« J’espère, dit l’auteur en préambule, que mes petits papiers vous donneront envie, si ce n’est déjà fait, de pousser la porte de notre merveilleuse Torah ».
Voici les beignets inégalables de la maman, les lumières de Hanouka (Que de ménorot, bli aïn hara !). Voici Pessah, avec, à Bné Brak, le rite de la « spongia », qui consiste à asperger le carrelage des maisons d’eau savonneuse, à frotter vigoureusement le sol à l’aide de serpillières et à laisser l’eau grise s’écouler à l’extérieur du bâtiment, par les tuyaux, des sortes de gargouilles moyen-âgeuses.
Dans un sketch bien connu, l’humoriste Michel Boujenah pose à son père la question si simple, mais combien délicate : « Dis, papa, d’où vient le vent ? ». Maurice Cukier, lui , se demande, à l’instar de Rabbi Yéhouda Ben Lévy : « D’où sait-on que le vent ne s’arrête jamais ? ». La Guémara vient à notre secours en se référant à Zacharie dans lequel on peut lire : « Parole d’Hachem, je vous disperserai par les quatre vents du ciel ». « Par les quatre vents » et non « aux quatre vents ». D’où la suit du raisonnement : puisque le monde ne saurait exister sans Israël, le vent ne s’arrêtera jamais de souffler. CQFD.
Avec humour, l’auteur moque les Israéliens qui, pratiquement tous, ont pour habitude de posséder et de garder à portée de main leur précieuse pochette bleu clair personnelle. Une pochette décorée systématiquement d’un bel écusson flanqué d’une ménorah. Mais de quelle pochette s’agit-il ? Celle des papiers, bien sûr. Quand on habite Israël mieux vaut avoir sa pochette à côté de soi. L’administration, la police, la justice veillent. Au fil des ans la pochette israélienne a pris de l’embonpoint : au permis de conduire et aux documents officiels, comment ne pas ajouter, la carte du club Maccabi, la carte consulaire et tutti quanti. « Tout un fatras de petits papiers dont on n’a pas le courage de se débarrasser ». Sans oublier les téoudot les plus diverses. Téoudot, kézaco ? Pour les non-initiés, une téouda, c’est papier officiel donnant à son possesseur le droit de demander d’autres papiers officiels. La plus étonnante étant la téoudat zéout, la carte d’identité. Son numéro est exigé pour tout et n’importe quoi. « Remplir un chèque, réserver une chambre d’hôtel, faire le plein d’essence dans le stations automatiques. Sans téoudat zéout, on n’existe pas. Si René Descartes était né en Israël, il dirait : « J’ai un numéro de téoudat zéout, donc je suis » ».
Avec le logement, c’est pire. Acquérir un toit bien à soi, en Israël, relève du parcours du combattant. « Il faut 23 ans de salaire moyen, pour avoir le droit de dormir dans son chez-soi moyen, avec des trissim et des robinets tout ce qu’il y a de plus moyen ». Les trissim, entendez un système pervers de stores coulissants, toujours laids et cassés. « Il faut vivre avec », soupire, avec humour, l’auteur.
« Boxer un ange », titre de l’ouvrage, est aussi celui de l’une des nouvelles. En fait de boxe, il y est question de façon de prier, de faire sa tephila. Et si cette dernière n’est pas partie sur un bon pied, il faut corriger le tir : « Soigne ton gauche ! Balance-lui ton poing ! Chaque mot qui s’envole est une victoire ! Cogne ! Accompagne ce kaddish avec les tripes ! Tape ! Prie len-te-ment. Vas-y, c’est gagné. On l’a eu, KO technique !
Hachem, on l’aura compris, est le mot qui revient le plus souvent sous la plume de Maurice Cukier. Que voulez-vous, nous dit-il : « C’est bon d’être juif. Et même si je ne vous apprends rien, ça fait tellement de bien de le dire ! »
Très sympathique et agréablement écrit.
Jean-Pierre Allali
(*) Éditions Bibliophane-Daniel Radford. 2ème trimestre 2007. 256 pages. 15 €