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Publié le 21 Mai 2013

Discours du président de la République lors de la Conférence "Ensemble pour le renouveau du Mali"

 

Bruxelles, le 15 mai 2013

 

Cette conférence, ici à Bruxelles, est un évènement important. Chacun le mesure. Pas simplement au montant des sommes collectées, même si c’est déjà un premier signal. Mais parce que nous faisons la preuve que nous pouvons nous réunir, Européens et Africains, autour d’une cause qui nous intéresse tous parce qu’elle constitue, à la fois, notre inquiétude et notre espoir.

 

C’est un sentiment de confiance que nous avons aujourd’hui, en voyant toutes ces délégations, près d’une centaine, qui viennent de toutes les parties du monde. Mais, en même temps, nous ne pouvons pas nous dispenser de revenir à ce qu’était la situation du Mali, au début de l’année 2013.

 

Des groupes terroristes s’y étaient installés au Nord, depuis plusieurs mois, et se considéraient chez eux, soumettaient les populations, détruisaient des monuments, enrôlaient des enfants, violentaient des femmes... Devant, disons-le aussi, une certaine inertie de la communauté internationale. Non pas qu’elle n’était pas consciente du danger – je me souviens encore de l’Assemblée générale des Nations Unies où nous avions pu faire, à l’initiative du Secrétaire général Ban Ki-moon, une réunion qui n’a pas été pour rien dans la suite des opérations… Mais nous n’avions pas le calendrier à l’esprit, nous n’imaginions pas que nous aurions à intervenir.

 

Et pourtant, au mois de janvier, nous avons pris la décision, la France, de venir en aide au Mali, à la demande de son Président. Parce que les groupes terroristes avaient eux-mêmes pris l’initiative. Non pas de rester là où ils étaient, mais de conquérir l’ensemble du Mali. Et leur intention allait sans doute au-delà et les chefs d’État africains l’avaient compris.

 

Ce qu’ils voulaient, ces groupes terroristes, c’était d’être les maîtres, d’une certaine façon, du Sahel ; organiser comme ils l’entendaient les trafics – trafic de drogue, trafic d’armes, trafic d’êtres humains ; mener leurs opérations, souvent lucratives ; faire trembler les États africains eux-mêmes et menacer directement la sécurité de l’Europe.

 

Quelques mois plus tard, nous avons libéré le Mali. Je salue le courage des soldats maliens, africains et français. Six soldats français sont morts pour le Mali. Je pense aujourd’hui à leurs familles. J’ai reçu du peuple malien, lorsque je suis allé à Bamako et à Tombouctou, le plus beau des hommages qui soit : la reconnaissance, la gratitude, qui ne m’étaient pas adressées en tant que président de la République française, mais qui étaient d’abord tournées vers l’armée française et les soldats qui avaient donné le sacrifice de leur vie.

 

Rien n’aurait été possible non plus, si des contingents africains n’étaient pas venus, dans un délai qui n’a pas été aussi court que nous l’aurions imaginé, et qui en dit long sur tous les efforts que nous avons encore à mener pour améliorer nos systèmes de défense. Mais les Africains ont été là et c’est l’Afrique qui a libéré le Mali.

 

Aujourd’hui, la MISMA s’efface, l’armée française se retire avec un calendrier que nous faisons en sorte de respecter, en fonction des risques. Une opération de maintien de la paix, sous l’égide des Nations Unies, va prendre le relai au début du mois de juillet. Je veux en remercier le ministre des Affaires étrangères, Laurent FABIUS, qui y a beaucoup contribué.

 

Alors, nous pourrions nous dire, au cours de cette conférence : « nous en avons donc terminé ». Eh bien, vous avez compris qu’il n’en était rien ! D’abord parce que le terrorisme n’a pas disparu du Sahel. Certes, des coups sévères ont été portés contre Al-Qaida et contre Aqmi, l’organisation qui représente, en Afrique, ses intérêts. Certes, des groupes ont été durement touchés. Nous avons découvert d’ailleurs des capacités militaires assez invraisemblables, des armes qui étaient cachées, des nourritures qui étaient stockées et des matériels pour mener de véritables combats de longue durée.

 

Nous savons donc qu’il y a encore des moyens pour le terrorisme d’agir. Nous savons qu’un certain nombre d’individus se sont « réfugiés », pour ainsi dire, en dehors du Mali et ont d’ailleurs commencé à porter des coups. Je veux ici rappeler ce qui s’est passé en Algérie, avec une attaque terroriste de grande ampleur. Là encore, l’Algérie a réagi comme il convenait.

 

Nous n’en avons donc pas terminé. Mais notre réponse ne peut pas être entièrement sécuritaire. C’est le sens de cette conférence : le développement, le dialogue politique, la démocratie sont maintenant nos armes pour prévenir le retour des terroristes, en travaillant contre les causes mêmes qui ont permis l’enracinement de ces groupes.

 

C’est la voie que le Mali a choisie : agir quand il en était temps, une fois retrouvée l’intégrité territoriale pour organiser, d’abord, des élections. La date qui a été prévue doit être tenue. Je sais que c’est difficile et notamment au Nord. Nous devons veiller à ce que les autorités du Mali puissent avoir l’effectivité du contrôle de ses territoires pour organiser ces élections partout. Aucune fraction du Mali ne peut être détachée du processus électoral.

 

Mais, je le disais, en même temps que le Mali retrouve son intégrité territoriale et qu’il va organiser ces élections, nous, ces amis, nous devons répondre à trois exigences.

