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La nomination de René Trabelsi au ministère du tourisme tunisien, qui est également membre de la commission d’organisation du pèlerinage juif de la Ghriba, nous donne l’occasion de revenir sur la communauté juive en Tunisie.
Estimés à environ 1 500 personnes, les juifs tunisiens constituent l'une des plus anciennes communautés de la diaspora à exister mais également l’une des seules communautés juives d’Afrique du Nord à avoir été victime des nazis. Malgré le fait qu’une grande partie ait quitté la Tunisie, sa communauté, sa tradition et sa culture restent fortes.
Chaque année des juifs du monde entier se rendent notamment en pèlerinage sur l'île tunisienne de Djerba pour la célébration annuelle de Lag Baomer.
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La communauté juive tunisienne racontée par Le Projet Aladin :
L'histoire des Juifs en Tunisie remonte à l'Antiquité. Leur présence sur le territoire de l'actuelle Tunisie est en effet avérée à partir du IIe siècle av. J.-C., même si, selon certaines hypothèses, leur arrivée y serait bien plus ancienne.
Après la conquête romaine en 146 av. J.-C., la population juive de la province d'Afrique augmenta. Cette population pratiqua l'agriculture, l'élevage du bétail et le commerce. Divisés en clans ou tribus, gouvernés par leurs chefs respectifs, ils payaient aux Romains une capitation de deux shekels. Lorsque le christianisme fut érigé en religion d'État, ils firent alors l'objet de diverses mesures discriminatoires (exclusion de toutes les fonctions publiques, punition du prosélytisme par de lourdes peines et construction de nouvelles synagogues interdite).
L'arrivée des Vandales au début du Ve siècle vit l'abrogation de ces mesures et l'ouverture d'une période de paix pour les Juifs. Cette période permit sans doute aux Juifs de prospérer sur le plan économique. En retour, ils appuyèrent les rois vandales contre les armées de l'empereur byzantin Justinien parti à la conquête de l'Afrique du Nord.
Après la victoire de ces dernières en 535, qui ouvrit la période de domination byzantine, les Juifs subirent une sévère répression. Ils se virent dès lors exclus de toute charge publique, leurs synagogues furent transformées en églises, leur culte fur proscrit et leurs réunions interdites.
Avec la conquête arabe et l'arrivée de l'islam en Tunisie au VIIIe siècle, les « gens du livre », les juifs et les chrétiens se virent soumis à un choix : la conversion, choix que firent notamment certains Berbères judaïsés, ou la soumission à la dhimma ou pacte de protection. Comme les autres Juifs des pays islamiques, ceux d'Ifriqiya (nom pris par l'actuelle Tunisie) acquièrent le statut de dhimmi. En réponse à cette nouvelle situation, les Juifs choisirent de s'insérer économiquement, culturellement et linguistiquement dans la société tout en conservant des particularités, notamment culturelles et religieuses. Même si l'arabisation des populations se fit lentement, le phénomène eut été plus rapide en milieu urbain à la suite de l'arrivée de Juifs d'Orient dans le sillage des Arabes.
Sous les dynasties des Aghlabides et des Fatimides, les Juifs bénéficièrent de conditions de vie clémentes. Leur influence politique se fit également sentir dans l'administration du pays. Mais l'accession au pouvoir d'al-Muizz ibn Badis (1015-1062) vit arriver une période de répression. Cette persécution affecta particulièrement la prospérité de la communauté de Kairouan et certains de ses membres émigrèrent alors vers Tunis qui gagna rapidement en population et en importance commerciale.
L'accession au pouvoir de la dynastie des berbères Almohades en 1146 se révéla désastreuse pour les Juifs de Tunis. Les Juifs furent contraints de se convertir mais, tout en professant extérieurement l'islam, ils restèrent fidèles au judaïsme qu'ils continuèrent d'observer en secret.
Sous la dynastie des Hafsides, qui fut établie en 1236, les conditions de vie des Juifs s'améliorèrent grandement. Juifs et chrétiens furent à nouveau soumis à leur statut traditionnel, mais ne subirent pas d'entraves à leurs activités professionnelles ou à leur culte. .Comme aux premiers siècles de l'islam, les communautés juives bénéficièrent d'une relative autonomie leur permettant de s'administrer et de satisfaire leurs besoins en matière cultuelle et sociale.
Le quartier de Hara constituait jusqu'en 1857 le ghetto de Tunis (fermé durant la nuit). En 1270, en conséquence de la défaite de Louis IX de France, qui entama la huitième croisade à Tunis, la cité de Kairouan fut déclarée sainte : les Juifs y vivant durent alors la quitter ou se convertir. Dès lors et jusqu'à la conquête du pays par la France, Juifs et chrétiens eurent l'interdiction de passer une nuit dans cette ville et ne purent y accéder durant la journée que sur permission spéciale du gouverneur.
Lors de la prise de Tunis par les Espagnols en 1535, de nombreux Juifs se firent prisonniers et vendus comme esclaves dans plusieurs pays chrétiens. Après la victoire des Ottomans sur les Espagnols en 1574, la Tunisie devint une province de l'Empire ottoman. Sous les deys et les beys successifs, les Juifs jouèrent un grand rôle dans les échanges commerciaux avec l'étranger.
