait ce mercredi soir entre la France, l'Allemagne, le Niger, le Tchad, le Maroc, l’ONU, l’Union africaine et l’Union européenne sur la lutte contre les trafiquants de migrants vendus comme esclaves en Libye. Lors d’une conférence de presse donnée à la résidence de l’ambassadeur de France peu après la rencontre, Emmanuel Macron a annoncé qu’une série de mesures avaient été prises. « La Libye a réaffirmé son accord pour autoriser l’accès au sol libyen afin d’évacuer les camps où ces scènes de barbarie ont été identifiées », a d’abord déclaré le chef de l’État français. « Nous avons dès fin août lancé une action en lien avec le Haut-commissariat (des Nations unies) aux réfugiés pour protéger et apporter l’asile à ces femmes et ces hommes qui y ont droit, en partenariat avec le Niger et le Tchad. Nous devons aller plus loin et accélérer le programme de rapatriement volontaire vers leur pays d’origine » pour ceux qui n’ont pas droit à l’asile, avec l’OIM (Office international des migrations), a ajouté le président Macron (6).
Notes :
2. http://edition.cnn.com/videos/
3. Le Parisien, 22 novembre 2017.
4. France 2, 15 novembre 2017. Interview du journaliste Franck Génauzeau
6. 20 minutes avec AFP, 29 novembre 2017.