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Dès le début, le ton est donné par Georges Bensoussan qui dénonce un discours qui « ruine toute possibilité de coexistence », une « fermeture au monde, corrélée à un antisémitisme obsessionnel » le tout basé sur une panoplie multiforme de supports. « Parce que les sermons et les films, les cassettes et les prêches, les émissions de télévision enfin, sont relayés sans difficulté jusque dans les grandes communautés arabo-musulmanes d’Occident, en France et en Belgique en particulier, l’avenir de la paix civile est aujourd’hui compromis en Europe même ».
Pour Robert S. Wistrich, « le virus antisémite » a « pris racine dans le corps politique de l’islam à un degré sans précédent ». Adaptés à l’écran en 2002 dans un immonde feuilleton égyptien, avec la participation de 400 acteurs, Les Protocoles des sages de Sion, le faux grossier bien connu, en sont à leur 60ème édition en langue arabe et sont en vente libre en terre d’islam.
Du Coran (Sourate 5, 85) qui proclame que « l’hostilité la plus forte contre ceux qui croient provient des Juifs et des idolâtres » au Premier ministre palestinien Abou Mazen, auteur d’une thèse de doctorat soutenue à Moscou et publiée sous le titre « Les liens secrets entre les nazis et la direction du mouvement sioniste », thèse minimisant à l’extrême la catastrophe de la Shoah, en passant par les hadiths pour lesquels, « les Juifs, qualifiés de « descendants de nains et d’anes », conformément à leur nature perfide, ont délibérément causé la mort douloureuse de Mahomet en l’empoisonnant », la cause est entendue : les Juifs sont perfides et malfaisants. Telle est notamment l’opinion du ministre syrien de la Défense, Mustafa Tlass. Dans la préface de son « livre », Le pain azyme de Sion, best-seller souvent réédité, on lit avec effroi que « Le Juif peut vous tuer et prendre votre sang pour fabriquer son pain azyme… »
Cette antienne n’a d’égale que celle qui prétend qu’Israël distribue des chewing-gums et des bonbons contenant une substance destinée à corrompre sexuellement les femmes et les enfants arabes, que les sionistes organisent méthodiquement la diffusion du Sida parmi les jeunes Arabes grâce à l’envoi « de jeunes prostituées juives séropositives » ou encore la théorie du général pakistanais Hamid Gul, selon laquelle le Mossad, les services israéliens du renseignement, était l’auteur de l’attentat contre les tours jumelles de New York. Une théorie du complot relayée par le Jihad Times de Lahore qui a véhiculé la fable selon laquelle les quelques 4000 Juifs et Israéliens travaillant au World Trade Center avaient reçu une directive secrète de ne pas se présenter au travail le 11 septembre.
Les médias arabes publient les dessins « humoristiques » les plus ignobles et les radios, comme les télévisions, de Damas au Caire en passant par Jérusalem-est, diffusent le tube en vogue : « Je hais Israël ».
« Aujourd’hui, affirme, preuves à l’appui, Yossef Bodanski, « les médias officiels de l’Autorité palestinienne sont au premier rang dans la propagande antisémite et l’incitation à la haine ». Quant au mufti de la mosquée Al-Aqsa, Ikrima Sabri, non content de considérer les Juifs comme « descendants de porcs et de singes », il invoque l’Éternel avec conviction : « Ô Allah, détruis l’Amérique, car elle est contrôlée par les Juifs sionistes ! »
Le professeur Raphaël Israéli, décryptant la presse arabe, nous livre jusqu’à la nausée des « perles » insoutenables : « Nous ne pouvons échapper au mal et à la méchanceté des Juifs. Ce sont des créatures impures, une racaille satanique », « Les Juifs sont nos ennemis, et nos cœurs sont pleins de haine pour eux », « Les musulmans doivent préparer leurs enfants au djihad »…
On assiste à une véritable « culture de la mort ». À Gaza, le journaliste américain Jack Kelly a rencontré un garçon de onze ans, si déterminé à tuer des Juifs qu’il lui a déclaré devant ses camarades de classe et en présence de son maître : « Je ferai de mon corps une bombe qui déchirera la chair des sionistes, ces fils de porcs et de singes, je déchirerai leurs corps en petits morceaux et je leur ferai subir des souffrances inimaginables ». À quoi, un congénère répond « Allah Akbar » et l’instituteur de conclure : « Puissent les vierges te donner du plaisir ! ».
Bien que les répétitions, c’est la loi du genre, soient courantes, ce recueil est une véritable somme. De Pierre-André Taguieff, à Joël Kotek en passant par Goetz Nordbruch et Yohanan Manor, toutes les contributions sont remarquable dans cette véritable plongée dans l’horreur d’une dérive inquiétante qui incite, hélas, au pessimisme.
Jean-Pierre Allali
(*) Numéro 180 de la Revue d’Histoire de la Shoah. Le Monde juif éditée par le Centre de Documentation Juive Contemporaine. 480 pages. Mars 2004. 19€.