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Publié le 14 Janvier 2013

Un quotidien iranien appelle le Régime à faire des compromis sur le nucléaire

MEMRI Middle East Media Research Institute - Dépêche spéciale n° 5105

 

Dans son éditorial du 18 décembre 2012, le quotidien conservateur modéré Ebtekar critiquait l’approche intransigeante du régime iranien, sous la direction de Khamenei, aux négociations nucléaires avec le 5+1 et l’AIEA. L’éditorial affirmait que cette approche, qui considère les négociations comme une bataille, mène à l’impasse ou à la défaite, et exhortait le régime, en vue de la nouvelle série de pourparlers prévus pour la mi-janvier 2013, à adopter une attitude favorable aux compromis et concessions.

Nous… espérons parachever les modalités de l’accord et commencer à le mettre en application sans plus tarder

Ce type de critiques est rarement exprimé dans les médias iraniens, et si l’éditorial a d’ores et déjà été cité sur plusieurs sites, il n’a pour l’heure suscité aucun débat dans le pays.

Voici des extraits de l’éditorial : [1]

 

« L’expérience... montre que le début de l’année chrétienne et celui de l’année persane [en mars] sont toujours une période propice au dialogue et aux tentatives de compromis »

 

 « L’expérience accumulée au fil des ans depuis le début de la crise nucléaire entre Téhéran et l’Occident, avec ses hauts et ses bas, montre que le début de l’année chrétienne et celui de l’année persane [en mars] sont toujours une période propice au dialogue et aux tentatives de compromis. Plus [les journées de] janvier et des autres mois d’hiver sont froides et courtes, plus les espoirs d’une négociation [réussie] sont chauds.

 

Cela a été confirmé cette année également. Juste au moment où les pourparlers techniques avec l’AIEA et les entretiens politiques avec les 5+1 tombaient dans l’impasse, et où les rumeurs [commençaient à circuler] sur une guerre [imminente] et une attaque de l’armée israélienne [contre l’Iran], Noël se profilait à l’horizon, et d’un coup, les diplomates occidentaux, connus et anonymes, ont indiqué qu’un accord avait été conclu sur les deux fronts [avec l’AIEA et avec le 5+1] quant à la poursuite des négociations sur le nucléaire.
Les représentants de l’AIEA, arrivés à Téhéran quelques jours plus tôt, souriaient de satisfaction [promettant de] renouer le dialogue avec l’Iran fin janvier, et exprimaient l’espoir de parvenir à un accord sur les modalités qui permettraient de résoudre les différences [entre les deux parties], après avoir parlementé [avec les Iraniens] de tous les détails derrière des portes closes.

 

En ce qui concerne le 5+1, des rapports indiquent que leurs représentants se sont mis d’accord sur un ensemble de nouvelles propositions pour l’Iran. De même, Helga Schmidt, adjointe de la [ministre des Affaires étrangères de l’UE] Catherine Ashton, a transmis quelques points de ces propositions dans une conversation téléphonique avec [Ali] Baqeri, secrétaire adjoint du Conseil suprême de la sécurité nationale iranien, au nom du groupe des 5+1, et affirmé que les deux parties avaient même fixé une date pour une reprise des négociations dans les semaines à venir, à savoir à la mi-janvier.

 

De retour à Vienne [d’Iran], le directeur général adjoint de l’AIEA, Herman Nackaerts, a déclaré aux journalistes : ‘Nous… espérons parachever les modalités de l’accord et commencer à le mettre en application sans plus tarder. Le représentant iranien de l’AIEA, Ali Asghar Soltanieh, a également décrit les négociations [avec l’AIEA] comme positives et constructives, n’ajoutant aucune autre explication.’ »

 

Toutefois, l’expérience nous enseigne [aussi] que les négociations nucléaires se poursuivront [probablement] encore de nombreuses années

 

