Avant même de naître, Micheline Herc, encore dans le ventre de sa mère, a déjà un avant-goût des difficultés de la vie. Au septième mois de grossesse, sa mère est victime d’une crise d’éclampsie liée à une toxémie et tombe dans le coma. Contre toute attente on parvient à sauver la mère et la fille qui naît prématurée à sept mois et demi et pèse 1kg200. Pour comble de malheur, elle fait en plus une double pneumonie.
Nous sommes à Varsovie, en 1937, au sein d’une famille juive qui vit, au quotidien, l’antisémitisme rampant qui règne alors en Pologne. Brillant ingénieur, mariée à une juive russe, le père de Micheline sait qu’il faudra quitter le pays. D’autant plus que les bruits de botte se font inquiétants. Hitler est aux portes du pays. La famille Herc décide de fuir. Vers le Nord, vers la Scandinavie. L’errance commence. Les voici à Bialystok puis à Vilna, en Lituanie. Hélas, les Soviétiques envahissent la région et décrètent que les Polonais qui refusent de prendre la nationalité de l’URSS seront déportés en Sibérie. L’ingénieur Herc et son épouse ne veulent pas entendre parler d’un passeport soviétique. Comme des centaines d’autres Polonais, ils sont transférés à Arkhangelsk. Le froid, les habitations précaires. Rien n’est épargné aux déportés. Par chance, la maman de Micheline trouve un emploi de comptable dans une structure collectiviste et se fait bûcheronne. Le père, pendant ce temps, va et vient, on ne sait trop où, à la recherche de passeurs. « C’est ainsi, raconte Micheline Herc, que nous nous sommes enfuis en chariot en direction de la Chine. Mais l’entreprise a tourné court. Et la famille se retrouve en Ouzbékistan puis au Kazakhstan. La petite Micheline, une blondinette, devient un peu la mascotte de la population locale. On lui offre du lait, une denrée précieuse pour la famille. Curieuse de tout, elle observe ces Asiates mongols qui vivent dans des yourtes. Contrairement à la plupart des autres fillettes polonaises, souvent méprisantes et moqueuses, elle apprend leur langue et s’intéresse à leurs coutumes et à leur façon de prier. Les mois et les années passent. La Guerre est finie. Les Herc vont passer encore quelque temps dans la ville de Saïram. En 1946, enfin, ils peuvent regagner la Pologne. Les lieux de l’enfance ne sont plus que des ruines. La famille paternelle a été décimée par la Shoah. Il n’est plus question de demeurer à Varsovie ou à Lodz. Les Herc, apatrides, gagnent Paris. Une nouvelle vie commence pour la petite sauvageonne. Elle a neuf ans, ne parle pas le français, mais elle a la vie devant soi.
Ce récit édifiant et passionnant se lit d’une traite. On regrettera toutefois de nombreuses coquilles qui devraient, on le souhaite, disparaître dans une seconde édition.
Jean-Pierre Allali
(*) Éditions Delatour France. Janvier 2010. 200 pages. 20 euros