Comme dans l’entre-deux-guerres, la poussée du populisme en Europe déconstruit le consensus démocratique.
Par Alain Duhamel, publié dans Libération le 7 septembre 2016
Cette fois, le déni devient impossible. La cinglante défaite subie dimanche par Angela Merkel dans son propre fief du Mecklembourg - Poméranie orientale le prouve malheureusement : un parfum tenace d’années 30, un remugle, est en train de s’abattre sur l’Europe. Un populisme xénophobe réussit une percée spectaculaire en Allemagne. Pour la première fois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, un mouvement d’extrême droite, car sur tout le Vieux Continent le populisme xénophobe n’est que le nouveau masque de l’extrême droite, surgit et s’implante. Il fera, nul n’en doute à Berlin, son entrée au Parlement fédéral l’an prochain. La générosité de Merkel à l’égard des migrants venus du Moyen-Orient s’est avérée téméraire et les événements de Cologne l’ont dramatiquement desservie.
En Allemagne, principale puissance européenne, si désireuse d’apparaître exemplaire en matière de démocratie, le drapeau noir s’agite de nouveau. Ici comme ailleurs. Car la poussée du populisme xénophobe est une réalité partout en Europe. Elle peut prendre des visages différents. En Hongrie, en Pologne, elle gouverne déjà. Dans toute l’Europe du Nord et de l’Est, même dans les vertueuses démocraties scandinaves, elle marque des points. En Italie, elle s’appelle Beppe Grillo. En France, elle se nomme évidemment Marine Le Pen. En Grande-Bretagne, elle imprègne le camp victorieux du Brexit. Partout, les mêmes sentiments affleurent : hostilité croissante contre les immigrés, offensive permanente contre l’Europe, dénonciation violente des sociaux-démocrates et des conservateurs modérés, anti-élitisme virulent, demande d’autorité et de répression, quête d’un chef charismatique, comment ne pas retrouver là les stigmates des années 30 ?
En France, l’extrême droite est devenue le premier parti et les extrémismes de gauche et de droite, dont les attaques haineuses contre les partis de gouvernement convergent, atteignent pour la première fois dans notre histoire un potentiel de 40 %. Quel que soit le président élu l’an prochain, sa base électorale sera exiguë comme jamais. Il s’agit bien, en Europe, comme en France, d’une crise de la démocratie.
Face à ce retour des années 30, on voit de nouveau des pacifistes, des munichois, des compagnons de route, des sympathisants. On voit aussi, comme avant la guerre, des gouvernements démocratiques bousculés, déconsidérés, affaiblis et accablés. On sait bien que la pression migratoire, alimentée par les guerres, la famine et la démographie, va se poursuivre. On ne doute pas que le jihadisme continuera de frapper. Mais comme dans les années 30, les gouvernements démocratiques se battent en ordre dispersé, incapables de s’unir pour résister...
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