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Publié le 18 Décembre 2002

<i>« Le nouvel homme islamiste. La prison politique en Iran »</i> de Chahla Chafiq

Chahla Chafiq faisait partie de ces intellectuels iraniens qui s’opposèrent au régime du Shah. A l’époque, Chahla Chafiq ne ménageait pas sa peine et ne cessait de clamer ce que le pouvoir impérial pouvait avoir d’oppressif et de sanguinaire.



Puis vint la révolution de 1979, dont elle rappelle éloquemment les conditions qui ont permis et la victoire et le retour de l’Ayatollah Khomeyni en Iran. Cette révolution s’est faite, écrit-elle dans son livre (1), « au nom des « déshérités » et de ceux que la corruption du régime impérial avait laissé sur le bord du chemin. De nombreux intellectuels marqués à gauche, ainsi que des musulmans modérés l’ont soutenue. Les uns espéraient pouvoir déborder le régime théocratique, les autres pensaient sincèrement à une cohabitation harmonieuse entre le pouvoir islamique et la démocratie. Beaucoup d’entre eux ont fini dans les geôles du régime. Car, pour imposer leurs vues, les mollahs n’ont pas plus épargné les musulmans que les « non croyants ».

Son récit est basé sur des témoignages multiples et toujours terriblement douloureux d’opposants iraniens et d’études diverses. Dans ces pages poignantes, troublantes, affreuses, la sociologue raconte de quelle manière les religieux iraniens ont utilisé la prison et les peines coercitives, pour façonner et endoctriner une population entière. Les opposants, les suspects, les sans grades tout comme les puissants allaient subir les contraintes psychologiques et physiques : les tortures les plus barbares, les humiliations des plus dégradantes, des femmes seraient violées.

Tous ceux et toutes celles qui pouvaient encore douter et/ou qui oseraient braver Khomeiny, seront brisés dans leur humanité ; leurs os seront brisés, leurs âmes déchiquetées, leurs familles tenues en otage. Le régime veut façonner le pays, fabriquer de « bons » musulmans qui se « repentent » de leurs erreurs passées. Jusqu’à ce qu’enfin, ils fassent allégeance à la révolution khomeyniste. Le livre témoigne des simulacres de procès, des sentences monstrueuses prononcés par les instruments du pouvoir que sont les tribunaux révolutionnaires, d’un monde désincarné.

« Mon livre », dit-elle, « évoque aussi cet aspect des choses et souhaite nourrir le débat sur l’idéologie islamiste qui, en Iran, a trouvé un « laboratoire » idéal pour exercer son pouvoir. »

(1) Chahla Chafiq, Le nouvel homme islamiste. La prison politique en Iran, Editions du Félin, 2002.

Marc Knobel

Observatoire des médias