 

- D’abord, les urgences du court terme. Près d’un tiers de la population du nord du Mali avait préféré s’enfuir plutôt que de subir l’ordre moyenâgeux qui lui était imposé. Un certain nombre de pays voisins ont donc accueilli des réfugiés. Ensuite, les groupes terroristes avaient détruit bon nombre d’infrastructures essentielles à la vie de tous les jours : groupes électrogènes détruits, pompes à eau mises hors d’usage, bâtiments publics, marchés, écoles et centres de santé démolis. Notre premier devoir, c’est assurer l’accueil des réfugiés, permettre le retour à une vie normale. La France apportera sa contribution, notamment par le financement de travaux pour rétablir l’eau, l’électricité, approvisionner la population en médicaments, ouvrir des pharmacies…, bref assurer l’essentiel.

 

- Deuxième exigence, préparer l’avenir. Le Plan pour la relance durable du Mali a été élaboré par les autorités maliennes souveraines. Je dois dire que ce Plan a le mérite de dire les choses avec franchise et avec lucidité, sur les insuffisances de la période passée. Les priorités d’action que retient le Plan vont dans la bonne direction. D’abord, parce que c’est essentiellement dans la relance de l’économie du pays que vous voulez agir. Ensuite, parce que vous vous attaquez au défi de la gouvernance et que vous faites un effort pour que la décentralisation puisse être un appui pour le développement du Mali, en confiant aux collectivités locales 30% des recettes du pays.

 

Nous-mêmes nous devons engager notre soutien, avec l’État et avec les collectivités locales du Mali. Nous pensons aussi qu’il est nécessaire, dans ce Plan, de renforcer toutes les infrastructures du pays : je pense au grand projet de station à Kabala, pour l’eau potable qui permettra d’approvisionner un million d’habitants de Bamako ; je pense au renforcement de l’agriculture, notamment de la filière coton ; je pense également au secteur de la microfinance et au développement du secteur privé. Enfin, l’éducation et la promotion des droits des femmes devront faire l’objet d’une attention particulière, dans le cadre de l’aide que la France apportera.

 

- La dernière exigence, c’est la transparence et le dialogue.

 

J’ai dit que les élections devraient se tenir à leur date. J’ai dit que les autorités maliennes devraient avoir le contrôle total de leur territoire pour assurer la conduite de ce processus, à la fin du mois de juillet. Je dis aussi – et avec le même rapport de confiance et de vérité – qu’il doit y avoir une assurance, une exigence de transparence et de bonne gouvernance. Chaque euro dépensé au service du développement du Mali doit être efficacement utilisé.

 

Nous le devons aux Maliens. Nous le devons aussi aux contribuables qui vont apporter, via les États, leur aide au Mali. Parce que nous devons faire de la bonne gestion des finances publiques, de la lutte contre la corruption un moyen d’accroître la confiance entre nos pays.

 

Nous, en France, nous ferons en sorte d’accompagner le Mali à travers des dispositifs pour repérer, identifier, retracer l’utilisation et l’usage de l’aide que nous apporterons. L’aide sera pour la France, à destination du Mali, à hauteur de 280 millions d’euros. C’est un effort important dans un moment où nous connaissons nos propres difficultés budgétaires. Je n’ai pas encore demandé que ces sommes soient défalquées des exigences que la Commission européenne nous impose pour la réduction de nos déficits. Mais vos encouragements sont un argument de plus !

 

Mais je veux surtout saluer l’engagement de l’Union européenne : près de 520 millions d’euros pour le Mali. L’Europe qui est parfois décriée, l’Europe qui est parfois jugée absente, quand on regarde l’ensemble des conflits dans le monde, c’est l’Europe qui apporte le soutien, c’est l’Europe qui apporte la solidarité aux peuples. Et c’est parfois le cas pour d’autres situations, souvent l’Europe est mieux jugée en dehors de l’Europe qu’en Europe. Je voudrais que les Européens soient fiers de ce que fait l’Europe pour l’Afrique.

 

Car au-delà du Mali, c’est l’ensemble du Sahel qui est concerné. Je veux ici, je le disais, saluer les pays voisins du Mali, tous représentés au plus haut niveau. Ces pays ont ouvert, sans réserve, leurs frontières pour accueillir les réfugiés, et ont su faire preuve de grande solidarité dans les heures sombres de l’année 2012. Ils connaissent, eux aussi, des défis, sur le plan de la sécurité ou du développement économique. Eux aussi sont menacés par le terrorisme.

 

Ils doivent être alors des pays prioritaires de l’aide de la France et de l’Europe. Nous faisons en sorte que nous puissions poursuivre ce que nous faisons, au Mali, à destination de l’ensemble du Sahel.

 

Il m’est donc confirmé que plus de 3 milliards deux cinquante millions d’euros ont pu être mobilisés, à l’occasion de cette conférence. Comme le disait Laurent FABIUS, elle aurait dû se tenir pendant une semaine, si nous avions l’ambition de faire des contributions encore supplémentaires ! Mais je ne doute pas qu’il y aura encore d’autres apports et d’autres soutiens.

 

Ce chiffre néanmoins nous engage, nous les donateurs. Mais il revient aussi aux Maliens de respecter les engagements pour la réconciliation, pour la sécurité, pour l’État de droit, pour la bonne gouvernance. C’est un contrat que nous passons ensemble, un beau contrat. Un contrat d’amitié, de solidarité autour de l’idée de développement.

 

Parce que, si nous avons été capables d’être unis pendant la période de la guerre – et il y a eu la guerre –, nous devons maintenant êtes unis pour réussir la paix. C’est pourquoi votre mobilisation est si importante aujourd’hui. Je ne doute pas qu’au Mali notre conférence sera reçue comme autant d’espoir pour la population, qui doit se dire que, non seulement la guerre est finie, mais que la paix doit être réussie. 

 

Source: http://www.elysee.fr/declarations/article/discours-du-president-de-la-republique-lors-de-la-conference-ensemble-pour-le-renouveau-du-mali/