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Publié le 24 Février 2009

CONTES JUIFS, par Francis Weill (*)

Le lecteur qui s’attend à trouver sous la plume du docteur Francis Weil une resucée des contes et des récits du shtetl façon Choleim Aleikhem (1) ou, plus au sud, façon Véhel et Ryvel avec leur « Bestiaire du Ghetto » racontant la Hara de Tunis (2), en seront pour leur compte et resteront sur leur faim. Annoncés comme philosophiques (un peu), talmudiques (à peine), halachiques (presque pas) et drolatiques ( le plus possible), les histoires aussi farfelues que pétulantes qui nous sont proposées sont tout simplement originales, une création complète de l’auteur, qui, de plus, en est le héros perpétuel. La preuve qu’on peut être médecin, représentant honorable du CRIF à Besançon et rêver, voire fantasmer un brin.



À Prague, un jour d’automne, le narrateur donc, rencontre…le Golem en personne, la créature du fameux rabbi Löw dit le Maharal. Et que demande le Golem ? D’être embarqué pour la France, en vulgaire passager clandestin. Après moult tractations et récriminations, un accord est trouvé. Mais où mettre un Golem dans une voiture de tourisme ? That is The question!
« Dans une valise? Impossible, il serait repéré tout de suite. Dans le coffre ? Même vulnérabilité. Sous le capot ? Les moteurs sont régulièrement inspectés. Le châssis ? Souvent examiné… ». Finalement, se sera la roue de secours où notre Golem, une fois transformé en fumée s’introduira. Il ne résistera pas, hélas, à une crevaison. Tel est le sort funeste des zombies et autres êtres hybrides. « Iehi ratson miléfanéra, Seigneur que ta volonté soit faite ». Adieu, charmant Golem et « Lehitraot ».
Un autre jour, l’auteur est à Rio où, surprise, parmi les « ravissantes Janeiriennes, brunes, noires ou blanches, cheveux au vent, menton dans la brise tiède », déambulent aussi « des barbes, des noires, des grises, des blanches, flottant dans l’azur, encaftannées et enstrammelées ». On le voit, tout au long de son recueil, l’auteur n’hésite pas à nous offrir les néologismes les plus osés. « Rio un peu », nous dit-il, en s’excusant presque de ses audaces lexicales. C’est Pessar, la fête des matsoth et voici, catastrophe, que ces touristes religieux, dont certains viennent de France et qui s’apprêtent à participer à l’inauguration d’une yéchiva brésilienne, sont invités à gravir…le « Pain de Sucre ». Du pain en plein Pessah !!!Patatras. « La situation était grave. Prolonger la réflexion risquait d’étendre une transgression fondamentale ».
De Karachi à Tombouctou, des sommets des Alpes à Edimbourg et même à la NASA, Francis Weill qui ne manque, pas, au passage, « private joke », d’évoquer, parmi les désordres violents qui secouent la planète : Irak, Tchétchénie… et qui l’empêchent de dormir, « le conflit entre le Consistoire et le CRIF » , nous régale, au fil des pages, de ses aventures aussi rocambolesques que savoureuses.
À Tokyo, la grande mégapole, la visite espérée de la synagogue conduit à une méprise de taille. La femme du supposé rabbin s’avère être une geisha. Sa carte de visite en témoigne : « Kis épa Kapasu. Geisha diplômée de la faculté des Arts de Kyoto. Synagogu Imperial, the most select geisha house in Japan ». Mystère et boule de gomme.
Sous la plume étonnante de notre auteur, ça virevolte sec. Rigolade assurée.
Jean-Pierre Allali
(*) Éditions L’Harmattan. Septembre 2008. 110 pages. 11,50 euros
(1) On pourra lire au sujet de cet auteur, l’excellent « Monsieur Choleim Aleikhem » de notre ami Henry Bulawko ( Éditions Gil Wern. 1996)
(2) Éditions de La Kahéna. Tunis. 1934