Pour le député de l'Essonne, auteur d'un rapport sur la radicalisation, l’État doit monter d'un cran dans les réponses à apporter.
Interview de Malek Boutih publié sur Atlantico le 17 juillet 2016
Atlantico : Au lendemain de l'attentat de Nice, François Hollande et Manuel Valls ont décidé de prolonger l'état d'urgence et de renforcer l'intervention française en Syrie et en Irak. Comment jugez-vous cette réaction ? Et qu'avez-vous pensé de ce nouvel attentat ?
Malek Boutih : Ce sont les réactions qu'il fallait prendre au lendemain des attentats. Mais il est clair qu'il faudra augmenter ce niveau de réponse.
Je ne fais pas partie de ceux qui sont vaccinés contre la tristesse face à un tel événement, surtout quand des enfants en bas âge sont touchés. D'une manière générale, je pense qu'il faut toujours essayer de comprendre l'impact réel de ces attentats et ne pas se limiter à les analyser.
Beaucoup de Français ont dû se réveiller en se projetant eux-mêmes et en se disant : nous aurions tous pu être sur la promenade des Anglais le 14 juillet au soir.
J'entends beaucoup de formules qui reprennent l'idée que "personne n'est à l'abri". Je pense qu'elles démontrent combien nous avons profondément changé de période politique dans notre pays, et que nous devons en tirer les conséquences. Ainsi, des mesures exceptionnelles devraient être prises par le gouvernement. Je mets de côté les questions de sécurité et de renseignement sur lesquelles on s'exprime beaucoup trop, parfois pour dire n'importe quoi. Je pense qu'il nous faut une nouvelle politique de défense, qui impliquerait davantage la société française. C'est pour cela que je préconise l'instauration d'une Commission nationale de défense et de sécurité, qui associerait toutes les forces politiques du pays pour qu'il ne soit pas l'otage, à l'occasion de l'élection présidentielle à venir, de la pression terroriste. On voit bien que la montée en puissance des attentats correspond au calendrier politique de notre pays. Il faut un front uni, une unité nationale qui ne s'appliquerait pas à tous les sujets, mais à certains d'entre eux. L'opposition, la majorité ainsi que toutes les forces politiques doivent être associées aux informations et aux décisions structurantes pour la politique de défense nationale (à l'étranger ou sur le sol intérieur).
Un gros travail a été fait sur le renforcement de l'appareil sécuritaire. Celui-ci doit continuer. Mais il ne faut pas vendre aux Français des idées qui n'auront pas d'effet à court terme, ou pire des gadgets comme l'idée d'un FBI ou d'une CIA à la française. En revanche, la détection de la radicalité est devenue un enjeu primordial contre le terrorisme. Nos forces de sécurité intérieure peuvent surveiller, mais pas intercepter tous les individus. La détection doit passer, en amont, par un dispositif adapté et qui implique la société. Les corps d'Etat et les acteurs publics doivent y figurer au premier plan. Car la détection de la radicalité ne peut pas être qu'occasionnelle ou hasardeuse comme aujourd'hui. On doit constituer un maillage plus fin qui irait jusqu'à impliquer les familles même. Il ne faut pas non plus chercher à détecter des terroristes, car aujourd'hui ce processus est trop rapide, on peut décider de devenir un tueur, basculer dans la violence en quelques semaines. Tous les exemples le prouvent.
On peut, en revanche, détecter ceux qui portent les idées qui y mènent : le complotisme, l'antisémitisme, une vision radicale de la religion, un discours anti-patriotique et anti-français tenus par des individus qui vivent pourtant dans notre pays... Car c'est parmi les personnes qui tiennent ces discours que se trouvent ceux qui basculeront dans le terrorisme.
Il existera toujours une minorité pour dire que la réponse sécuritaire opprime les libertés en France, mais elle est marginale. Il nous faut constituer un bloc très solidaire, et évacuer le débat purement politicien sur les questions de sécurité pour aller vers plus de facilité. La meilleure idée pour protéger le pays doit être prise, peu importe d'où elle vient. Le message qui doit être porté est de deux ordres : premièrement, il n'y aura pas l'ombre d'un espace au sein de la démocratie française pour influencer l'élection présidentielle et les grandes décisions des Français. Deuxièmement, il faut resserrer les liens, et faire en sorte que certaines "libertés", dont ces individus en processus de radicalisation pouvaient profiter, doivent être réduites au maximum, pour leur couper l'oxygène à la base...
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