Au début du XVIIIe siècle, le statut politique des Juifs de Tunis s'améliora grandement grâce à l'influence croissante des agents politiques des puissances européennes. Durant la même période, des familles d'origine espagnole ou portugaise établies à Livourne quittèrent la Toscane pour s'installer à Tunis, divisant ainsi la communauté entre Juifs tunisiens et Granas. De plus en plus nombreux au cours du XVIIe siècle, ces derniers prirent une large part aux activités de la population juive et participèrent à la création des premières industries. Ils parlaient italien et n'avaient pas ou peu de relations avec les Juifs autochtones qui eux parlaient le judéo-arabe et s'habillaient à l'orientale. La méfiance réciproques et les incompatibilités de mœurs étaient à la source de la séparation des deux communautés.
Au XIXe siècle, la Tunisie s'ouvrit progressivement aux influences européennes. Dans ce contexte, Ahmed I Bey inaugura une politique de réformes. En vertu d'un accord signé en 1846, les Juifs de Toscane qui s'étaient établis en Tunisie à une date récente obtinrent le droit de conserver la qualité de Toscans sans limitation de temps. Cette disposition encouragea beaucoup de Juifs de Livourne à venir s'installer en Tunisie où ils constituèrent une minorité étrangère placée sous la protection du consul de Toscane. En 1857, un cocher juif fut condamné à la peine de mort pour blasphème et exécuté le 24 juin. La rigueur de la peine souleva une vive émotion et les consuls de France et d'Angleterre en profitèrent pour demander à Mohammed Bey de s'engager dans la voie de réformes libérales. Les troupes de Napoléon III occupèrent La Goulette et l'obligèrent à proclamer le Pacte fondamental, le 10 septembre, selon lequel tous les Tunisiens, sans distinction de foi, jouirent des droits égaux.
Son successeur, Sadok Bey y substitua une véritable constitution le 26 avril 1861. Ces textes novateurs mirent fin à toutes les mesures discriminatoires contre les Juifs en leur reconnaissant les mêmes droits et les mêmes devoirs qu'aux musulmans. Toutefois, après une révolte due à la hausse continue de la pression fiscale en 1864, un coup d'arrêt fut donné aux réformes. Dès lors, le pays devint le théâtre de la lutte d'influence des puissances européennes.
Avec l'établissement du protectorat français en Tunisie en 1881, une ère nouvelle s'ouvrit pour le judaïsme tunisien qui accueillit favorablement les principes démocratiques introduits par la France. Par ailleurs, la situation économique de la communauté prospéra à la faveur de l'économie coloniale. La scolarisation des nouvelles générations engendra l'acculturation de la population juive. Les familles juives aisées abandonnèrent alors la Hara pour s'installer dans les nouveaux quartiers européens.
La loi française du 20 décembre 1923 ayant rendu plus faciles les conditions d'accès à la nationalité française, des Juifs tunisiens demandèrent et obtinrent leur naturalisation. Toutefois, seuls 7311 sur une population avoisinant les 100 000 en firent la demande entre 1910 et 1956.
Au lendemain de la Première Guerre mondiale, la communauté fut dotée, par le décret beylical du 20 août 1921, d'un conseil d'administration élu au suffrage universel avec représentation proportionnelle des Livournais et des Tunisiens. De plus, la population fut représentée dans toutes les assemblées consultatives du pays : chambres économiques, conseils de caïdats et Grand Conseil.
La Grande synagogue de Tunis vit le jour en 1931. Mis à part des émeutes qui se déroulèrent en 1932 à Sfax et en 1934 à l'Ariana, la communauté connut une période de paix sociale et d'essor exceptionnelle. À la veille de la Seconde Guerre mondiale, on recensait 56 240 Juifs tunisiens auxquels il fallait ajouter 7000 Juifs français et 3000 Juifs italiens.
Du 11 novembre 1942 au mai 1943, les forces de l'Axe occupèrent toute la Tunisie orientale. Les autorités d'occupation imposèrent de lourdes amendes aux communautés juives. Plusieurs appartements furent réquisitionnés, mettant des familles à la rue. Des bijoux, du mobilier, des outils de travail durent être remis aux occupants. Cependant, contrairement aux Juifs de la plupart des pays qui connurent l'occupation allemande les Juifs de Tunisie ne furent pas été astreints au port de l'étoile jaune.
Le 6 décembre 1942, le haut commandement allemand, avec le consentement du bey, remplaça le conseil d'administration de la communauté par un comité de neuf membres, qui devait fournir une liste de 2000 Juifs au service des forces occupantes. Comme les autorités communautaires tardèrent à livrer le contingent demandé, les Allemands effectuèrent des rafles d'une grande brutalité. Ils firent passer le nombre des travailleurs forcés à 3000, puis 4000.
Sous l'occupation allemande, 350 Juifs furent tués, surtout à Tunis, et plus d'une trentaine de travailleurs forcés par des bombardements alliés. 600 à 700 personnes moururent de sous-alimentation et d'épidémie.
A partir de la moitié des années 1950, l'émigration vers Israël ou la France devint massive au sein de la communauté. En tout, quelques 25 000 Juifs quittèrent la Tunisie entre 1948 et 1955. Aujourd'hui, les dernières traces du passé Juif s'estompent. Malgré de réels efforts du gouvernement tunisien et d'associations originaires, les cimetières se délabrent ; les synagogues ferment, faute de fidèles. Dans la mémoire collective, notamment celle des nouvelles générations, le judaïsme n'existe pas.