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Publié le 30 Juin 2005

Adieu les enfants (1942-1944) Par Serge Klarsfeld (*)

Quelques photos jaunies pieusement conservées, des bouts de papier griffonnés à la hâte et jetées subrepticement d’un wagon de la mort, des lettres tout à la fois naïves et inquiètes rédigées dans un camp de transit. C’est un émouvant florilège que nous confie Serge Klarsfeld dans son récent petit livre.




Quatre parties : « Au Vel d’Hiv », « Dans les camps du Loiret », « Drancy » et « Ailleurs » composent l’ouvrage. Des jeunes gens et des jeunes filles vivent leurs derniers instants, mais ne le savent pas. Herz-Henri Gradstajn, né à Lublin, en Pologne, a quatorze ans quand il entreprend de rédiger un « Journal de vacances d’un lycéen parisien à ses chers parents ». « Cet après-midi le temps s’annonce beau. Nous allons au Bois. Après m’être bien amusé au bord du ruisseau je rentre avec mon camarade. Nous allons consulter les horaires de train à la gare du Nord car vendredi je pars à la pêche ou en pique-nique, je ne sais pas encore, sur l’Oise à Valmondois ».


Quelques heures seulement après avoir écrit ces lignes, Herz-Henri était arrêté, emprisonné à Drancy puis déporté à Auschwitz où il a été assassiné.


Léo, onze ans, originaire de Francfort, a été arrêté à Paris le 16 juillet 1942. Il écrit à son père : « Je n’ai pu t’écrire jusqu’à présent car nous avons été envoyés de Pithiviers à Drancy, et maman, tu dois déjà le savoir, a été déportée de Pithiviers je ne sais où. J’ai eu mon anniversaire ici à Drancy. Pour venir ici, nous avons voyagé dans des trains de bestiaux où nous étions très nombreux dans un wagon ». Léo a été dirigé vers Auschwitz par le convoi n°22.


Anja Schaul, née à Paris, n’a que six ans quand la Gestapo vient l’arrêter dans son école, le 27 janvier 1944. Sur la seule photo qui reste d’elle, c’est un poupon joufflu qui porte encore des couches. En octobre 1942, d’une écriture appliquée, elle écrit à son « cher petit papa » : « Maman est partie. Je suis chez mon institutrice. Je pleure ma maman… J’ai une belle poupée qui dort… Je t’embrasse bien fort ». Elle a été déportée par le convoi n°68.


Sarah Lichtstein, quatorze ans, originaire de Dantzig, et sa mère, ont eu, elles, plus de chance. Elles ont non seulement réussi à s’évader du Vélodrome d’Hiver, mais elles ont aussi survécu à la déportation survenue après deux années de liberté relative.

Des dizaines de récits poignants qui sont autant de témoignages, des photos, des fac-similés. Un document.

Jean-Pierre Allali


(*) 160 pages. 10€. Éditions Mille et une Nuits. Juin 2005.