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Publié le 23 Février 2017

La figure du père ? Le souvenir du Chambon sur Lignon… ? 4 questions à Daniel Milgram, acteur

Marc Knobel interroge Daniel Migram à l’origine de la pièce Dieu, Brando et moi.

Question : Daniel Milgram, en 4 décennies de carrière, vous avez travaillé en décentralisation et à Paris, jouant au cinéma, au théâtre, dans de multiples rôles, présents dans plus de 60 films et séries de télévision, vous avez interprété une quarantaine de pièces aux théâtres dans des emplois tant comiques que tragiques. Cette fois, vous êtes à l'origine de Dieu, Brando et moi, une pièce inspirée d'événements de votre propre vie. Vous êtes là pour raconter votre vie ?

Une bonne part de ce qui est dit dans Dieu Brando et Moi est autobiographique.

C'est une des forces du récit théâtral : il transforme ce qui peut sembler banal en une aventure qui peut devenir "exemplaire".

Avec ce spectacle, et grâce à l'aide des copains … "d'abord", je me suis lancé dans ce projet… ambitieux, pour, en racontant ma vie, décrire, un peu, ce que j'ai capté du monde qui m'entoure.

Par des observations sur notre "société", théâtralement mise en forme par Gilles Tourman, par une mise en scène, une "mise en animation",  effectuée, avec patience, par Maurice Zaoui, grâce au talent musical de son Frère Illan, nous avons créé ce "produit" qui sera joué au Festival d'Avignon, ce spectacle, qui en parlant de ma vie, à l'ambition de parler, je cite la pièce : "qui raconte son histoire, raconte l'histoire de toute l'humanité !".

Dans la pièce, il est question de votre père qui vit ses derniers instants. Je discute une dernière fois avec sa Neshamah son âme, pour tenter d’enfin se comprendre, renouer un dernier lien et surtout : se dire je t’aime. Votre père, une figure centrale ?

Je sais bien que l'image la plus connue de l'humour juif est celle de la mère juive… à égalité avec celle du rabbin et peut être … le tailleur !

Sépharades et Ashkénazes confondus, et je dirai même complices, la mère juive est "privilégiée"…

Le nombre d'histoires, souvent drôles qui circulent, évite, peut-être, de s'interroger sur la figure du père.

Dans Dieu, Brando et moi, le travail de mise en scène nous a amené à rajouter, en sous-titre: "hein Papa !". Nous le disons, théâtralement, … "un père juif, c'est une mère normale". De là une approche des pères juifs.

Pour ce qui me concerne, ce que je dois à mon père est… impayable... Je cite : "tu m'as donné l'amour des livres et du cinéma".

Ce spectacle est un hommage qui lui est rendu.

Mais au delà de ce rapport filial notre pièce voudrait faire réfléchir sur le "statut de fils juif". Sur cette situation, fondée sur un pseudo matriarcat, alors qu'elle masque une soumission souvent volontaire des fils vis-à-vis de leurs mères. Soumission qui, au fil du temps, est devenue une attitude de quasi "tradition"!

Alors, bien loin de mes "angoisses", dans Dieu Marlon et Moi c'est un parcours affectif, professionnel et de "recentrement" de mon judaïsme que j'exprime en me positionnant vis-à-vis de ce qui est, sans doute, une des raisons de cette vie, la mienne, qui s'est déroulée parce que j'ai eu la chance de croiser ma route avec celle de ce que certains considèrent comme "le miracle du Chambon sur Lignon".

Le Chambon sur Lignon. Il est largement question du Chambon. Pourquoi ?

Je cite encore notre spectacle: "vivre dans un monde qui se souvient à peine du Pasteur André Trocmé!". André Trocmé, Justes parmi les nations, selon l’institut israélien de Yad Vashem !

Ce que vit le monde en général et la France en particulier, réclame que des figures devenues mythiques prennent, retrouvent la place qui leur est due : celle de la raison, … peut être, mais surtout celle du cœur ! Aucun de ceux qui s'estiment aptes à "diriger nos vies", ne parle le langage du cœur. En cela, devant les ténèbres qui masquent la liberté, la fraternité et dans une certaine mesure l'égalité, rappeler avec force et une sincérité reconnaissante ce qu'ont pu nous offrir en exemple ceux qui sont, ceux qui doivent être nos réels héros.

En cela Le Pasteur André Trocmé et le mouvement prophétique qu'il a animé pendant les années noires au Chambon doit être connu, admiré et connu de tous et surtout des générations qui n'ont pas connu ces années sombres et qui ne savent, des évènements que ce que leur distillent des "Héraults douteux" quand il ne flirtent pas avec le négationnisme. Alors, " Le Chambon sur Lignon", … parlons en jusqu'à en devenir sourds.
 

Pour vous, c’est quoi être Juif ?

Pour moi, être juif, c'est répondre à l'éternel question de Hamlet : "être … ou ne pas être ! Et ma réponse, c'est : être… juif.

Par ma naissance, par ma culture, parce que je me sens comme un exilé du yiddish land, juif qui ne croit plus en Dieu après Auschwitz mais pour, si par "hasard"… Il existe, le reconnaitra comme un partenaire.

Juif ayant la mission de "garder la mémoire" de la Shoah.

Plus sérieusement, circoncis, ayant fait sa Bar Mitzvah, ayant été aux E.I.F. pendant une quinzaine d'années, ne se reconnaissant pas dans les positions du gouvernement actuel d'Israël, désire ardemment que l'on sache qu'il est juif, sans honte, pas de gloire, juif comme le sont et comme l'ont été les martyrs qui ont écrit les plus belles pages de la gloire dujudaïsme.

Juif qui aurait, je l'espère, été membre du "bund", qui aurait aimé être le fils d'un de ces Rabbins d'Europe centrale qui ont cru, au péril de leurs vies que le Messie aurait le visage d'un révolutionnaire.

Et puis, a-t-on le choix quand on a eu cette chance: être né juif !