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Publié le 3 Février 2003

<i>Les Arabes, de La Mecque aux banlieues de l’Islam</i> Un dossier spécial de <i>L’Histoire</i>

Du Maroc à l’Irak et au Golfe d’Oman, le monde arabe compte aujourd’hui 280 millions d’habitants, qui ont en commun une langue, une culture, une histoire. Celle-ci commence en Arabie, chez les bédouins, dans l’univers des oasis et du désert. Où, au VIIe siècle, naît une nouvelle religion, l’Islam.



Mais qu’est ce qu’un Arabe ? En général, on l’associe à la religion musulmane. Pourtant la grande majorité des musulmans ne sont pas arabes et les Arabes ne sont pas tous musulmans. Le numéro spécial de L’Histoire consacré aux « Arabes, de La Mecque aux banlieues de l’Islam » s’applique d’abord à répondre à cette question d’identité. Une question qui intéresse les Français au premier chef puisque environ 4 millions d’habitants de leurs pays, compatriotes et immigrés, sont issus du Maghreb.

Dans un premier article, Christian Julien Robin, Directeur de recherches au CNRS, nous explique qui sont les premiers Arabes : il y a trois mille ans, des agriculteurs et des pasteurs nomades vivant aux marges du désert. Des tribus qui parlent des langues apparentées mais adorent chacune leurs dieux. Sans avoir conscience d’appartenir à un même ensemble. Puis l’Islam vint.

Gabriel Martinez-Gros, professeur à l’Université Paris VIII, montre à quel point la nouvelle religion fondée au VIIe siècle par Mahomet, fit des tribus d’Arabie un peuple qui va bâtir un empire et diffuser la langue du Coran. Dans un entretien qu’il accorde à la revue, Ahmed Djebbar, professeur à l’Université de Lille I, rappelle que, durant l’âge d’or, qui a duré cinq cent ans, du IXe siècle au XIIIe siècle, les plus grands savants du monde furent des Arabes.

Pour Julien Loiseau, qui est membre de l’Institut français d’archéologie orientale, les Arabes ont été de prodigieux fondateurs de villes. Des villes qui ont servi de base à leurs conquêtes et accueilli les palais des Califes.

Au XIIe siècle, les Turcs soumettent le monde arabe. Leur domination se prolongera quatre siècles. Une période dé déclin qu’examine Gilles Veinstein, professeur au Collège de France.

Le nationalisme arabe émerge pendant la Première Guerre mondiale. Il devient dans les années 1950 l’idéologie dominante aussi bien au Maghreb qu’au Proche-Orient. Un projet révolutionnaire auquel l’Egyptien Nasser a donné un visage. Mais, selon Henry Laurens, Directeur du CERMOC (Liban), en 1948, la création de l’Etat hébreu provoque dans le monde Arabe un véritable électrochoc. « Le nationalisme arabe semble rencontrer une défaite catastrophique en Palestine, alors que les troupes du jeune Etat israélien battent les armées de l’Egypte, de la Transjordanie, de la Syrie, du Liban et de l’Irak. »

Quelques 50 ans plus tard, l’islamisme est devenu dans le monde arabe « la principale force de contestation politique. » Et, le monde Arabe qui fut auparavant le berceau d’une civilisation brillante ne serait plus aujourd’hui qu’un désert culturel. C’est le constat qui est tracé par l’écrivain Abdelwahab Maddeb : « Un rapport du Programme des Nations-Unies pour le Développement, publié en 2002, en fournit une image terrible. Dans le monde arabe, l’analphabétisme atteint 50 % des femmes. On y traduit seulement 350 livres par an, trois fois moins qu’en Grèce. Et le PNB de tous les pays arabes (pétroliers y compris) vaut moins que le PNB de l’Espagne seule. Au désert culturel s’ajoute la carence de la production matérielle. » Il n’y a aujourd’hui aucune vraie participation des pays arabes aux grandes aventures de l’esprit, soutient l’écrivain. Bien sûr, le monde arabe est capable d’engendrer des individus brillants qui, en Europe, en Amérique, dans les Instituts de recherche, réfléchissent, produisent et créent. Mais ils le font dans l’exil de la langue et du corps.

Un dernier article est à signaler. Coralie Febvre, se demande comment on peut être arabe en France ? Selon la journaliste, l’assimilation culturelle des immigrés d’Afrique du Nord et de leurs enfants serait généralisée mais s’accompagne cependant d’une intégration sociale insuffisante. Tandis que la façon de vivre l’Islam en pays laïc reste toujours l’objet de toutes les interrogations.

Marc Knobel

L’Histoire, n° 272, janvier 2003