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Publié le 24 Août 2012

A Rennes, Chrétiens et Juifs apprennent à mieux se connaître

Par Martine de Sauto, à Rennes ( Journal la Croix, 27 juillet 2012)

 

Environ 200 personnes ont participé du 17 au 22 juillet à la session « Découvrir le judaïsme, les chrétiens à l’écoute », organisée près de Rennes par cinq diocèses de l’Ouest.

Parmi eux, des chrétiens de tous âges souhaitant mieux connaître la tradition juive, mais aussi des juifs désireux de la faire découvrir.

Les services diocésains pour les relations avec le judaïsme ont pour mission la formation des chrétiens aux sources juives de la foi chrétienne

« Je suis comme les Mages qui cherchent la lumière. J’ai déjà suivi plusieurs formations sur le judaïsme et je continue, pour que mon champ de vision s’élargisse et que peu à peu tout s’éclaire  », confie Catherine Jouin, 55 ans, greffière, venue du diocèse d’Angers où elle est engagée dans sa paroisse. 

 

 « Je sais que nous sommes le fruit du judaïsme, mais je ne connais que les bases », reconnaît de son côté Yann-Yves Le Bars, 23 ans, étudiant en histoire venu avec son oncle Yvonnick, 66 ans, qui cherche, lui, à « donner du sens aux mots de la Bible ». « Je suis dans un entre-deux, explique enfin Mireille Cohen, 45 ans, enseignante d’origine juive, qui a choisi en 2000 de devenir chrétienne orthodoxe. J’essaie de redécouvrir les sources juives, sans perdre le trésor de l’orthodoxie. »  

 

Comprendre l’évangile « replongé dans son milieu d’origine, la culture du peuple juif »

 

Ces témoignages reflètent la diversité de ceux, jeunes et moins jeunes, catholiques, protestants, orthodoxes ou juifs, qui ont participé, la semaine dernière au centre d’accueil La Hublais près de Rennes (Ille-et-Vilaine), à la session « Découvrir le judaïsme, les chrétiens à l’écoute » . Environ 200 inscrits, plus quelques autres venus à la journée. Et une quarantaine de jeunes logés sous la tente, bénéficiant d’un programme adapté.

 

Les participants ont suivi les enseignements donnés par des grands témoins, chrétiens et juifs. Quel que soit leur niveau de connaissances ou d’engagement dans le dialogue, ils se sont laissés bousculer, conscients, comme l’a rappelé le P. Michel Remaud, théologien, directeur fondateur de l’Institut chrétien d’études juives de Jérusalem, que « l’Évangile lui-même n’est pas pleinement compréhensible s’il n’est replongé dans son milieu d’origine, qui est la culture du peuple juif  », et que « vouloir isoler l’Évangile du peuple où il a été prêché, c’est faire une véritable vivisection. » 

 

Ils ont également pu exprimer leurs enthousiasmes ou leur malaise face aux déplacements qu’entraîne la prise en compte de l’Alliance irrévocable conclue entre le Dieu unique et le peuple qu’il s’est choisi et qui garde envers et contre tout son identité de « peuple sacerdotal ». 

 

Ouvrir « un vrai chemin de fraternité »

 

Jeudi 19 juillet, journée consacrée à la Shoah, une marche silencieuse les a par ailleurs menés à la synagogue de Rennes où avait lieu la commémoration de la rafle du Vél’ d’Hiv. Moment intime de questionnement où certains se sont demandé : « Qu’aurais-je fait ? », et, comme le confie une participante, «  à quel niveau de profondeur se cache en moi, comme en chacun, l’oreille capable de se laisser séduire par des voix qui conduisent insidieusement à de tels crimes  » 

 

Pourtant, ce qui, de l’avis de tous, a fait la force et l’originalité de cette session, c’est aussi et surtout le « vivre-ensemble » qui a ouvert « un vrai chemin de fraternité ». 

