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« Belzec » pèse dans les esprits. Le film de Guillaume Moscovitz va l’encontre de la négation de l’extermination, voulue à l’époque par les nazis. Guillaume Moscovitz interroge les derniers témoins : ces villageois qui vivaient à quelques kilomètres ou quelques mètres du camp. « C’est de cette confrontation avec la réalité de l’effacement, avec la violence de la réalité qu’est né le besoin de faire ce film », explique le réalisateur.
Tous savaient. Tous ont vu. Et à part quelques gestes héroïques isolés, tous se sont tus et ont laissé faire. Certains disent : « Qu’est-ce qu’on pouvait faire ? On n’y pouvait rien. » Certes. Mais là où il y a malaise qui se crée, c’est que certains étaient de véritables « spectateurs » à la limite du voyeurisme. Un homme raconte ; il avait 14 ans en 1942. « J’allais voir ». Pourquoi ? « J’avais rien à faire d’autre. J’allais voir pour voir. » Voir des gens parqués dans des wagons, hurler, mourir de soif avant de mourir par le gaz, voir des cadavres brûlés…
Le camp n’était pas vraiment caché. Situé sur une colline, l’ensemble du village pouvait apercevoir ce qui s’y passait. Notamment, lorsque les nazis ont décidé de brûler les corps et de les enterrer. Tout le monde voyait et tout le monde sentait l’odeur indescriptible et inimaginable.
Un couple de villageois en parle : « Nous ne pouvions pas ouvrir les fenêtres. On ne pouvait tout de même pas déménager. Après nous nous sommes habitués. Et puis ça n’a pas duré longtemps. »
Le secret des nazis sur l’extermination n’était pas gardé. Les gens se racontaient ce qu’ils voyaient et ce à quoi parfois ils assistaient eux-mêmes. Mais aussi paradoxal que cela puisse paraître, il ne fallait laisser aucune trace.
Sur plus de 600 000 juifs, seuls 4 personnes ont pu survivre dont une petite fille cachée qui n’a pas connu le camp en lui-même. Braha Rauffman avait 7 ans en 1942. Elle a été cachée par une Polonaise dans de terribles conditions. Pendant près de deux ans, elle a été cloîtrée dans un trou dans lequel elle ne pouvait pas allonger les jambes. Une minuscule ouverture lui permettait de voir les chaussures de celle qui la nourrissait. « Enterrée vivante », comme elle-même le fait remarquer. « Elle ne témoigne pas de l’effacement des traces de l’extermination ou de l’extermination elle-même, amis des effets, en elle, des disparitions collectives », commente Guillaume Moscovitz.
Belzec est une immense tombe qui ne devait pas être connue. Aujourd’hui, le film de Guillaume Moscovitz révèle son existence.
Stéphanie Lebaz
« Belzec », un film de Guillaume Moscovitz. Sortie en salle le 23 novembre 2005