« Comme par le passé, la nouvelle année chrétienne apporte avec elle un nouvel espoir de voir la glace se briser dans les relations diplomatiques entre l’Iran et l’Occident, et de clore le dossier nucléaire [iranien] une fois pour toutes. Toutefois, l’expérience nous enseigne que les négociations nucléaires se poursuivront [probablement] encore de nombreuses années... [En fait], les deux parties rencontrent déjà des obstacles et des réserves, chacun [suffisant] à étouffer tout optimisme sur [une possibilité d’] entente et de dialogue - d’autant plus que, si les négociations sont sur le point de reprendre, les diplomates anti-[dialogue] des deux côtés n’ont pas chômé.

 

Il existe des réserves quant à la possibilité de réussite de ce dialogue : [il n’aboutira que] si la partie occidentale ne tarit pas de propositions, et n’aborde pas les négociations les poings serrés ; si le côté américain s’abstient de renforcer les sanctions économiques qui pèsent sur le  quotidien des Iraniens, tout en annonçant sa volonté d’entamer des pourparlers bilatéraux directs avec Téhéran... et si, tel un acte d’instauration de confiance, il supprime rapidement ces limitations, destinées à [miner] l’existence quotidienne des Iraniens... ; si les modalités de l’accord consenties après des heures, des jours et des mois de négociations techniques et nucléaires ne sont pas torpillées par un veto sous table ou par une opposition et des obstacles émis des deux côtés de la table ; et si les deux parties ne négocient pas juste pour le plaisir de négocier, mais reconnaissent plutôt que des concessions mutuelles sont un principe de base à des négociations efficaces débouchant sur une solution...

 

Ce ne sont là que quelques-uns des [écueils] potentiels qui guettent déjà les discussions techniques et politiques, et peuvent influer sur le cours [de ces négociations] à n’importe quel moment. [En outre], ces derniers jours, alors que les réunions [avec les représentants de l’AIEA] à Téhéran ont commencé, certains militants politiques et journalistes dans le pays ont exprimé des critiques et des mises en garde implicites quant au dialogue, utilisant des expressions comme « [boire] la coupe de poison ». [2] Ils ont affirmé que certains politiciens essayaient de faire avaler une coupe du poison au leader [iranien Ali Khamenei] dans le cadre du dialogue nucléaire. Cette position critique peut aussi être considérée comme une réserve et un obstacle [qui risquerait d’entraver les négociations, comme ceux énumérés ci-dessus]. »

 

« Nous devons convenir que des expressions comme « tout ou rien » appartiennent au registre du champ de bataille - et que la table des négociations n’a rien d’un champ de bataille »

 

« La vérité est que, si l’une des parties sur la scène diplomatique arrive à la table des négociations avec ‘tout ou rien’ en tête, n’accepte pas le principe ‘concessions contre concessions’ comme base des négociations en vue d’un accord, et utilise des expressions comme ‘céder’ ou ‘coupe de poison’ - [alors cette partie] ferait mieux de s’éloigner de la table et ne pas prétendre vouloir participer aux négociations, car une telle attitude finira par mener à la défaite ou à une impasse. Si l’on choisit [de s’asseoir à] la table des négociations, il faut accepter les règles du jeu et avoir une vision réaliste de ce que l’un peut gagner et l’autre donner.

 

La lutte diplomatique est [animée par] le dialogue sur les questions connexes ; ainsi, les [positions] absolutistes n’y ont pas leur place. Nous devons convenir que des expressions comme ‘tout ou rien’ appartiennent au registre du champ de bataille. Et que la table des négociations n’a rien d’un champ de bataille. » 
 

[1] Ebtekar (Iran), le 18 décembre 2012.

[2] Cette expression a été utilisée par l’ayatollah Khomeiny en 1988 pour exprimer combien il lui était difficile d’accepter la trêve avec l’Irak, négociée par l’ONU, qui a mis fin à la guerre Iran-Irak.

 

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