 

Durant cinq jours, chrétiens et juifs ont certes étudié, échangé, chanté ensemble et écouté les prières de l’autre, mais ils ont également partagé la même table : près de 2 200 repas casher préparés et servis sur place sous le contrôle ferme autant que bienveillant de Yehuda Berdugo, aumônier aux armées et certificateur de la cacherout, avec l’aide de son épouse Myriam et de Martine Azéroual, épouse du président de la communauté juive de Rennes.

 

Les bougies du shabbat allumées par les Chrétiens

 

Vendredi soir, les chrétiens ont également été invités pour l’entrée du shabbat, à l’allumage des bougies et à l’office à la synagogue, pour l’occasion aménagée dans une salle du centre d’accueil. Puis, après les bénédictions sur le vin et le pain, a suivi un repas entrecoupé de lectures de la Torah et de chants. 

 

Même chose le samedi, introduit par la liturgie du shabbat, et marqué du respect des interdits fondateurs qui permettent le repos, l’étude, la disponibilité à l’autre. Une expérience « incroyable » pour beaucoup qui ont alors perçu « de l’intérieur » le sens, la richesse, la beauté de ce jour de repos, de respiration, de joie et de recueillement. Autre originalité, la présence de jeunes. Thierry Colombié, membre du Service des relations avec le judaïsme du diocèse de Nantes et du comité directeur de l’Amitié judéo-chrétienne de France (AJCF), véritable cheville ouvrière de la rencontre, en a fait une priorité. « On est à l’aube d’une nouvelle voie pour l’Église, explique-t-il. Les jeunes ne sont pas encombrés de préjugés théologiques anti-judaïques comme l’ont été les générations précédentes. À nous de leur transmettre le désir d’apprendre à écouter nos frères aînés dans la foi, “nos frères préférés” comme disait Jean-Paul II. » 

 

S’engager pour le dialogue

 

 « Il est important que les jeunes s’engagent dans le dialogue entre juifs et chrétiens, confirme Stéphanie Dassa, 38 ans, chargée de mission au Crif et membre du comité directeur de l’AJCF. Mais, insiste-t-elle, il faut que les juifs « osent rompre le cercle de la solitude dans lequel ils se sont souvent enfermés par crainte de se défaire ou de se dissoudre dans le dialogue avec l’autre », et que les chrétiens fassent connaître aux jeunes « les textes et les gestes forts qui ont permis au dialogue judéo-chrétien d’exister et de s’approfondir après vingt siècles d’incompréhension, de rejets, de haine. »  » 

 

Une vingtaine de scouts catholiques de 15 à 18 ans étaient présents à La Hublais, auxquels s’étaient joints des 18-26 ans venus à leur propre initiative. Parmi eux, Bernadette Drapeau, 26 ans, professeur des écoles. « Je viens de passer deux ans près de Jérusalem en tant que volontaire de la Délégation catholique pour la coopération,  explique-t-elle. J’y ai découvert un judaïsme vivant qui m’a interpellée, qui a questionné et émondé ma foi. ça me donne une responsabilité en tant que jeune. » 

 

Des sessions ouvertes à tous

 

Le service diocésain pour les relations avec le judaïsme du diocèse de Nantes avait organisé une première session en juillet 2010. La session de 2012 a impliqué cinq diocèses (Rennes, Angers, Nantes, Saint-Brieuc et Luçon). Ces sessions, innovantes, notamment parce qu’elles s’adressent non pas aux spécialistes mais à tous les chrétiens d’un diocèse, ont bénéficié des soutiens du Service national pour les relations avec le judaïsme et de l’Amitié judéo-chrétienne de France (AJCF).

 

Les services diocésains pour les relations avec le judaïsme ont pour mission la formation des chrétiens aux sources juives de la foi chrétienne, à la connaissance du judaïsme et aux réalités juives d’aujourd’hui, ainsi que le lien avec les communautés juives locales.

 

Source: http://www.ajcf.fr/spip.php?article1311