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Jeudi 26 octobre, 13h, Cour d’assises de Paris. Après avoir remonté la longue galerie qui mène à la salle Voltaire, nous arrivons, essoufflés.
« Vous êtes partie civile ? »
Oui, répond-on en présentant nos badges Crif.
Constitué partie civile depuis le début de l’affaire, le Président du Crif a assisté à plusieurs des audiences du procès des complices des attentats de Toulouse-Montauban.
Hier, jeudi 26 octobre, la journée était consacrée aux plaidoiries des parties civiles. Tour à tour, Maîtres Cohen et Korchia, avocats de la famille Sandler, Maître Samia Maktouf, qui représente Latifa Ibn Ziaten, Maître Ariel Goldmann, et d’autres encore, se sont présentés à la barre et ont, avec toute la force de conviction des bons avocats, plaidés les causes de leurs clients.
La cour, composée en majorité de parties civiles – familles et proches de victimes et associations constituées partie civile – est attentive. Elle entend se répéter, plaidoiries après plaidoiries, les détails de l’horreur.
Maître Mouhou, l’avocat de Imad Ibn Ziaten, entame sa plaidoirie par un récit à la première personne, dont le narrateur n’est autre que son défunt client. « Je voulais juste vendre ma moto Monsieur le Président ».
Il illustre son propos par les quelques vers du Dormeur du Val, évoquant les photos contenues dans le dossier d’instruction. Latifa Ibn Ziaten, est assise sur un bord de banc réservé aux parties civiles. Immobile, elle écoute et laisse couler quelques larmes, un mouchoir à la main.
Le silence est quasi parfait dans la salle d’audience et le moindre toussotement vient nuire à l’intensité du moment. Il fait chaud et l’ambiance est lourde. Les regards des accusés, assis dans leur cage de verre, croisent parfois ceux de la cour. Ils sont là. En face de nous. Ils sont réels. Ils ne sont plus seulement les hommes sur les dessins d’audience diffusés dans la presse.
Maître Masliah, qui représente Eva Sandler, veuve de Jonathan Sandler et mère des petits Arieh et Gabriel Sandler, assassinés devant leur école Ozar Hatorah, prend la parole.
Elle prévient la cour que pour la première fois de sa carrière, elle a bien peur de ne pas être à la hauteur.
Mais elle est là, debout à la barre, car elle croit profondément en la force de la justice, comme tous les avocats présents aujourd’hui. « Venger le sang par le droit », c’est précisément ce qu’espère Maître Mouhou.
Maître Masliah raconte, avec pudeur, sa première rencontre avec sa cliente. Elle exprime sa gêne face à l’inconcevable situation dans laquelle elle se trouve : accueillir une femme brisée et ne savoir quoi lui dire.
Ce procès aussi tient de l’inconcevable. Car il est inconcevable en 2017 de devoir juger des hommes pour leur antisémitisme, pour leur haine de l’autre, pour leur ignorance et leur malveillance. Il est inconcevable de penser aux enfants tués devant leur école ou aux militaires, étendus, le front face au ciel.
L’audience est terminée, la cour se retire…
Marie-Sarah Seeberger
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