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Ils ont aussi, suite à la création de l’école d’Orsay, contribué activement à faire renaître une réflexion exigeante et adapté à leurs temps, en proposant des interprétations audacieuses de la tradition juive tout en restant dans un cadre profondément authentique.
C’est ce avec quoi les EEIF veulent renouer avec la parution depuis septembre dernier d’une nouvelle revue de pensée juive appelée opportunément L’éclaireur.
Cette nouvelle revue se veut une tentative de proposer une plateforme d’expression sur le judaïsme au sens très large (étude, culture, littérature, arts, histoire, etc…) et faire intervenir des figures moins médiatiques que celles que nous connaissons déjà, mais qui sont capables de proposer des positions fortes et tranchantes sur le judaïsme du XXIème siècle en langue française. Car malgré les grandes réussites du judaïsme français, il semble qu’il se trouve à la peine en matière de production intellectuelle, derrière les judaïsmes israéliens, américains ou même britanniques.
Après un premier numéro sur L’audace, un deuxième sur l’obsession textuelle du peuple juif, le 3ème numéro de la revue L’éclaireur aborde la question du regard juif posé sur l’écologie dans un dossier très complet qui part des textes pour en arriver à des questions politiques ou rituelles très concrètes.
On notera notamment un entretien avec Emmanuelle Wargon, ancienne membre des EEIF et actuelle secrétaire d’État à l’écologie.
Le dossier rappelle que la Thora positionne les hommes dans un rapport de domination vis-à-vis de la planète. Dans le récit biblique, l’homme entre en scène à la fin de la Création, signe de sa position de supériorité. Dieu dit à son propos : « Faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance, pour qu’il exerce sa domination sur les poissons de la mer, les oiseaux du ciel, le bétail et sur toute la terre et tout ce qui rampe sur la terre. » (Genèse, 1,26) Le judaïsme traditionnel assume cette position tout en imposant à l’individu et à la collectivité une responsabilité et un cadre moral face à leur environnement. Les commentateurs justifient de nombreux commandements bibliques par le souci de préserver les ressources, d’éviter le gaspillage ou encore de ne pas faire souffrir les animaux. Cette idée est joliment résumée dans un midrash (Kohélet Rabba, 7) qui imagine Dieu faisant passer Adam devant chaque arbre du jardin d’Éden, puis lui adressant les paroles suivantes : « Regarde comme mes œuvres sont belles et louables ! Sache que tout ce que j’ai créé, c’est pour toi que je l’ai créé. Alors sois attentif à ne pas détruire et gaspiller mon monde ; car si tu le détruis, qui le restaurera ? »
Mais cette approche traditionnelle est-elle suffisante face aux défis écologiques contemporains ? Le judaïsme a-t-il pris la mesure des effets de la consommation de masse sur l’épuisement des ressources et la souffrance animale, des dangers liés à la pollution, à la perte de la biodiversité, au réchauffement climatique ou à la déforestation ? Comment expliquer la timidité des réactions des personnalités juives, et notamment des autorités religieuses ? Dans quelle mesure, d’ailleurs, le judaïsme a-t-il un souci de l’universel et son mot à dire concernant des questions se posant à l’échelle de la planète tout entière ?
Le relatif silence quant à ces questions peut sans doute s’expliquer par une certaine méfiance à l’égard des dérives idéologiques néopaganistes de certains « verts ». Mais la position juive très modérée est aussi ancrée dans une certaine technophilie qui puise ses sources dans le Talmud et la kabbale qui invitent l’homme à transformer le monde.
Par ailleurs, comment réagir face au diktat du moralisme écologique tout en demeurant à l’écoute de la sagesse biblique et des leçons de la tradition juive ? Comment éduquer les enfants pour qu’ils prennent davantage soin du monde ? Enfin, Israël s’est construit sur un modèle agricole et se trouve aujourd’hui à la pointe de l’industrialisation et de la technologie. Comment l’État hébreu appréhende-t-il les questions relatives au développement durable ?
C’est à l’ensemble de ces questions que répond ce beau numéro de L’éclaireur, sans gommer la différence des approches qui existe, par exemple, entre les différentes mouvances religieuses.
Il est évidemment possible de s’abonner à L’éclaireur en allant sur le site www.leclaireur.org