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Publié le 28 Mars 2019

Crif/Opinion - L’horrible chasse aux Roms

Ce à quoi nous venons d’assister ces dernières 48 heures est d’une gravité extrême. Les images des violences qui ont été commises et qui ont été diffusées par les télévisions sont terribles. Des Roms sont pourchassés et rués de coups, par des individus animés d’une rage folle et sanguinaire.

Le Crif condamne fermement ce deferlement de haine lâche et odieux. Cet épisode terrible nous prouve une nouvelle fois que les préjugés peuvent avoir des conséquences absolument dramatiques.

Par Marc Knobel, Historien et Directeur des Etudes au Crif

Ce à quoi nous venons d’assister ces dernières 48 heures est d’une gravité extrême. Des rumeurs nauséabondes et folles se sont répandues comme une trainée de poudre dans les réseaux sociaux ou ailleurs, quelquefois de bouches à oreilles. Malgré les démentis catégoriques de la Préfecture de police, une chasse aux Roms a été organisée en plusieurs points ou secteurs de nos banlieues. Partant donc des réseaux sociaux et de la rumeur folle, les Roms ont été accusés de kidnapper des enfants. Une rumeur qui se propage à travers les siècles et qui perdurent. Une mise en accusation criminelle qui aura des conséquences gravissimes sur les populations visées et par ailleurs discriminées. Les images des violences qui ont été commises et qui ont été diffusées par les télévisions sont terribles. Des Roms sont pourchassés et rués de coups, par des individus animés d’une rage folle et sanguinaire.

Ce sont des rumeurs qui ont aussi touchées et affectées les Juifs, tout au long de leur histoire. A l'époque de Pâques, on a régulièrement accusé les Juifs de kidnapper et de tuer des enfants chrétiens, dont le sang devait prétendument servir à la fabrication des pains azymes. Et, au nom de cette rumeur antisémite, des persécutions consécutives avaient lieu ou des autodafés, des pogroms terribles. Des synagogues étaient saccagées, les maisons et les magasins juifs détruits, les Juifs étaient assassinés.

Pour rappel et plus récemment, en mai 1969, un bruit court ainsi à Orléans : des commerçants organiseraient la "traite des blanches". Tous les commerçants visés sont juifs. Et toute cette histoire est fausse. Cette rumeur d’Orléans a agité la ville pendant près de deux mois, en pleine période électorale pour l’élection présidentielle.

De ces événements douloureux nous retenons trois enseignements :

1)    Le premier est incontestablement, la force des préjugés. Ils se répandent au travers des âges, ils survivent quoique l’on puisse dire et/ou tenter de déconstruire.

2)    Les réseaux sociaux accentuent aujourd’hui ces phénomènes. Les gens entre eux se persuadent que les rumeurs sont vraies. Comme ils sont entre eux et s’alimentent des mêmes rumeurs, le phénomène s’accentuera de plus en plus. Ceux et celles qui tentent de s’opposer à ces rumeurs, sont considérés comme des menteurs. La rumeur se nourrit également de son fiel, le complot. Les gens sont si persuadés de détenir la vérité, et s’ils sont si enfermés dans une vision complotiste du monde, qu’il sera très difficile de lutter contre ces phénomènes et de calmer les passions folles.

3)    Notre société devient de plus en plus violente. En ces temps particulièrement troublés et détestables, où les sirènes populistes flattent l’égo et les plus bas instincts ; en ces temps difficiles où des misérables (y compris dans les quartiers populaires) appuient, encouragent, promeuvent le sectarisme, l’exclusion, la dénonciation, la recherche de boucs émissaires, il importe de rappeler les valeurs qui fondent nos démocraties. Il faut aussi combattre les folles rumeurs qui aujourd’hui comme le passé, ont justifié et encouragé de vraies chasses à l’homme.