Actuel de la Shoah - témoigner de l’impensable

 

Troisième rencontre organisée à lENS par Psychanalyse Actuelle

Samedi 9 et le dimanche 10 février 2013

École normale supérieure

Salle dussane - 45, rue dULM 75005 Paris

 

Samedi 9 février 2013 à partir de 17h30

Projection du film The Memory of Justice en présence de son auteur Marcel Ophuls.

 

Dimanche 10 février 2013 de 9h30 à 19h

Débats et interventions avec : Marcel Ophuls - Beate Klarsfeld - Serge Klarsfeld - Marceline Loridan-Ivens Annette Wieviorka (Historienne) - Le Père Patrick Desbois (Président de Yahad In Unum) - Georges-Arthur Goldschmidt (Écrivain) - Georges Bensoussan (Historien) - Jonathan Hayoun (Président de lUEJF) - Béatrice Benhamou-Prasquier (Historienne) - Jean-Marc Dreyfus (Historien) - Bernard Toboul (Psychanalyste) - Olivier Douville (Psychanalyste, Anthropologue).

 

Et les membres du comité d'organisation du colloque : Judith Cohen Solal (Psychanalyste) - Raphaël Haddad (Conseil en communication) - Éric Halimi (Journaliste) - Anne-Marie Houdebine (Psychanalyste, Sémiologue) - Maria Landau (Psychanalyste) - Françoise Moscovitz (Psychanalyste) - Jean-Jacques Moscovitz (Président de Psychanalyse Actuelle, Psychanalyste) - Claude-Noële Pickmann (Psychanalyste) - Arielle Schwab (Consultante) - Fred Siksou (Éditeur).

 

Argument

 

Après nos deux premiers temps d« Actuel de la Shoah » en mars 2001 et avril 2008, par cette 3ème rencontre nous voulons élaborer les conséquences complexes dans notre actuel de la Shoah : à ce qui, bien que nommé, ne s'inscrit pas ou mal dans la parole, séjourne en creux, à notre insu, en chacun de nous.

 

État des lieux

 

On constate quil existe de très nombreuses réalisations culturelles, académiques, scolaires visant à la transmission de la mémoire de la Shoah. Pourtant il y a une difficulté dans la manière den transmettre aussi bien sa mémoire que son histoire.

 

Ces démarches illustrent léventail des modes de transmission, des approches plus pathétiques aux plus descriptives, des scénarisations parfois obscènes à linvitation au travail par la suggestion et par lacceptation de son irreprésentabilité.

 

Cet éventail se retrouve notamment dans le cinéma avec dun côté certains films à succès qui visent à la vulgarisation (mais acceptent parfois pour renforcer lidentification ou la romance, de reprendre à leur insu les points de vue induisant la fascination et limpudeur), et de lautre la pudeur de films comme celui de Marcel Ophuls ou de celui de Claude Lanzmann, qui suggèrent limpossible à montrer pour comprendre ce quest la Shoah.

 

Cette identification qui cherche à tirer des larmes pose problème : quen reste-t-il, dans la mesure où elle évacue la question de la responsabilité individuelle ou collective, nécessaire à la transmission de lHistoire de la Shoah.

 

À force démotion et de ressassement, cette question ne sépuise-t-elle pas dans limage, dans les récits, dans les écrits ou même dans les voyages en Europe de lEst? De telle sorte que nous voilà confrontés à des : « Je sais déjà, jen ai trop entendu », voire même« jai déjà vu le film » alors même que ce nest pas le cas.

 

Objectifs de cette journée, plusieurs interrogations sur la mémoire de la Shoah

 

Comment la Shoah sinscrit-elle aujourdhui dans la société?

 

En quoi change-t-elle mon être au monde ? Comment en suis-je sans cesse affecté ?

 

Un travail dactualisation permanente de la transmission et de la mémoire est nécessaire : construire un temps de réflexion sur une approche qui serait spécifique à la France ? Une approche qui laisse place à lintime, qui supporte lintime sur cette question.

 

Cette démarche est essentielle aujourdhui, elle ne constitue pas uniquement un hommage, un devoir : elle est aussi féconde pour le présent : et la Deuxième Guerre mondiale et la Shoah sont au fondement de lEurope. De plus, aujourd'hui, dans son actualité avec les Roms, les Arabo-musulmans et les Juifs, la lutte contre le racisme et lantisémitisme ne peut se passer de la connaissance de cette histoire, avec le délicat équilibre entre la pleine conscience de sa spécificité et la possibilité den tirer des leçons.

 

Le fil conducteur de ces journées est la transmission dans lactuel entre Histoire et intime. Comment chacun est-il touché et interrogé par la destruction des Juifs dEurope ? Quen est-il collectivement quand échappe une dimension essentielle : celle de laltérité désignée comme devant être effacée.

 

Freud avance que lincomplétude de lhumain trouve deux sortes de réponses : soit les armes et la violence et cest la Barbarie qui guette lhumanité, soit le droit et la parole, et cest la Civilisation qui sinstaure, aussi fragile soit-elle.

