A lire, à voir, à écouter
|
Publié le 29 Septembre 2003

Au nom de l’autre d’Alain Finkielkraut

Alain Finkielkraut livre dans ce petit essai qui vient de paraître en ce début du mois de septembre 2003, un texte concis - particulièrement clair et d’une écriture alerte et remarquable - les réflexions que lui inspire le retour d’actes, d’intimidations, injures et agressions qui ont frappé et déstabilisé la communauté juive depuis la toute fin du mois de septembre 2000. Le texte est court et il ne s’agit pas au sens strict d’une étude scientifique décryptant et analysant le pourquoi du comment, mais bel et bien des réflexions personnelles du philosophe.



Les faits inquiétants qui ont frappé les juifs de France, et qui n’ont rien à voir avec une simple résurgence du passé, auraient provoqué en d’autres temps un véritable tollé. Pourtant, il y eut comme une sorte d’apathie, d’indifférence générale et une navrante absence de solidarité citoyenne, au moins pendant plus d’une année. Et, selon l’auteur, il ne suffit plus d’incriminer et d’accuser les nostalgiques du pétainisme. Il faut aujourd’hui se pencher sur les écrits et déclarations qui émanent d’antiracistes, d’altermondialistes, et de militants de l’extrême gauche. Beaucoup de gens prennent fait et cause pour les Palestiniens, transformés en victimes toujours parfaites. Et « ce dont les juifs ont à répondre désormais, ce n’est pas de la corruption de l’identité française, c’est du martyre qu’ils infligent, ou laissent infliger en leur nom, à l’altérité palestinienne. On ne dénonce plus leur vocation cosmopolite, on l’exalte, au contraire, et, avec une certaine véhémence navrée, on leur reproche de la trahir. On fait valoir nostalgiquement que la judéité n’est plus ce qu’elle était, à l’admirable exception de quelques justes, de quelques dissidents, de quelques prophètes obstinés qui ne se laissent pas intimider et qui, prenant tous les risques, osent penser comme on pense. Loin de mettre en cause l’inquiétante étrangeté des juifs, on leur en veut de nous rejoindre où nous nous quittions, on se désole de leur assimilation à contretemps et du chasse-croisé qui les fait tomber dans l’idolâtrie et la sanctification du Lieu quand le monde éclairé se convertit en masse au transfrontiérisme et à l’errance ; on n’accuse pas ces nomades invétérés de conspirer au déracinement de l’Europe, on déplore que ces tard-venus de l’autochtonie aient régressé au stade où étaient les Européens avant que le remords ne ronge leur ego et ne les contraigne à placer les principes universels au-dessus des souverainetés territoriales. »

Un beau et grave texte assurément, que l’on doit lire et qui alimentera notre réflexion. Nous regrettons néanmoins que - fort du constat troublant et accablant, qui est livré par le philosophe - Alain Finkielkraut ne suggère une réponse, comme une parade. Que faut-il faire en effet ? Que faut-il dire à ces militants exaltés ?

Oui, vraiment, que dire ?

Marc Knobel

Observatoire des médias


Alain Finkielkraut, Au nom de l’autre. Réflexions sur l’antisémitisme qui vient, Gallimard, 2003, 35 pages.