Giorgio Israel, brillant mathématicien, épistémologue et historien des sciences, membre de l’Académie internationale de l’histoire des sciences, professeur à l’Université La Sapienza à Rome, fut l’auteur de plus de deux cents articles et de trente livres dont plusieurs ont été traduits en français, notamment - La mathématisation du réel. Essai sur la modélisation mathématique. Editions Le Seuil 1997 et Le jardin au noyer. Pour un nouveau rationalisme, Editions Le Seuil 2000 Très impliqué dans le groupe de travail international sur le monde de l’université et de la recherche il a été un membre actif de la commission de réorganisation du fonds d’archives du grand mathématicien juif Vito Volterra . Il a aussi dirigé, nombre de programmes de recherches pour son université, pour le ministère de l’instruction publique, pour le Conseil national de la recherche. Son dernier ouvrage écrit avec sa femme Ana Milan Gasca Pensare in matematica , Editions Zanichelli et consacré à la pédagogie des mathématiques est paru en juin 2015. Ses engagements dans la recherche scientifique internationale et dans la politique éducative de son pays, l’ont poussé à publier aussi bien dans des revues scientifiques que dans la presse pour diffuser son message le plus largement possible. Giorgio Israel a eu une activité politique intense, notamment dans son combat contre l’antisémitisme et contre l’antisionisme. Sa thèse, dont il a fait un livre Il fascismo e la razza. La scienza italiana e la politiche razziale del regime, Editions Il mulino 2010. décrit comment la « science raciale » avait pénétré l’université italienne dans les années 1930, mettant à mal le préjugé selon lequel l’Italie n’aurait suivi une politique antisémite que contrainte et limitée. Très engagé dans la défense d’Israël, dans la lutte contre l’antisémitisme et dans la définition de l’identité juive italienne, il chercha à créer les conditions d’une discussion nuancée, ouverte, respectueuse qui ne tombe pas dans l‘invective et dans l’agressivité amplifiée par les échanges électroniques. Il lutta fermement contre le boycott universitaire des Israéliens, persuadé qu’au contraire, de véritables échanges approfondis et argumentés permettraient de clarifier les débats. Il chercha à comprendre dans La questione ebraica. I conti sempre aperti con il razzismo. Editions Salomone Belforte 2002, pourquoi la gauche européenne avait choisi de prendre des positions ouvertement anti sionistes. Il expliquait que l’URSS qui, dans un premier temps, avait vu dans la création d’Israël, une manifestation du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et de la lutte contre l’impérialisme, avait été déçu à partir de la guerre de 1967 par l’attraction qu’exerçaient les démocraties libérales sur les Israéliens et avait décrit Israël tout d’abord comme agent de l’impérialisme américain puis comme un élément autonome et diabolique, le plus cruel, du front impérialiste. Les gauches européennes avaient suivi les Soviétiques dans cette interprétation et n’avaient fait qu’amplifier leur hostilité à Israël. Depuis 2000, il était devenu une figure publique en Italie, écrivant de nombreux articles d’idées pour la grande presse, toujours en critique de l’antisémitisme et en défense d’Israël. Engagé dans le débat interreligieux, il avait aussi un temps représenté la communauté juive et avait dialogué avec le Pape Benoît XVI.
Giorgio Israel était un intellectuel brillant et engagé. Passionné par la pédagogie, il cherchait le moyen le mieux approprié de diffuser largement la connaissance scientifique et de l’approfondir sans céder aux simplifications abusives ni aux solutions de facilité ; il était aussi d’un impressionnant courage politique attentif et vigilant contre l’antisémitisme et l’antisionisme qui lui était souvent associé, gardant dans ce combat politique là aussi, un niveau d’exigence très élevé sur la qualité et sur les modalités des débats.