 

Marcel Ophuls dans son film y fait écho en nous donnant à voir des images inoubliables du Procès de Nuremberg car là se découvre limmensité des crimes que le Droit aussi utopique quil soit- inscrit dans lHistoire.

 

Mais comment questionner lintime sans recourir à lidentification mortifère ? Au voyeurisme ? Comment transmettre lHistoire, sa spécificité, son indicibilité, son ampleur de destruction, sans se priver pour autant des histoires individuelles et de la tragédie quelles portent ?

 

Actuel de la Shoah

 

Cest repérer combien dune certaine manière le point de vue de lennemi de lhumanité nous attend à tous « les coins et recoins» de la transmission :

 

- Dun côté, lenseignement par la technique, les chiffres, les faits, qui permettent dappréhender la spécificité de la Shoah et de la destruction absolue, de la raconter à son tour, et dassurer ainsi une pérennité de la transmission. Mais ce mode fait courir le risque de reprendre à son compte la violence des processus de destruction, et de nier lhumain.

 

- De lautre, lenseignement par les histoires individuelles, qui touche un grand nombre de gens et diffuse le sujet. Mais cette manière daborder lHistoire, fait courir le risque de lidentification et du pathos. Et alors quen reste-t-il pour une construction politique de la mémoire, face au négationnisme ou à lantisémitisme ?

 

Alors quels mots ?

 

Difficulté et ambivalence de la transmission se retrouvent dans le langage, dans les mots qui tentent de dire la Shoah. Rappelons que ce nom indique leffectuation des crimes et la sépulture de chacune des victimes assassinées dans les chambres à gaz. Comment le langage négateur de lhumain est-il transmis, par exemple avec la notion de « camps de concentration » au lieu de « camps dextermination » ? Jusquoù faut-il ne pas aller ? Autre exemple, un certain raisonnement de causalité semble admis dans la phrase : « Morts parce que Juifs » : « morts parce quils ont été tués » plutôt !

 

Avec Shoah comme mot nouveau arrivé dans nos langues, se produit un apaisement, qui nous extirpe, chacun, du monde de la mort qui a été voulu, construit, puis nié. Par ce mot nous nous trouvons hors du terrain négateur de lhumanité, et de lhistoire. Nous trouvons dautres traces à suivre ou à sillonner que celles des assassins pour transmettre ou recevoir.

 

Aujourdhui, la tuerie de Toulouse que lon nomme à tort « Affaire Merah », constitue un autre exemple de ladoption dans le langage du point de vue de lassassin. Ce qui nous oblige à lutter contre lantisémitisme et le racisme après ce pan dHistoire rompue.

 

Claude Lanzmann invente un mot qui fait rupture dans la langue française, la troue dans son oralité (le hiatus des voyelles) comme dans son écriture (« Sh »), éjecte le mot Holocauste, donne un sens inouï à cet événement. Ce mot, immaîtrisable, crée un signifiant nouveau, et réinvente la transmission. Il nous fait relire, revoir, recevoir au plu juste ce qui précède une telle œuvre, notamment Memory of Justice.

 

Forts de ce mot Shoah, comment transmettre aujourdhui ? 

 

Faut-il transmettre à tout prix ? Ce film est un index pointé sur la transmission en renonçant au pathos, ce qui rend cette démarche difficile. Au point den éloigner certains, la jugeant « élitiste ».

Se pose alors une question importante à lheure où lon est tenté parfois de renoncer à mener la bataille : comment éviter de lâcher cette question ? Et comment sarmer pour répondre à ceux croiraient en savoir assez ou trop

 

Les journées « Actuel de la Shoah » invitent à lélaboration de ces approches pour trouver ensemble des voies vivantes, pour penser des actions qui ne nous laissent pas silenciés devant le vacarme du monde.

 

Texte établi par le comité d’organisation : Judith Cohen Solal, Raphaël Haddad, Eric Halimi, Anne-Marie Houdebine, Maria Landau, Françoise Moscovitz, Jean-Jacques Moscovitz, Claude-Noële Pickmann, Arielle Schwab, Fred Siksou.

 

The memory of justice: une introduction au film

 

"The Memory of Justice" de Marcel Ophuls (1976) na été vu que très récemment, ce qui nous invite à le voir/revoir ensemble lors de ces journées dans une rétroaction dautant plus constructive, semble-t-il, quelle nous renvoie « Au chagrin et à la pitié ». Ce qui nous montre combien le cinéma venu dauteurs français est notre héritage et ô combien précieux pour nous. Ce dont nous voulons faire part avant de nous laisser surprendre par de tels enseignements dont la force et linsistance ne viennent pas du cinéma par hasard.

 

Comment filmer les mots qui font lactuel de notre temps, comment le cinéma nous invite à le faire, le dire, le voir avec lui, avec le regard de Marcel Ophuls dans The Memory of Justice.

