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Il y a 70 ans, le 16 juillet 1942, des policiers français ont arrêté 13 152 Juifs, dont 4 115 enfants au cours de la rafle du Vel d’Hiv. Un certain nombre de médecins juifs et non juifs ont eu une attitude admirable qu’il convient de rappeler.
La Croix Rouge Française a mis en place dans l’enceinte du Vel d’Hiv une antenne médicale dans laquelle une dizaine d’infirmières ont assuré les soins avec un dévouement hors du commun sous la direction du professeur Eugène Vaucher et des docteurs Jules Comby et Michel Robineau. Ce dernier a livré par la suite un témoignage qui exprime la détresse des malheureux Juifs dans l’enceinte du Vel d’Hiv: " Crise de nerfs collectives, hurlements de la folie ou du désespoir, cris d'enfants affamés auxquels répondait l'immense plainte des mères. Bruits insoutenables. La chaleur des journées qu'entretenait un soleil implacable tombant sur les verrières, rendait encore plus suffocante l'atmosphère, avec les odeurs d'excréments de ces milliers de malheureux qui ne disposaient pour leurs besoins naturels, que de cabinets insuffisants et tout de suite débordants. Je passais là des heures tragiques, tombant, je crois, au fond de la misère humaine ! Dans tous les yeux fixés sur moi, la même hallucinante angoisse d'être pris au piège ".
De son côté, l’UGIF (Union générale des israélites de France) a été autorisé à organiser un service médical d’urgence sur place comprenant deux médecins juifs qui se relayaient nuit et jour. Les docteurs Alfred Milhaud, Simone Loewe-Lyon, Benjamin Weill-Hallé, Richard Kohn, Raymond Vilenski, Fernand Hirschberg, Jean Goldmann et Benjamin Ginsbourg qui s’étaient portés volontaires ont assuré avec efficacité avec le peu de moyens dont ils disposaient la prise en charge médicale des nombreux malades présents sur place. J’ai eu l’occasion de rencontrer Benjamin Ginsbourg à l’occasion d’une réunion de l’AMIF (Association des Médecins Israélites de France) dont il a été le président fondateur en 1952. Ce dernier m’a raconté l’énergie hors du commun qu’ils ont déployée pour assurer les soins, mais surtout pour sauver un maximum de femmes enceintes, de malades graves et surtout d'enfants. En effet, ils étaient autorisés à signaler les détenus à hospitaliser, mais ils n’avaient pas le pouvoir de décision. Seul Jean Tisné, médecin de la préfecture de Police, était capable de donner l’autorisation d’évacuer des malades. Il n’était pas sur place au Vel d’Hiv, par conséquent, les médecins juifs s’échinaient à essayer de le convaincre par téléphone afin qu’il donne son autorisation. Ce dernier a fait preuve d’une absence totale d’empathie en n’autorisant que quelques rares sorties au compte-goutte. Malgré ces difficultés, les médecins juifs ont réussi à évacuer un certain nombre d’enfants sous prétexte qu’ils présentaient des « maladies contagieuses à caractère épidémique » à l’hôpital Claude Bernard. Benjamin Ginsbourg m’a raconté que les enfants avec une banale angine étaient isolés sous prétexte qu’ils souffraient de diphtérie ou de scarlatine. Ils étaient ensuite évacués avec ceux dont on faisait croire qu’ils souffraient de rougeole alors qu’ils ne présentaient qu’une banale éruption. Je n’oublierais jamais les larmes qui coulaient des yeux de Benjamin Ginsbourg lorsqu’il m’a raconté les déchirantes séparations des enfants avec leurs mères…
En dehors de l’enceinte du Vel dHiv, des médecins non juifs choqués par cette rafle ont eu une attitude admirable en aidant du mieux qu’ils le pouvaient les Juifs pourchassés. Mais surtout il convient de rappeler l’initiative des docteurs Charles Laubry, Georges Duhamel et Louis Pasteur Vallery Radot qui ont accompagné la comtesse de La Bourdonnais chez l’archevêque de Paris Suhard afin d'exprimer leur indignation. Le cardinal Suhard a alors écrit la première lettre officielle de protestation au Maréchal Pétain « Profondément ému par ce qu’on nous rapporte des arrestations massives d’israélites opérées la semaine dernière et des durs traitements qui leur ont été infligés notamment au vélodrome d’Hiver, nous ne pouvons étouffer le cri de notre conscience. C’est au nom de l’humanité que notre voix s’élève pour une protection en faveur des droits imprescriptibles de la personne humaine ».
Dr Bruno Halioua