 

Il sagit de ce quil sest passé en 1939-45 dans lEurope nazifiée, la Shoah, d’est en ouest. Nuremberg en 1935 : doù sont parties les lois du meurtre des juifs, des malades mentaux. Comment les Allemands, de qui sont venus les ordres, les méthodes, les actes de tuer, ont-ils su, voulu savoir, ne pas savoir, effacer les traces, et aussi pour dautres comment les formuler en paroles.

 

Comment la parole et le Droit sont dans ce film mis en images, celle du Procès de Nuremberg en 1946-48 organisé par les Alliés.

 

Acte dhumanité pour dire la-humanité, les Images de cinéma du Procès mettent ici en paroles la justice face à notre mémoire, non pas maîtrise de lHistoire, mais bien une mise au présent, en un présent qui nous tient par défaut en un mouvement qui nous invite sans atermoiement à laccueillir sans cesse, sans conclure, sans le constituer en un objet de science. Lart du cinéma, art majeur et amplifié depuis Shoah de Lanzmann et The Memory of justice de Marcel Ophuls, dit notre existence dans le monde daujourdhui.

 

La caméra de Marcel Ophuls ici déploie notre actuel en filmant comment les Allemands en parlent entre eux, et surtout en récurrences qui scandent le film, des séquences des paroles du Procès, des accusés, des présidents du TMI, des témoins, séquences des gens vivant en Allemagne après les crimes, admirateurs du nazisme, ou au contraire des jeunes qui disent comment ils le pensent, accusent, en reçoivent lécho de leurs parents ; séquences où le danger de suicide guette séquences des familles qui se racontent l évènement séquences aussi sur le Vietnam, lAlgérie.

 

Acte de cinéma, de parole, dengagement à dire sans cesse, acte politique pour nous, pour lEurope

 

Actuel de la Shoah - témoigner de limpensable

Troisième rencontre organisée à lENS par Psychanalyse Actuelle

 

Programme: 

 

Samedi 9 février 2013

"The Memory of Justice"

 

17h30:

Accueil des participants

Ouverture du colloque par Jean-Jacques Moscovitz

Allocution d’ouverture par Guillaume Bonnet Directeur Adjoint Lettres de l’École Normale Supérieure

Accueil de Marcel Ophuls

18h - 22h10:

Projection du film “The Memory of Justice”

22h10 - 23h:

Échanges entre la salle et Marcel Ophuls

En présence de Beate Klarsfeld et Serge Klarsfeld

 

Dimanche 10 février 2013 matin

Entre créer au cinéma, en recevoir les effets pour le spectateur, et élaborer un savoir sur ce quil sest passé Quelle responsabilité du spectateur ?

 

9h30:

Accueil des participants

"The Memory of Justice" : rappel par Fred Siksou des temps forts de la projection et des échanges de la veille.

10h:

Intervention d’Annette Wieviorka : «Les Procès de Nuremberg»

10h30:

Débat en présence de Marcel Ophuls sur l’histoire, le parcours du film en Allemagne, en France, aux USA… Avec Marceline Loridan-Ivens, Fred Siksou, Jean-Jacques Moscovitz, Anne Marie-Houdebine. Modérateur : Éric Halimi

Échange avec la salle

 

13h: Pause déjeuner

 

Dimanche 10 février 2013 après-midi

Faut-il transmettre à tout prix ? Plus on en parle, mieux cest ? Quelles responsabilités entre individuel et collectif ? Quels sens prévalent aujourdhui ?

 

14h15:

Table ronde : Ouverture par le Père Patrick Desbois.

Béatrice Benhamou-Prasquier, Olivier Douville, Jonathan Hayoun, Bernard Toboul. Modérateur : Éric Halimi

Dialogue à la tribune et avec la salle

16h: Pause

Quels mots pour le dire ?

Entre intime et politique ? Rôle du cinéma ? Maladresses, usages/mésusages et torsion du langage (cf. tuerie de Toulouse) ? Impact des médias ?

16h15:

Table ronde : Ouverture Georges Bensoussan

Jean-Marc Dreyfus, Maria Landau, Claude-Noële Pickmann. Modératrice : Judith Cohen Solal

Dialogue à la tribune et avec la salle

18h15:

Lecture de Eurêka ! ,  texte de Imre Kertész, par la comédienne Valérie Halimi.

18h30:

 Georges-Arthur Goldschmidt : « de la destruction de la langue allemande »

18h45:

Conclusion et projets par Anne-Marie Houdebine

 

Discutants pour lensemble des journées : Arielle Schwab, Françoise Moscovitz, Raphaël Haddad.

 

Les œuvres de KLICLO, artiste plasticienne, seront exposées durant le colloque.

 

Pas d'inscriptions sur place. Le nombre de places est limite, il est impératif de s'inscrire par avance au colloque.

 

Bulletin d'inscription à télécharger et imprimer.

Informations ici sur le site de Psychanalyse Actuelle  - Mail : actuelinfos@gmail.com

Du Samedi 09 Février 2013 au Dimanche 10 Février 2013
09h30 - 22h30
45, rue d’ULM 75005 Paris
actuelinfos@gmail.com
Psychanalyse Actuelle